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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Festival
Bach, Messe en Si mineur, Collegium 1704, dir. Vaclav Luks
Périgueux vue de la Tour Mataguerre avec la Cathédrale Saint-Front © Muse Baroque, 2010 Nous avons retenu de deux semaines et demi la parution de ce long compte-rendu d’un Festival qui sent bon le Sud-est et sa terre généreuse. Pour un motif éditorial tout d’abord, puisque ce récit aurait perdu en visibilité lors du passage au sommaire de septembre. Et surtout parce que nos avons longtemps hésité entre un carnet de festival, et différents articles plus courts et plus « institutionnels » pour finalement combiner les deux approches, en redéfaisant sur le métier notre ébauche initiale. Pourquoi ces doutes ? Parce que les articles initiaux, furent jugés trop ensuite froids et analytiques pour dépeindre ce qui restera dans nos mémoires comme un week-end gourmand. Les âmes errantes et pressées se contenteront des passages en typographie droite et ne s’égareront pas sur les chemins de traverses en italiques.
Vendredi 27 août
V. Luks © X. Löffler 2007 Jean-Sébastien BACH Messe en si mineurCollegium 1704 Soprano I : Dora Pavlíková, Barbora Sajková, Stanislava Mihalcová, Stanislava Mihalcová, Johanna Knauth Soprano II : Dagmar Sasková, Marta Fadljevicová, Renata Pusová, Ruxanda Ibric Alto : Marketá Cukrová, Kamila Seveíková, Marta Fadljevicová, Jan Mikusek, Daniela Cermáková Ténor : Jaroslav Bfiena, Hasan El-Dunia, Cenûk Svoboda, Tomás Lajtkep, Olivier Rault Basse : Tomás Krá, Marián Krejcík, Jaromír Nosek, Martin Kotulan, Pierre Boudeville Direction Vaclav Luks 27 août 2010, Eglise Saint Etienne de la Cité, Périgueux. Fiat Luks"Tout a été dit et Bach nous redit tout" annonce d’emblée David Theodoridès, le directeur du festival, en guise de présentation de cet opus magnum bacchien, dont on ne sait toujours pas avec certitude à qui Bach destinait cette grande messe catholique monumentale et solennelle, requérant des effectifs opulents. Pour l’occasion, le Collegium 1704 - que nous avions pu apprécier au Festival de Pontoise et à Rennes chez Haendel - a investi l’église romane de Saint-Etienne, amputée de deux de ses coupoles et de son clocher lors des guerres de religion. Dans cette acoustique légèrement réverbérante, très favorable aux chœurs, le chef se réapproprie la Messe, et son expérience de Zelenka n’est sans doute pas étrangère à l’élan de modernité qu’il insuffle à ces pages pourtant si souvent parcourues. Plus que le décompte un brin fastidieux des qualités et des airs et des mouvements, des grandes qualités et menus défauts des solistes, c’est avant tout à une vision d’ensemble habitée et cohérente qu’il faut rendre hommage. Une vision colorée, énergique, enivrante qui regarde plus le théâtre que le temple, où la Messe s’éloigne de la liturgie austère luthérienne pour revêtir des habits d’azione sacra, de grandes fresque sacrée, d’oratorio passionné. Cela commençait pourtant comme d’habitude. Le Kyrie eleison que l’orchestre aborde avec une douceur posée, faisant montre de beaux timbres notamment au niveau des flûtes et bois, le tempo ample et fluide ; le chœur d’abord confiée à un quatuor de solistes bientôt rejoint par les ripiénistes, dynamique, naturel, dense et puis voici qu’après un spectaculaire crescendo par paliers, le duetto du Christe eleison presque sautillant et léger et le passage choral associé empli d’un sentiment d’urgence dramatique que ne dément pas le Gloria rutilant et triomphal, grandiose et splendide accompagnement du spectacle imposant de l’assistance présente lors de la messe solennelle annuelle de la Musicalische Kongregation de Vienne en l’honneur de Sainte Cécile (l’une des hypothèses sur la finalité de cette œuvre). Cette sensation de bulle explosive, de remontée magmatique, cette urgence parfois rugueuse dans sa spontanéité déferlante se retrouve dans un Patrem omnipotentem à la limite du cri, un Et resurrexit et un Sanctus sous forme d’apothéoses. Entre ces moments choraux qui sont autant de corolles, Luks sait ménager des respirations et des ruptures, introduisant les airs de manière opératique et habitée - un Qui sedes charmeur de Marketá Cukrová ceint de hautbois dissert, un Quoniam tu solus Sanctus assuré et imposant de Marián Krejaik avec ses bassons désinvoltes et presque jazzy et sa fameuse partie de cor obligé (interprétée stoïquement par Erwin Wieringa qui accuse des problèmes d'intonation) - plongeant l'auditoire dans la noire affliction d'un Cruxifixus aux chromatismes diablement inquiétants.
Musée gallo-romain de Vesunna, Périgueux © Muse Baroque, 2010 Au-delà d'un plateau de solistes de très haut vol, avec une légère réserve quant au ténor à l'émission un peu instable et nasale, c'est au Collegium 1704 qu'il faut rendre à César. Enthousiaste et vif, l'orchestre a su s'accorder avec la vision énergique et extravertie du chef, faisant montre d'un beau noyau de cordes, et d'un continuo agile. Si l'on déplorera l'usage de trompettes aux tubes percés (pour faciliter le jeu et diminuer les problèmes de justesse inhérents aux instruments naturels), force est de constater la rutilance de l'ensemble, et les couleurs des bois. En définitive, Luks a accompli son pari de relecture de la Messe en si, parfois proche de celle de Marc Minkowski (Naïve), sans sacrifier à la musicalité, à la profondeur émotionnelle du texte, et aux dynamiques sous-jacentes. Certains spectateurs ont murmuré, surpris par les tempi audacieux de vivacité qu’il s’agissait là de "l’interprétation la plus pressée" qu’ils aient entendue. C’est là méconnaître la pulsation, la structuration de la basse continue, la structure globale qui lie les mouvements et les sections. De la rapidité, certes, mais point de hâte ou de précipitation non signifiante. Et se dessine petit à petit le portrait de ce Bach pas si "vieux jeu" et archaïsant que son image d’Evangiles l’impose, ce Bach dont on sait qu’il allait parfois à Hambourg apprécier des opéras de Keiser et qui continue de résonner dans la nuit longtemps après les applaudissements nourris, en attendant "la résurrection des morts et la vie du monde à venir".
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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