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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Concert Grétry, La Fausse Magie, Les Paladins, Jérôme Corréas
D.R.
André Ernest Modeste GRETRY (1741-1813)La Fausse Magielivret de Jean-François Marmontel, adapté par Vincent Tavernier
Lucette : Isabelle Philippe Madame Saint-Clair : Anna-Maria Panzarella Linval : Mathias Vidal Dalin : Georges Gautier Dorimon : Alain Buet Le Notaire (rôle muet) : François Cornet
Chœur de l’Opéra de Rennes Les Paladins Direction Jérôme Corréas
Vincent Tavernier, mise en scène Claire Niquet, scénographie Erick Plaza-Cochet, costumes Carlos Perez, lumières
Coproduction les Paladins - direction Jérôme Correas -,
Représentation du 21 mars 2010, Opéra de Rennes "La seule réalité qui vaille, c’est le plaisir" Après un Couronnement de Poppée raffiné et poétique, Les Paladins s'aventurent en terres classiques et rejoignent cette année Grétry, aux côtés des autres productions que nous avons déjà chroniqué tels Andromaque, L'Amant Jaloux à Versailles ou Paris, Zémire & Azor. L’intrigue de cet opéra-comique en 2 actes est d’une simplicité typiquement XVIIIe : une fille, Lucette, aime un jeune homme, Linval, mais se trouve en butte aux projets de son oncle et tuteur, Dalin — qui finit, une fois le premier barbon désarçonné, par vouloir épouser lui-même la jeune première. L’originalité principale du livret se situe à l’acte I : la tante de Lucette, Madame Saint-Clair, et l’oncle de Linval, Dorimon, attendris, abandonnent tous deux leur projet initial : épouse l’un la jeune première, l’autre le jeune premier ; d’opposants, ils deviennent adjuvants, et se sont eux qui dirigeront la cérémonie de "fausse magie" évoquée par le titre, et dont Dalin sera la dupe (il signera sans le savoir le contrat de mariage…). La note d’intention du metteur en scène Vincent Tavernier, brève et intelligente, annonce le ton : légèreté, fantaisie, sourire, allégresse. C’est une analyse réelle de l’œuvre, de ses forces (la musique et les dialogues) et de ses faiblesses (la conduite de l’intrigue) qui est à la source de ses choix, et il serait à souhaiter qu’une telle méthode se répète plus souvent. En quoi consiste "l’adaptation" de Vincent Tavernier ? Rien de bien alarmant : sans doute quelques répliques coupées, d’autres résumées, mais pas un vers faux. Mieux encore : l’intrigue initiale bancale est "redressée", en faisant disparaître Madame Saint-Clair après l’acte II ; Vincent Tavernier la réintroduit en lui faisant tenir le rôle initialement dévoué à "Une Bohémienne" — ce qu’il signale en toute honnêteté [NdlR : en réalité, le livret a été entièrement réécrit - lire l'interview de Vincent Tavernier à ce sujet]. La partition regorge d’airs et d’ensembles savamment composés, mais aussi de quelques trouvailles (en particulier l’imitation des poules aux hautbois et bassons) habilement intégrées et développées dans la trame musicale. Décors et costumes enchantent de Claire Niquet & Erick Plaza-Cochet : sans être des répliques conformes d’originaux d’époque, ils évoquent le XVIIIe siècle avec une efficacité (chaque personnage est vêtu tout d’une couleur) et une inventivité constantes : chaque changement de décor en devient un nouvel émerveillement comme on n’en voit que rarement. Carton pâte, certes, mais pleinement assumé et séduisant en tant que tel. Le public ne demande qu’à adhérer.
D.R. Les performances des chanteurs-acteurs sont également à louer. Il n’est pas inutile de dire que dans les parties chantées, le texte reste parfaitement intelligible, preuve du travail approfondi sur le chanté-parlé que mène Jérôme Corréas, de Monteverdi à Grétry. Les dialogues sont vraiment joués, et non seulement dits. Jamais rien n’est statique, tout est mouvement, même les grands airs à la "Comme un éclair". Inutile de faire virevolter Lucette ? Qu’à cela ne tienne, l’agitation se fera autour d’elle par les autres personnages, sans gêner, en souriant, en interaction avec elle. Il en va de même du long quatuor de la scène 13, où les protagonistes marchent sur les toits — on n’en voit qu’un seul, mais leurs mouvements, leurs gestes, leurs vertiges, leurs danger de chute nous en dit assez sur ce qu’ils font. Les rôles sont bien campés : Linval et Lucette sont deux jolis petits amoureux, espiègles et pas si niais ; l’oncle Dalin, peu satisfait de sa vieillesse, est plaisant de crédulité ; Dorimon et Saint-Clair, ces deux vieux galants, remportent l’amitié des spectateurs. Il faut avoir vu Anna-Maria Panzarella s’admirer et se parler dans son miroir à la scène II ! Celui qui voudrait trouver des défauts aux voix serait bien en peine. Certes, on pourrait reprocher quelques brèves parties savonneuses dans les coloratures d’Isabelle Philippe, mais si brèves, si brèves… Le chant toujours libre, certaines répliques parlando, tout cela fait continuité avec les dialogues. Les deux ténors sont bien différents : Mathias Vidal est bien jeune premier, même si la voix semble parfois manquer d’assurance et d’agilité (comme le personnage, en somme). Georges Gautier possède une élocution claire, un timbre léger et une belle projection, dans une tessiture homogène. Que dire d’Alain Buet et d’Anna-Maria Panzarella sinon que leurs timbres sont si beaux, et tout est si stylistiquement exact ! Plus généralement, d’ailleurs, cette exactitude stylistique est au rendez-vous chez tous les chanteurs. On n’émettra que quelques réserves sur l’orchestre des Paladins. Sous la baguette inspirée de Jérôme Corréas, l’orchestre se révèle souple et précis, mais accuse parfois un certain manque d’homogénéité et peut-être quelques baisses d’enthousiasme. Qu’importe, ce n’est que parfois et peut-être : la partition est impeccablement jouée, avec souvent de beaux accents. Voilà donc une production exemplaire qu’on résumera de manière lapidaire : bon chant, bon orchestre, bon théâtre, une œuvre rare et presque inédite, une mise en scène comme on rêve d’en voir. Rêvé éveillé, cette fois.
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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