Rédigé par 10 h 48 min CDs & DVDs, Critiques

Un vent de fraîcheur

Alors que Danielle de Niese retrouve en ce moment même (jusqu’au 7 février 2008) son rôle fétiche de Cléopâtre à la Monnaie de Bruxelles, Decca nous gratifie d’un joli récital consacré uniquement à des airs italiens et anglais de Haendel. On y retrouve d’emblée ce qui a charmé des milliers d’auditeurs depuis ce Giulio Cesare de Glyndebourne (DVD Opus Arte)…

Georg-Frederic HAENDEL (1785-1759)

Arias

[TG name=”Liste des airs”]

Da tempeste (Giulio Cesare)
Lascia ch’io pianga (Rinaldo)
Tornami a vagheggiar (Alcina)
Dolce riposo, ed innocente pace (Teseo)
Ira, sedgni, e furore … o stringerò nel sen (Teseo)
Felicissima quest’alma (Apollo e Dafne)
Il mio crudel martoro (Ariodante)
Vo’far Guerra (Rinaldo)
Ah, spietato (Amadigi di Gaula)
Myself I shall adore (Semele)
Piangerò la sorte mia (Giulio Cesare)
Endless pleasure, endless love (Semele)

[/TG]

Danielle De Niese (soprano)
Les Arts florissants, direction William Christie

Decca, 61’51’’, enr. 2007

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Alors que Danielle de Niese retrouve en ce moment même (jusqu’au 7 février 2008) son rôle fétiche de Cléopâtre à la Monnaie de Bruxelles, Decca nous gratifie d’un joli récital consacré uniquement à des airs italiens et anglais de Haendel. On y retrouve d’emblée ce qui a charmé des milliers d’auditeurs depuis ce Giulio Cesare de Glyndebourne (DVD Opus Arte), à savoir l’incroyable vitalité de la soprano américaine, une joie de vivre et de chanter qui ne demande qu’à s’exprimer avec passion. Danielle de Niese se fait donc plaisir, et nous entraîne avec elle dans les pages célèbres (“Da Tempeste”, “Lascia ch’io pianga”, “Dolce riposo”, “Myself I shall adore”, “Piangerò”) ou plus confidentielles (“Felicissima quest’alma”) du Saxon. La voix est légère, agile, fraîche, dotée d’un superbe projection. Quand Danielle de Niese chante, son bonheur simple irradie la scène comme le disque. Les airs de fureurs sont abattus avec enthousiasme (“Da Tempeste” a gagné en assurance depuis 2005), les airs de désespoirs lambinent avec grâce. Le “Lascia ch’io pianga” est sincère, direct, loin des coquetteries de Cecilia Bartoli, “Il mio crudel martiro” paraît bien enjoué pour une amante en souffrance, “Vo’ far guerra” délicieusement pacifique. Peut-être est-ce la faute du récital que d’enlever le drame à chaque pièce pour les transformer en morceaux de concert, car les climats sont uniformément optimistes et lumineux, les tempi assez compacts. William Christie tend un tapis de velours à sa protégée, caressant la soprano dans un écrin soyeux et coloré de cordes, complice et mentor attentif de chaque instant. La sonorité riche et ample des Arts Flo fait merveille dans les airs lents, tandis que la basse continue bondissante rythme et encadre les vocalises. Certes, les grincheux ne manqueront pas de remarquer qu’en dépit de son formidable potentiel, Danielle de Niese peut encore acquérir plus de corps et de profondeur dans son chant, et gagner en précision dans ses ornements. Le souffle est fier mais le phrasé parfois heurté, les aigus occasionnellement en équilibre précaire. Qu’importe ces défauts de jeunesse, la jeune soprano a encore temps pour gravir le chemin de la digne maturité, et l’on serait cruel de dédaigner une telle fougue.[divide]

 

Les regrets d’un récital DVD © Decca / Universal Music

Addendum : c’est après avoir entendu Danielle de Niese en mini-concert lors de la présentation presse de la sortie française de son récital que l’on comprend tout ce qui se perd au disque. La soprano ne chante pas avec sa gorge mais avec son cœur et son corps, donnant vie à chaque personnage, jouant la comédie l’espace d’un air, transfigurée par le bonheur de se donner aux autres. C’est cette générosité et cette spontanéité qui trouble de temps à autre la ligne de chant, s’oublie dans des aigus stratosphériques lâchés brutalement comme des soupirs libératoires et qui font frissonner l’auditoire. Le disque gomme ces délicieux débordements, et n’a pas su capter cette immédiateté et cette intimité que la chanteuse établit avec son public conquis d’avance. Comment saisir certains partis-pris interprétatifs (ce Piangerò aux respirations étranges dans le da capo,  par exemple) sans voir l’artiste haletant ses vocalises suicidaires ? Oui, le chant de Danielle de Niese n’est pas (encore) forcément le plus parfait techniquement, mais c’est l’un des plus vrais et des plus touchants qui soit.

Viet-Linh Nguyen

Technique : Très bon enregistrement, beaux timbres, et la voix de la soprano bien en avant.

Étiquettes : , , , , , , Dernière modification: 16 juillet 2013
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