Rédigé par 14 h 30 min CDs & DVDs, Critiques

Le triomphe d’Alexandre

On pourrait presque dire qu’Alessandro Scarlatti est à la cantate ce que Graham Bell est au téléphone. Car c’est sous sa plume et très prolifique que se stabilise la forme de la celle-ci avec ses récitatifs et ses airs da capos étendus. Gérard Lesne et Il Seminario Musicale effleurent dans ce disque à peine 1/100ème de sa production : 6 cantates sur 600 donc – quoiqu’ Edwin Hanley en recense même 783 entre 1688 et 1725 -, principalement pour voix seule, avec un faible pour les tessitures de soprano et d’alto.

Alessandro SCARLATTI (1660-1725)

Cantates

Questo silenzio ombroso
Filli che esprime la sua fede a Fileno
Marc’Antonio e Cleopatra
E pur vuole il cielo a amore
Ero e Leandro
Clori et Mirtillo

Sandrine Piau (soprano), Gérard Lesne (alto)

Il Seminario Musicale : Fabio Biondi, Florence Malgoire (violons) ; Sylvie Attenburger (viole) ; Bruno Cocset (violoncelle) ; Richard Myron (contrebasse) ; Jocelyn Daubigney (flûte) ; Pascal Monteilhet (théorbe) ; Laurent Stewart (clavecin).

65’23, Virgin Classics, enr. 1995.

[clear]On pourrait presque dire qu’Alessandro Scarlatti est à la cantate ce que Graham Bell est au téléphone. Car c’est sous sa plume et très prolifique que se stabilise la forme de la celle-ci avec ses récitatifs et ses airs da capos étendus. Gérard Lesne et Il Seminario Musicale effleurent dans ce disque à peine 1/100ème de sa production : 6 cantates sur 600 donc – quoiqu’ Edwin Hanley en recense même 783 entre 1688 et 1725 -, principalement pour voix seule, avec un faible pour les tessitures de soprano et d’alto.

L’interprétation d’Il Seminario Musicale frise la perfection. Le tandem Gérard Lesne Sandrine Piau – qu’on avait déjà rencontré dans le Stabat Mater de Pergolèse, entre autres – est bien rodé pour le plus grand bonheur des mélomanes. Gérard Lesne apporte sa précision, la pureté angélique de son timbre, son agilité vocale dans les ornements. Sandrine Piau y ajoute la palette de sa voix, sa maîtrise du souffle et du phrasé, sa théâtralité prenante mais sans excès. Les timbres se fondent particulièrement bien entre eux (superbe « Deh, moi ben, troppo ti sprona » de Marc-Antoine et Cléopâtre), et chacun des chanteurs sait varier les climats à merveille en dépit de l’apparente uniformité des nombreux airs amoureux (« Che ti sembra, son fidele », « La Sperenza dice al core », « Sì, per te, moi bene). Marc’Antonio e Cleopatra constitue d’ailleurs la pièce maîtresse du programme, avec un poignant « Vò goder sanza contrasto » sur basse obstinée que Gérard Lesne transforme en murmure intemporel, détaché de tout sens de la mesure, où chaque note délivrée avec soulagement et douleur à la fois flotte à la dérive. Moment magique et sublime qui ne dure pourtant qu’à peine 3 minutes d’une indicible beauté et qui justifie à lui seul l’achat de ce CD.

Côté orchestre, si nous avons soigneusement précisé le nom de chaque musicien, c’est bien parce que le membership très select d’Il Seminario Musicale se passe de tout commentaire… Chaque instrument est un festin de couleur, et l’on citera en particulier le grain des cordes du violoncelle dynamique de Bruno Cocset, l’agilité lumineuse un rien grinçante de Biondi, l’équilibre plus posé de Florence Malgoire, les accords discrets de Pascal Monteilhet. Les tempi sont très vifs sans sombrer dans la précipitation, les départs millimétrés. Enfin le continuo bondit, annonçant clairement les da capos, appuyant les temps forts, se délectant de chaque tournure un peu dansante.

A noter : ce disque a également été réédité en collection économique (Virgin Veritas x 2) couplé avec des cantates de Haendel. Hélas, le livret n’est alors ni fourni, ni téléchargeable.

Katarina Privlova

Technique : Bon enregistrement, aucune remarque particulière

Étiquettes : , , , , , , , Dernière modification: 25 novembre 2020
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