L’Antiquité avait Saint-Germain en Laye, le Moyen-Age Cluny, la Renaissance Ecouen, le XIXème Orsay. Il était donc temps que le Grand Siècle trouve son petit nid.
L’initiative avait été dévoilée dès juin 2019, à l’occasion de la conférence de presse officielle de Fontainebleau, dans le cadre du Festival d’histoire de l’art. Hélas entre-temps, l’un des instigateurs du projet, Patrick Devedjian, nous a quitté en mars, emporté par l’épidémie, et n’en verra pas l’ouverture, prévue en 2025.
La collection Rosenberg
De quoi s’agit-il donc ? A l’origine, Pierre Rosenberg, qu’on ne présente plus. Outre sa passion pour Poussin, l’historien d’art et époux de Béatrice de Rotschild est un collectionneur. Il avoue lui-même une collectionnite compulsive commencée dès le plus jeune âge (‘J’ai commencé enfant par des billes et des plumes et je je ne suis plus jamais arrêté (…) J’aime les puces, Drouot, le plaisir de la promenade chez les Antiquaires. » Et cet amateur avisé, au sens classique du terme, est large : 680 tableaux de la fin du XVIème siècle au début du XIXème, 3500 dessins, 700 objets de verres de Murano, 45000 ouvrages, tous pays confondus. Un large pan de cette considérable collection est consacré au XVIIème siècle français, ce qui n’étonnera personne quand on connaît la passion de P. Rosenberg pour les XVIIème et XVIIIème siècles français et italien et pour Poussin en particulier, dont il a établi le catalogue raisonné, et en dépit de la déplorable affaire de la Madone à l’Escalier dont il douta à tort de l’authenticité (et la belle partit de l’autre côté de l’Atlantique) mais eu l’honnêteté de le reconnaître.
Un musée Poussin aux Andelys ?
Un premier projet avorta. Celui de loger un musée Poussin dans le superbe Hospice Saint-Jacques des Andelys, ville natale de Poussin, actuellement établissement pour personnes âgées en partie désaffecté. Pour la petite histoire, le duc de Penthièvre, petit-fils de Louis XIV et de Madame de Montespan, seigneur des Andelys, fit reconstruire l’hospice de 1781 à 1785 avec des ailes s’articulant autour d’une chapelle coiffée d’un dôme. Un nouvel hôpital étant en cours de construction, le devenir de l’ancien bâtiment demeure incertain…
Vers le Musée du Grand Siècle de Saint-Cloud
Et puis, en 2019, Patrick Devedjian, président du conseil départemental des Hauts-de-Seine, visite l’exposition Poussin au Grand Palais et y retournera toutes les semaines. Lui-même collectionneur de dessins, l’homme politique mûrit un autre projet : celui de réhabiliter la Caserne Sully à Saint-Cloud, ce gros bloc blanc que les Parisiens entraperçoivent sur la route de la Normandie. Depuis 2008, la Direction générale de l’armement (DGA) l’avait quitté, et cette caserne, construite entre 1825 et 1827 pour les Gardes du Corps de Charles X, se morfondait. Un temps, le conseil départemental pensait y déménager ses archives. Certes, cette construction Restauration un peu lourde n’a pas l’élégance de l’hôpital des Andelys, mais elle permet de donner un futur à cette caserne désaffectée, et se trouve proche de Paris, facilement accessible en transport, incitera les promeneurs à la visite du parc du Château disparu, ou au charmant Musée des Avelines…
Alexandre Gady, l’historien de l’art bien connu et ex-président de la remarquable Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France (SPPEF – Sites & Monuments) s’est vu confier la mission de préfiguration pour un véritable Musée du Grand Siècle, plus ambitieux que le projet initial, avec notamment des dépôts du Louvre, du Mobilier national, de Versailles, des Arts décoratifs, qui pourront notamment y exposer de grands formats coûteux à entreposer. Outre le Musée proprement dit dans la Caserne, le Pavillon des Officiers accueillera un centre d’étude avec une bibliothèque. Enfin un « musée des collectionneurs » permettrait de présenter le reste de la collection Rosenberg, et d’autres collections privées.
L’entreprise avançait avec élan, lorsque le Covid-19 y mit un brusque arrêt et emporta Patrick Devedjian. Espérons que le Grand Siècle, qui lui aussi connût son Grand Hyver, saura faire éclore de nouveaux printemps, et que Pierre Rosenberg, de ses 84 ans, pourra inaugurer ce Musée du Grand Siècle si ardemment désiré.
Viet-Linh Nguyen
PS : il semblerait que le champs chronologique du futur Musée ira d’Henri IV à la Régence. A quand un Musée du Siècle des Lumières ?
Étiquettes : Louvre, Musées, XVIIème Dernière modification: 19 octobre 2020