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mise à jour 6 janvier 2014
| Chronique Concert Gretry, Andromaque Le Concert Spirituel, dir. Hervé Niquet
Hervé Niquet © Nicole Bergé
André Ernest Modeste GRETRY
Andromaque
(Tragédie lyrique sur un livret de Racine et Pitra, 1780)
Karine Deshayes, Andromaque
Maria Riccarda Wesseling, Hermione
Sébastien Guèze, Pyrrhus
Tassis Christoyannis, Oreste
Les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles
(Olivier Schneebeli, direction artistique)
Chœur et Orchestre du Concert Spirituel
Direction Hervé Niquet
18 octobre 2009, Théâtre des Champs-Elysées, dans le cadre des Grandes Journées Grétry du CMBV "Modérez ce transport jaloux / Calmez cette fureur extrême" (II, 1) Andromaque. Le nom d'une pièce mythique et grandiose de Racine, bien entendu. Le nom aussi d'une des dernières tragédies lyriques à une époque où le modèle lullyste de la tragédie mise en musique semble bien lointain. 6 juin 1980, A une trentaine d'années à peine d'un Scylla & Glaucus de Leclair encore si baroque et ramiste dans son langage, l'Andromaque du Liégeois d'origine, favori de Marie-Antoinette, est donnée à l'Académie Royale de Musique. Cette création audacieuse est due à Anne-Pierre-Jacques Devisme du Valgay, directeur de l'institution, qui incite à la réutilisation de livrets anciens et illustres. Tout comme le néo-classicisme s'inspire d'une Antiquité fantasmée, Gossec reprend Thésée de Quinault, et Grétry, fameux pour ses opéras-comiques, se plonge dans son unique opéra sérieux. Le résultat est surprenant, et sera repris en 1781 avec un 3ème acte refait en entier. A l'écoute de cette palette sonore large et colorée que Le Concert Spirituel a défendu avec honneur, on sent chez Grétry la continuation de Glück avec des ariosos très changeants, entrecoupés de passages choraux, et une quasi-absence de récitatifs déclamés. La ligne mélodique pure, très française, préfigure parfois Gounod ou Berlioz, les chœurs monumentaux préfigurent Cherubini ou Le Sueur. Le librettiste Pitra a réarrangé le livret de Racine en 3 actes. Plus resserrée, l'intrigue a décapité de nombreux personnages, dont les fantômes relégués dans les chœurs assument une fonction proche du chorus antique, commentateur et acteur dédié à chaque protagoniste. Il est par ailleurs dommage que la production n'ait pas jugé utile de surtitrer le spectacle, le livret étant fourni dans le superbe livre-programme des Grandes Journées. Sur la scène du TCE bondé pour cette recréation tant attendue, c'est Karine Deshayes qui se glisse dans le rôle titre (en remplacement de Judith van Wanroij). Le timbre est opulent, le phrasé généreux. Hélas, l'incarnation de la superbe veuve manque de lisibilité et de conviction dramatique, notamment en raison d'un travail insuffisant sur la prosodie et la diction. La tendresse de Grétry envers le personnage transparaît dans l'utilisation d'un halo diaphane de 3 flûtes pour l'accompagner mais l'interprétation de Deshayes n'atteint pas suffisamment de relief pour sublimer les sublimes vers du livret. Le Pyrrhus héroïque de Sébastien Guèze a impressionné par sa puissance vocale, dominant l'orchestre pourtant massif de sa projection spectaculaire. La diction est claire, même si certains passages paraissent un peu forcés et le style tendant vers le prérossinien. On admire l'air martial "ils me menacent de leurs armes" bien balancé, et rudement accompagné par des cordes saillantes. De même, le duo avec Andromaque "Cruelle, ce cœur saura vous obéir", dynamique et insistant, illustre la capacité de Grétry à encapsuler sur un segment relativement bref un concentré de vocalité brillante. L'Hermione de Maria Riccarda Wesseling fut sans doute la plus élégante de la distribution grâce à son mezzo flûté et sa noble incarnation d'un personnage miné par la jalousie vengeresse. Le phrasé est sensible et nuancé, la technique naturelle et fluide. L'air "J'enchaîne à jamais mon vainqueur" a représenté l'un des trop rares moments de poésie relâchée, d'abandon souriant, de musicalité contemplative lors de cette soirée que le chef a conduit l'épée dans les reins. Enfin, reste l'Oreste. Si l'interprétation de Tassis Christoyannis s'avère sensible et équilibrée, l'émission trop confidentielle n'a pas su tenir tête à la masse orchestrale déchaînée. Les Chœurs du Concert Spirituel, protéiformes et ultra dynamiques, ont épousé avec force chaque facette du drame avec une ampleur et une précision tout à fait remarquables dans leur exubérance démonstrative. Le "Chantons, célébrons sa victoire" martelé avec pompe, la scène d'hyménée tout aussi festive, témoignent d'une fluidité naturelle et d'une lisibilité des pupitres à louer sans réserve. L'Orchestre a été moulé du même airain, et rend justice aux combinaisons originales de Grétry : trios de flûtes, trombones associés aux flûtes, belles échappées de bois, échos pré-rossiniens de violons au début de l'acte III. La direction d'Hervé Niquet s'est avérée d'une épuisante vivacité. Tout occupé à saisir le drame et à en presser le sanglant dénouement jusqu'à la dernière goutte, le chef a constamment insufflé - pendant près de deux heures - une tension extrême à chaque note, variant peu les tempi, préférant un inexorable entrain à une diversité d'articulations et de climats. Il en résulte une certaine frustration pour l'auditeur, sans cesse sollicité, qui espère quelques moments plus posés et plus recueillis comme pour le chœur des vierges "Andromaque se sacrifie", presque expédié "en passant", plume au vent, emporté dans un mouvement général. En définitive, l'on attend avec impatience l'enregistrement prochain de cette œuvre phare de Grétry à l'écriture complexe et prenante, en espérant que les réserves évoquées s'y seront évanouies.
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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