Médusés ! (Lully, Persée, Vidal, Concert Spirituel, Niquet – évacuation du Théâtre des Champs-Elysées, 14 février 2025)

Benvenuto Cellini (1500-1571), Persée tenant la tête de Méduse (1545-1554), Bronze, Galerie des Offices, Florence – Source : Wikimedia Commons

Jean-Baptiste LULLY
Persée
Tragédie en musique en un prologue et cinq actes (1682), sur un livret de Philippe Quinault

Mathias Vidal, Persée
Anaïk Morel, Andromède / Hymen
Hélène Carpentier, Mérope
Thomas Dolié, Phinée
Michèle Losier, Cassiope
Matthieu Lécroart, Céphée
Reinoud Van Mechelen, Mercure
David Tricou, Mégathyme / Premier Ethiopien / Euryale
David Witczak, Phronime / Deuxième Ethiopien / un Cyclope / Méduse / Triton / Le Grand Prêtre
Alexandre Baldo, Troisième Ethiopien / Une divinité infernale / Sténome / Idas
Olivia Doray, La Vertu / une Nymphe guerrière / Vénus
Marine Lafdal-Franc, La Fortune / l’Amour

Orchestre et Chœur Le Concert Spirituel, Direction Hervé Niquet.
Les Pages et les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles,

Cela aurait pu être bien, très bien, ce fut…bref, très bref ! Quatre minutes tout au mieux.

Pourtant tout avait été prévu. En cette soirée de Saint Valentin, le bal des Nymphes avait été décliné, quelques Charites éconduites et seule Euterpe devait en cette soirée nous ensorceler. Le Concert Spirituel, sous la houlette d’Hervé Niquet promettait de ressusciter le Persée de Lully. Une représentation dont nous attendions beaucoup, l’œuvre ayant fait l’objet des dernières recherches du Centre de Musique Baroque de Versailles, devant être donnée notamment avec une disposition des musiciens plus conforme aux usages de la fin du dix-septième siècle, avec notamment une direction faisant face à la scène, mais dos aux musiciens.

Et avouons que tout avait bien commencé. Dans les couloirs, quelques habitués, et dans la salle des visages connus venus juger du travail accompli, Fabien Armengaud notamment, directeur des Pages et Chantres du CMBV. Sur scène, le parquet et la cheminée du Semele de Haendel, qui doit encore se jouer demain. A l’heure dite, la sonnerie si délicieusement désuète du Théâtre des Champs-Elysées rabroue les retardataires, les lumières s’abaissent puis s’éteignent, les cordes s’accordent au son du clavecin. Puis le silence suspendu d’avant représentation, l’entrée dans la fosse du chef et une ouverture qui emplie la salle, alerte, franche, française, aux belles attaques de cordes. Les deux David, Tricou et Witczak rejoignent leurs pupitres et entament les premières phrases du Prologue à la gloire de la Vertu quand…patatra…un mauvais hautbois vient scander sa note répétitive. Ah tiens ! non, il s’agit de l’alarme incendie du théâtre. Bruit caractéristique de remise sous tension du système électrique et éclairage du lustre central, avant qu’une voix féminine, calme et enregistrée n’invite l’ensemble des spectateurs à évacuer les lieux dans le calme.

Les musiciens s’éclipsent, les spectateurs regagnent les escaliers, puis les trottoirs de l’Avenue Montaigne où déjà s’entendent les sirènes des camions de pompiers et se respire une odeur de brûlé. Des portes annexes sortent les spectateurs du Studio Champs-Elysées et des deux restaurants que compte l’édifice, le Manko et le Gigi. La grande échelle se déploie pour vérification du toit de l’édifice et quelques renseignements glanés auprès des pompiers nous apprennent que le feu, sans gravité mais avec un fort dégagement de fumée, aurait prix au niveau de l’une des cuisines du bâtiment.

Quelques minutes encore dans le froid et le désordre au final très ordonné de l’Avenue Montaigne et tombe l’annonce que la représentation ne reprendra pas, le bâtiment devant subir quelques légitimes vérifications suite à l’incident survenu.

Ainsi en est-il de soirées contrariées. Adieu Mérope et Cassiope, Phinée et Céphée. Il ne nous reste plus qu’à partir…Médusés !

Espérons juste que les mois à venir pourrons voir se reconstituer le plateau de la soirée, si prometteur que juste pour le plaisir de l’évocation nous le mentionnons en tête d’article, fantasme d’une représentation dont nous espérons vivement une nouvelle date.

                                                                                   Pierre-Damien HOUVILLE