Rédigé par 14 h 50 min Portraits, Rencontres

Hugo Reyne, tel un oiseau (dissolution de la Simphonie du Marais)

La nouvelle est tombée. Elle est triste. Il l’avait pourtant annoncée depuis un long moment, mais on ne le croyait guère, ou plutôt on ne voulait guère y croire. La Simphonie du Marais donnera son dernier concert dans le cadre magique de La Chabotterie en septembre prochain, un concert du samedi 19, dite simplement « Simphonie des Adieux – 33 ans de musique » après le Festival parisien du Marais baroque. C’est un peu court,  pour décrire la formidable aventure de cette formation, dont nous nous refusons à faire l’éloge rétrospectif, qui sonne trop comme une nécrologie.

Hugo Reyne © Emmanuel Ligner

La nouvelle est tombée. Elle est triste. Il l’avait pourtant annoncée depuis un long moment, mais on ne le croyait guère, ou plutôt on ne voulait guère y croire. La Simphonie du Marais donnera son dernier concert dans le cadre magique de La Chabotterie en septembre prochain, un concert du samedi 19, dite simplement « Simphonie des Adieux – 33 ans de musique » après le Festival parisien du Marais baroque. C’est un peu court,  pour décrire la formidable aventure de cette formation, dont nous nous refusons à faire l’éloge rétrospectif, qui sonne trop comme une nécrologie. Hélas, l’association est désormais dans les mains d’un administrateur judiciaire en vue d’une liquidation.

« Fondée en 87, la Simphonie du Marais, qui tient son nom du vieux quartier parisien avant que ce dernier ne devienne synonyme de branchitude boboïsée ». Et puis, non, nous n’irons pas plus loin. Troublé, nous nous jetons sur notre discothèque, et dégainons un joli coffret plastique Harmonia Mundi, d’une sobriété presque muséale, celui des Simphonies pour les Soupers du Roy de Delalande, où derrière la pompe et les ors, avec un effectif pourtant pas si étoffé, Hugo Reyne nous gratifiait de pages de poésie mélancolique, entre quelques fanfreluches digestives. Ainsi, sa Grande Pièce Royale, 2ème Fantaisie ou Caprice que le Roy demandait souvent, n’a jamais été surpassée dans sa langueur rêveuse, où ce hautbois d’Hugo glisse ses regrets. Étrange musique pompeuse de circonstance, Tafelmusik, où l’âme se révèle dans sa sentimentalité un peu fragile au milieu des ors. L’Allée du Roi reprendra d’ailleurs ce fragment évocateur, où les cavalcades nerveuses d’un Jürgen Gross (Challenge Classics) ne sauraient faire oublier le spleen versaillais de La Simphonie. Même chose plus récemment avec un disque que l’horrible jaquette et le titre complexe ont fait un peu passer inaperçu : celui des Nations de Couperin, où Hugo Reyne a ressemblé les 7 « sonades » initiales (La Française, L’Espagnole, L’Impériale et la Piémontaise sans les danses, La Sultane, La Superbe et La Steinkerque). L’effectif est chambriste, l’ampleur bien moins majestueuse que chez Savall, mais la beauté des timbres (notamment les bois), le caractère à la fois intime, naturel, coloré, d’une brillance discrète en fait un opus précieux (sans mentionner une interview de François Couperin par Hugo Reyne !).

Passons sur les Francoeur, Gautier de Marseille, Philidor l’Aîné, production d’une joyeuseté décorative, et délassons-nous auprès de la subtile Diane de Fontainebleau, bijou miniature où le chef a même composé un air manquant (Auvidis Astrée), attardons-nous un moment sur la grande aventure Lully. Grande aventure en effet, que cette série dédiée au Surintendant, depuis ses comédies-ballets jusqu’à ses tragédies lyriques, sans oublier des odes telles l’Idylle sur la Paix (Accord). Alors oui, nous avons parfois avoué notre déception vis-à-vis de certains solistes, débattu sur les mérites de ce français restitué si artificiel (abandonné au fil de l’eau), admiré le naturel de l’Opéra des Musiciens (Isis), célébré cette très grande et belle réalisation, l’un des sommets de la Simphonie, que cet Atys qui se mesure au monument de Christie et que l’on a critiqué avec émerveillement sur nos humbles pages

Discographie curieuse, pleine du plaisir de la découverte rare (un passionnant Ulysse de Rebel), mais aussi  de la joie simple des sentiers battus et rebattus (des Brandebourgeois ou une Water Music récentes, la Water Music disposant d’un livret et de photos proprement hilarantes…) ou encore l’ultime parution, luxueux hommage au flageolet baroque et romantique.

Hugo Reyne et la Simphonie du Marais (détail) – Photographie contenue dans le livret du disque consacrée à la Water Music et Royal Fireworks Music de Haendel

Alors que dire à Hugo Reyne et à tous les artistes et musiciens de la Simphonie du Marais, si ce n’est que comme le dirait Lavoisier « Rien ne se perd, rien ne se crée : tout se transforme » et que nous sommes certains de les entendre tous encore sous l’étiquette d’une formation ou d’une autre. Et qui sait, ce ne serait pas la première fois qu’un chef ressusciterait sa formation, sous un nouveau nom…

Viet-Linh NGUYEN

 

 

 

Étiquettes : , , Dernière modification: 7 décembre 2020
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