“Wonder in Venice”
Baldassare GALUPPI (1706 -1785)
Sonate pour clavecin en fa majeur, R.A.1.8.06
Sonate pour clavecin en ré mineur, R.A.1.04.02
Sonate pour clavecin en ré majeur, R.A.1.03.01
Sonate pour clavecin en sol mineur, R.A.1.12.01
Sonate pour clavecin en si bémol majeur, R.A.1.16.05
Concerto pour clavecin en do mineur
Concerto pour clavecin en fa majeur
La Filarete
Arianna Radaelli, clavecin et direction
1 CD digipack, enr. juin 2023, Arcana / Outhere, 69’32
La jaquette n’est pas forcément du meilleur goût, et rappelle un peu celles où Cencic ou Bartoli s’essaient aussi au bal masqué façon France télévisions. Mais si l’emballage est un peu racoleur, il reflète fort bien le double pouvoir de séduction de Galuppi et d’Arianna Radaelli au clavecin. De Galuppi, les clavecinistes (et pianistes) savent combien il est jouissif et relativement aisé à jouer : lui rendre justice c’est le laisser sourire, dérouler cet art mélodique, à la fois vif, aimable, galant, d’un lyrisme ensoleillé, d’une sensualité de lit à baldaquin.
Arianna Radaelli, sur un clavecin brillant et argentin, livre des sonates avec une évidence fluide : balancement de la gondole, peu de masques dans cette Venise étourdissante et alanguie à la fois, vautrée dans ses plaisirs, confites dans sa beauté, narcissique dans son regard. Dès la sonate en fa majeur, on se laisse complètement porter par l’Andantino e con espressione généreux. Même poésie dans le long Larghetto de la sonate en si bémol majeur. Les Allegros, et il sont pléthores, bondissent, rebondissent, dansent. Cela virevolte avec une légèreté de ballerine dans un tourbillon innocent digne de la Natacha tolstoïenne. Mais la comparaison n’est pas pertinente, car loin de la steppe immaculée, on est propulsés chez Tiepolo aérien et sa patte tendrement aquarellée, agrémentée de quelques pointes de malice, d’enivrement de doubles croches sans nervosité. Ce Galuppi devient sous le toucher sautillant d’Arianna Radaelli une ronde des plaisirs. Oui il y a du talent et de l’invention, quelques sursauts scarlattiens.
Tout cela est tempéré par un grâce mondaine, sans superficialité, mais dont l’agrément constant recherche la variété et non la profondeur. Pour filer la métaphore picturale, on se croirait tout autant dans un Canaletto pour le côté fourmillant et coloré, avec les étranges points de couleur servant à capter la lumière. Les cinq sonates sélectionnées, relativement homogènes, passent avec plaisir comme une conversation entre amis, de celles dont on sort ravi mais dont on ne se souvient plus le propos. En revanche, les deux concerti procèdent une approche plus routinière : est-ce l’orchestre de la Filarete qui se révèle aussi pudique que discret ? Ou bien l’ingénieur du son subjugué par l’artiste et qui ne suit que le fil d’Arianna ? Cordes moelleuses mais pudiques, basse continue trop plate, articulations équilibrées mais peu investies, les concertos prennent le parti de la princesse endormie. Une friandise de sonates à croquer, même si parfois, dans les concertos “the more the quieter”.
Viet-Linh Nguyen
Technique : clavecin très bien capté, clair et précis, orchestre en retrait.
Étiquettes : clavecin, Galuppi, La Filarete, Muse : argent, Muse : or, musique pour orchestre, Radaelli Arianna, sonates, Venise Dernière modification: 7 mai 2025