De Pasión Mortal: Songs from Two Golden Ages
Te Recuerdo Amanda
Cucurrucucú Paloma
O! Fair Cedaria, Z402
Tempro La Cetra
Hoy Mi Deber
Alfonsina Y El Mar
Retrato De Un Médico Violinista
Silencio
In the Black Dismal Dungeon of Despair, Z190
Oleo De Mujer Con Sombrero
Prelude – If Love’s a Sweet Passion – Gigue
Ojalá – Nicholas Mulroy/Toby Carr
The Sparrow and the Gentle Dove
Fantasia in G Major, Z742 – Music for a While
By Beauteous Softness
Now That the Sun Hath Veiled His Light, Z193
La Gaviota
Nicholas Mulroy, ténor
Elizabeth Kenny, archiluth, guitare, théorbe
Toby Carr, guitares, théorbe
avec la participation de l’Ensemble Music for a While
1 CD digipack Linn, 72′
C’est honteux. Nous nous délassions de ce remarquable enregistrement depuis mi-juin. Et en égoïste, nous n’en disions rien. Car ce petit bijou est bien ardu à commenter. D’abord, il relève de cette catégorie hasardeuse et presque éculée des mises en regard. Paf Charpentier face à Hersant. Monteverdi avec Piazolla. Gesualdo et une créatrice contemporaine, etc. Cela en devient lassant. « Formulaic » comme le disent les Anglo-saxons, qui s’en félicitent pour les épisodes de House of Cards mais moins quand il s’agit de Purcell. Ensuite, la voix ample, généreuse, un peu trop large, un brin voilée, tirée dans les aigus de Nicholas Mulroy, profonde mais non grainée dans les graves, n’est pas vraiment ni de celles qu’on imagine chez Monteverdi (on est bien loin d’un Nigel Rogers), ou même chez Purcell.
Mais ce timbre chaleureux, enveloppant, cette projection qu’on imagine d’une déconcertante sincérité, sans filtre, sans artifice (bravo au montage), d’une intimité de coin de table oblige à l’écoute, passionne par sa Passion. Hymne dévorant à l’Amour, accompagné superlativement par des complices d’un naturel souple, au sourire nostalgique Elizabeth Kenny & Toby Carr, le voyage sait passer sans transition et sans soubresaut de la tendresse du « Te recuerdo Amanda » de Victor Jara (martyre chilien de la junte de Pinochet), à la douceur de velours, à un « By Beateous softness » de Purcell, certes un peu hors style mais superbement éloquent. De même, pour en rester dans notre périmètre chronologique, on aurait beaucoup à redire du « Tempro la cetra » de Monteverdi, introduit par les cordes caressantes de Music For a While, le « recitar cantando » intense, faisant éclore chaque syllabe, bute toute de même sur les ornements imprécis et les aigus tendus et fins. Mais le souffle, l’incarnation du ténor, son talent à savoir captiver en quelques mesures, à créer autant de vignettes et de portraits tout en sfumato, touchent l’auditeur avec une immédiateté irrésistible. Entêtant « The sparrow and the gentle dove » d’une profondeur noire loin des mignonneries champêtres d’un Deller, sur un beau motif obstiné très insistant (très belle cohésion de Music for a While dans les ritournelles en dépit d’effectifs réduits). « In the black dismal dungeon of despair » de Purcell nous est livré dans un murmure, languissant, baigné de larmes, presque agonisant. Nicholas Mulroy en fait-il trop ? Peut-être, mais avec un maniérisme stylisé d’une rare musicalité et qu’on applaudit des deux mains. Flèche de Cupidon, blessure fatale. Coup de cœur, assurément.
Viet-Linh Nguyen
Technique : prise de son chaleureuse, très légèrement réverbérée, cordes pincées admirablement captées.
Étiquettes : Carr Toby, Claudio Monteverdi, Kenny Elizabeth, Linn, Mulroy Nicholas, Muse : coup de coeur, Music for a While, Outhere, Purcell Dernière modification: 4 novembre 2024