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Le saviez-vous ? le bon appétit de Lully

“Une bonne poularde et la moitié d’une seconde”

Jean-Baptiste Lully, secrétaire du Roy et sur-intendant de sa musique, gravure de Jean-Louis Roullet d’après Paul Mignard, 1683-1699. Source : Gallica / BnF

Armide de Lully représente l’ultime tragédie lyrique et chef d’œuvre du Surintendant, car Lully ne termina pas Achille & Polixène. Créée au Théâtre du Palais-Royal le 15 février 1686, Armide n’eut hélas pas les honneurs d’une création à la cour prévue à l’origine à Versailles mais plusieurs fois reportée parce que le compositeur et le roi furent souffrants et que le scandale avec le jeune page Brunet (page de 13 ans avec lequel Lully eut une scandaleuse liaison) avait provoqué depuis l’année précédente  la semi-disgrâce de “Baptiste” et ravivé les cabales à son encontre… Anecdote savoureuse : le soir de la première, Lully n’avait pas soupé, et sa collation était trop légère pour ce grand compositeur et gros mangeur, et nos standards modernes s’émerveillent de cette collation “d’une poularde et demie” que nous rapporte Henry Baud de Sainte-Frique dans sa lettre à un officiel italien et qui relate la première et l’immense engouement et cohue qu’elle provoqua. 

“Il y eut un si grand monde qu’on ne pouvait plus y entrer du tout et plus de cent personnes étaient sur le théâtre, à un louis chacun. Toutes les loges pleines de dix personnes. Vous savez que sept les remplissent et sont (déjà) incommodes. L’amphithéâtre et le parterre et le paradis étaient si confusément remplis qu’on ne pouvait sans étonnement comprendre la quantité du monde qui y était. On prétend que Lully reçut ce jour-là dix mille francs. Il était si en colère (à cause de la cohue) qu’il battit tous les valets et n’eut pas la force de souper, parce que sur les sept heures, il avait fait collation et avait tout seul mangé une bonne poularde et la moitié d’une seconde, et n’avait bu que quatre ou cinq coups. Le pauvre homme faillit tomber en faiblesse après cela.” (Henry Baud de Sainte-Frique, Lettre envoyée en Toscane une semaine après la représentation)

Hélas, Louis XIV n’assista jamais à une représentation d’Armide, ni d’aucun autre opéra de Lully, et la dédicace de la partition imprimée en est amère : “Que me sert-il, Sire, d’avoir fait tant d’efforts pour me hâter de vous offrir ces nouveaux concerts ? Votre Majesté ne s’est pas trouvée en état de les entendre et Elle n’en a voulu prendre d’autres plaisirs que celui de les faire servir au divertissement de ses peuples”. Reste en compensation trébuchante les revenus florissants  générés par cette première, car les places qui s’arrachèrent comme autant de petits pains se vendaient à 10 louis sur scène, 5  louis ou 3 livres pour les loges et l’amphithéâtre et 30 sols pour le paradis ou le parterre (où l’on se tenait debout). [V.L.N.]

 

Étiquettes : , , , Dernière modification: 2 novembre 2023
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