Fidèles à notre tradition taquine de fin d’année, nous avons métamorphosé notre statue de marbre pour une Muse plus espiègle… Que les esprits cromwelliens n’en soient pas choqués, la Muse Baroque retrouvera sa parure antique le mois prochain.
Pour ce numéro de Noël, nous tendons d’abord une main secourable aux lecteurs qui cherchent désespérément l’inspiration pour leurs cadeaux de Noël 2007. Nos sélections s’attarderont ainsi sur les coffrets spéciaux, la discothèque des débutants, et – pour les blasés – la musique romantique sur instruments d’époque. Naturellement, notre rubrique Critiques de disques pourra toujours fournir d’utiles pistes (et ravir le spécialiste à qui vous tendrez un coffret particulièrement obscur qui le fera frémir d’anticipation et de surprise).
L’année dernière, nous vous avions fait partager les coulisses d’un déjeuner de rédaction. Cette année, vous attendiez sans doute des réflexions d’actualité sur la réforme des régimes spéciaux des personnels de l’opéra de Paris ou alors quelques doctes considérations sur la nativité selon les Evangiles. Heureusement, cette conversation aussi savante que soporifique vous sera épargnée au profit de la prose magnifiquement rythmée de Julien Gracq, devant laquelle votre serviteur ne peut que respectueusement s’effacer. Voici donc un extrait du Rivage des Syrtes (Ed. Corti, 1951, p.p. 185-186) qui traite de l’attente de la Principauté d’Orsenna, jadis glorieuse et opulente, de sa chute inéluctable face à un ennemi héréditaire invisible. Décadente, résignée et offerte, la Principauté espère son coup de grâce qui viendra comme une délivrance. Ai-je oublié de dire que ce passage se déroule la veille de Noël ?
A flâner au long des quelques rues commerçantes de Maremma, il me sembla que la veille de cette solennité attendue, le poul de la petite ville battait plus fiévreusement. La tradition dans les territoires d’Orsenna, en cette veille de Noël, était de se costumer de couleurs vives et de manteaux de laine bariolés qui rappelaient le désert et replaçaient au bord de ces sables la commémoration de la Nativité dans son lointain d’Orient, mais il ma parut que cette année, le déguisement pieux prêtait, dans l’esprit de beaucoup, à un double sens et à une supercherie de signification particulière. Parmi les cortèges qui parcouraient les rues et rougeoyaient çà et là un instant aux illuminations pauvres, je remarquai que des silhouettes repassaient, qui, beaucoup plus que l’Orient millénaire, rappelaient à l’œil les draperies grises et rouges et les amples vêtements de laine flottants à longues rayures des peuplades des sables, dont l’usage était resté populaire dans le Farghestan. Leur passage soulevait les clameurs des gamins, aux yeux de qui les oripeaux font reconnaître de longtemps l’Ogre des légendes enfantines, mais il était douteux que ce fût aux enfants seulement que les masques eussent souhaité faire peur. Des regards soudain plus brillants venaient se coller de partout à ces silhouettes, et d’avance les guettaient ; il était visible que ce travesti équivoque, plus que tout autre chose, aiguisait l’atmosphère tendue, et que la foule s’y complaisait malsainement, comme on trouve un charme frileux, et peut-être le sentiment d’une présence à soi plus trouble, aux premiers frisons d’une fièvre légère. On eût dit que la foule se caressait à ce fantôme comme au seul miroir dont le reflet lui prêtait encore chaleur et consistance.
Bon, c’est beau mais cela plombe l’ambiance festive de l’édito, nous sommes bien d’accord. Alors, pour se dérider un peu, je vous propose de découvrir un duo décapant de musiciens professionnels, qui ne se prennent pas du tout au sérieux. J’ai nommé le duo Igudesman (violon) & Joo (piano), très peu connu en Hexagone. Si vous aimez le choux Bert, il est encore temps de fuir cette page hilarante.
Viet-Linh NGUYEN
Toute l’équipe de la Muse Baroque vous souhaite un JOYEUX NOEL 2007, plein de champagne et de musique baroque !
Dernière modification: 20 juillet 2014