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mise à jour 6 janvier 2014
| Chronique Concert Gretry, L'Amant Jaloux Le Cercle de l'Harmonie, dir. Jérémie Rohrer
Dernier acte de l'Amant Jaloux - D.R.
André Ernest Modeste GRETRY
L'Amant Jaloux ou Les
Fausses Apparences
(Opéra-comique sur un livret de Thomas d'Hèle, 1778)
Magali Léger, Léonore
Claire Debono, Isabelle
Maryline Fallot, Jacinte
Frédéric Antoun, Florival
Brad Cooper, Don Alonze
Vincent Billier, Lopez
Le
Cercle de l'Harmonie
Jérémie Rhorer, direction
Pierre-Emmanuel Rousseau, mise en scène
Thibaut Welchlin, décors
Pierre-Emmanuel Rousseau et Claudine Crauland, costumes
Gilles Gentner, lumières
Laure Talazac, création maquillages et coiffures
Charlotte Rousseau, assistante à la mise en scène
Antoine Fontaine, réalisation des toiles peintes 15 novembre 2009, Opéra Royal du Château de Versailles, dans le cadre des Grandes Journées Grétry du CMBV. Co-production de l'Opéra Comique et du CMBV. Un Amant qui fera des jaloux Bien loin de la complexité grave d'Andromaque, l'Amant Jaloux, l'un des opéras-comiques de Grétry qui connut en son temps plus un véritable engouement, respire le style italien classique qui rappellera aux auditeurs les tournures d'un Soler ou d'un Mozart de jeunesse. Conçu comme une succession d'ariettes, d'airs et d'ensembles vocaux entrecoupés de passages joués, l'œuvre, pétillante et légère, n'a d'autres prétentions que celles d'un charmant divertissement adossé à un livret aux vers simplistes, aux effets comiques bien travaillés. S'il faut brièvement revenir sur l'ébauche d'intrigue, l'on résumera très brièvement l'imbroglio suivant : Léonore, veuve fortunée et fille de Lopez, est éprise de Don Alonze (l'amant jaloux) tandis que son père espère maintenir sa solitude pour conserver le contrôle de sa fortune. Survient le Chevalier de Florival, séducteur français (de passage dans la péninsule ibérique où sont censées se dérouler les péripéties), qui s'éprend d'Isabelle, sœur de Don Alonze, qu'il méprend pour Léonore, sur une mauvaise interprétation de la servante intrigante et bienveillante Jacinte. Bien évidemment, l'issue sera heureuse, dans le cadre enchanteur d'un jardin éclairé au clair de lune... Quiproquos divers, duels, rendez-vous en catimini et fuites éperdues jalonneront ce spectacle d'une heure quinze environ, à l'allure frénétique. Dès le lever de rideau dans l'opéra tout fraîchement restauré et à la magnificence discrète - on goûte en particulier la disparition de l'affreux rideau coupe-feu - le metteur en scène Pierre-Emmanuel Rousseau a voulu insister sur sa vision baroquisante mais non muséographique. En effet, cette rangée de projecteurs modernes qui s'élève lentement pendant l'ouverture avant que les différentes toiles peintes viennent encadrer le plan de décor, c'est-à-dire la fameuse perspective forcée constituée de panneaux peints latéraux placés à peu près tous les deux mètres en raison des conditions d'éclairage de l'époque, rappelle que cette récréation sera une recréation contemporaine, inspirée de l'esprit et non de la lettre de l'an 1778. Ainsi, les costumes de Pierre-Emmanuel Rousseau et Claudine Crauland, n'hésiteront pas à user de jupons d'un vert et rose fluo pour les dames, d'un uniformes de pacotille argenté pour le sémillant Florival. Les décors peints sont de toute beauté, avec ce cabinet de travail arrondis et sa bibliothèque, cette fastueuse chambre digne d'un palais princier, le jardin plus sobre mais que quelques arbustes et fontaines pourront égayer lors de sa réutilisation pour de futures pièces. Le jeu des acteurs-chanteurs, enjoué et gouailleur, s'épanouira librement dans ces espaces visuellement plaisants, et fort pratique pour les déplacements (portes, siège de gloriette tournoyant, glace escamotable), quoique l'on soit bien loin de la débauche de machinerie de l'époque. Après l'ouverture, aux temps fortement marqués et où Le Cercle de l'Harmonie fait valoir de beaux bois, le singspiel à la française avance avec vivacité, enchaînant avec jubilation les récitatifs parlés, insistant sur l'aspect comique avec succès, laissant les passages vocaux éblouir de par leur simplicité mélodique immédiatement aguicheuse. Vincent Billier campe un père bougon et à l'esprit gourd, assez proche du Docteur Bartolo du Barbier rossinien. Le timbre est profond, la diction articulée, bien que certaines coloratures manquent de netteté. L'air "Plus de sœur, plus de frère" est convaincant dans sa colère peu redoutable, le duo "La Gloire vous appelle" sautillant et presque ironique. Magali Léger semble se délecter de sa Léonore rouée : le timbre est pétillant et sucré telle une coupe de champagne, les intonations jouissives, la théâtralité fière et espiègle. Tout au plus regrettera t-on des aigus un peu tirés et des coloratures trop risquées, en particulier dans le grand air du 2ème acte "L"ingrat mérite mon courroux". Les autres protagonistes furent un peu moins spectaculaires. L'Isabelle de Claire Debono, à la présence scénique certaine, a souffert d'un timbre un peu aigre et d'une émission pincée, en dépit d'une belle agilité ("Mais quelle infortunée") ; le Florival de Frédéric Antoun très honnête mais sans grande projection a sans doute perdu de sa superbe du fait du rhume dont le chanteur s'est auparavant excusé. Il offre toutefois une poétique sérénade "dans l'ombre de la nuit". Enfin le Don Alonze de Brad Cooper, vocalement convaincant, achoppe sur une diction du français difficilement intelligible, alors que la Jacinte de Maryline Fallot possède bien peu de moments vocaux qu'elle compense par son rôle truculent d'entremetteuse complice.
Jérémie Rohrer - D.R. A la tête de sa phalange spécialisée dans la musique de la seconde moitié du XVIIIème siècle, Jérémie Rohrer sait imprimer un rythme tourbillonnant à la pièce, tout en soignant les ruptures de tons, les surprises et les courtes pauses, jouant avec les rires et sourires du public. Ainsi, l'Amant Jaloux devient sous sa conduite, énergique mais non hâtive, un divertissement à la fois théâtral et musical qui renoue avec un plaisir sans prétention et sans complexe qui s'apparenterait à celui de la comédie de Molière, voire du théâtre de boulevard, sans connotation péjorative aucune. L'orchestre, incisif et ample, sait faire fondre ses instruments d'époque dans le langage classique, avec une masse soyeuse de cordes d'une grande cohésion, sur laquelle les autres familles viennent ajouter leurs couleurs. A l'inverse d'un Jacobs qui tire l'écriture mozartienne vers les réflexes interprétatifs baroques et en révolutionne les contours, Rohrer conserve la toute puissance de la simplicité mélodique, donnant à l'œuvre une fraîcheur spontanée qui charme l'oreille. Oui, l'Amant Jaloux n'a pas la noble étoffe d'une grande œuvre mémorable, mais il fait parti de ces petits plaisirs délicieux qui font tant de... jaloux.
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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