Henri-Joseph RIGEL (1741-1799)
Hiérodrames
La Sortie d’Egypte (1774)
La Destruction de Jéricho (1778)
Jephté (1783)
Isabelle Poulenard (dessus), Philippe Do (haute-contre), Alain Buet (basse-taille)
Les Chantres du Centre de Musique baroque de Versailles
Orchestre de Folies Françoises (dir. Patrick Cöhen-Akenine)
Sous la direction d’Olivier Schneebeli
73’58, K617, enr. 2006.
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Originaire de Wertheim, en Baden-Württenberg où il naquit en 1741, Henri-Joseph Rigel s’installe à Paris une vingtaine d’années plus tard et y jouit rapidement d’une grande notoriété. Outre la foisonnante composition de musique de chambre et d’œuvres lyriques très prisée des salons parisiens, il dirige en 1783 le Concert spirituel et enseigne le pianoforte au Conservatoire. A travers cet enregistrement, Olivier Schneebeli nous invite à découvrir le hiérodrame, genre musical nouveau et singulier, héritier du Grand Motet français (alors en déclin). Il met en scène des épisodes de l’Ancien Testament en y ajoutant l’intensité dramatique de la tragédie lyrique et de ses passions.
Il ne faut donc point s’étonner d’entendre dans Jephté l’Azel de Philippe Do glorifier avec sensualité les « beaux yeux » de son amante ; la mélodie est élégante et volubile, lumineuse comme la voix de la haute-contre qui fait montre d’une articulation très précise et d’une belle implication, presque charnelle. La barrière du disque est franchie et l’on visualise sans efforts la mise en scène qui pourrait servir à ces hiérodrames. Dès l’ouverture de La Sortie d’Egypte (« Israël, le Dieu que tu sers/A marché sur tes pas »), le chanteur se distingue par une émission claire et puissante – que certains trouveront peut-être trop romantique – et habite avec une réelle force dramatique ses différents rôles. Accompagné d’un chœur exultant, il clôt la scène finale de La Destruction de Jéricho par de larges vocalises et diffuse généreusement un sentiment de liesse et de légèreté.
Alain Buet campe successivement un Moïse vengeur et imposant dans La Sortie d’Egypte (« Frappe grand Dieu »), un père émouvant de désespoir (« J’ai prononcé le vœu funeste » – Jephté) et un Josué vindicatif. Il donne à ces personnages une carrure et une prestance singulière, renforcée par sa voix tout à la fois souple et profonde et un phrasé très dynamique Sans jamais tomber dans l’excès, la basse-taille parvient à modeler avec une délicate assurance son timbre pour l’adapter au mieux au contexte du morceau. Dans Jephté, une tristesse poignante nous saisit alors que celui-ci reconnait dans une sorte lamento l’horreur de son crime, celui d’avoir promis sa fille en sacrifice ; le hautbois se fait seul écho à ce désespoir en répondant par des soupirs à la plainte du chanteur
Les rôles féminins ont été confiés à Isabelle Poulenard. Tout comme ses homologues masculins, elle vit profondément ses rôles mais témoigne cependant de quelques faiblesses comme des aigus retenus manquant de luminosité (« Qu’il est doux de chanter la gloire » – Jephté). Les vocalises lui sont aisées et gracieusement réalisées mais l’intelligibilité du texte s’en trouve quelque peu sanctionnée. Elle nous livre dans « C’est à Dieu qu’appartient ma vie » une interprétation très vivante, digne, des plus illustres héroïnes cornéliennes.
Les Folies Françoises de Patrick Cohën-Akenine assurent aux solistes et aux Chantres du CMBV un support très homogène et réellement dynamique ; elles jouent avec une dextre originalité des surprises de la partition, comme l’imitation d’une armée en débandade (La Sortie d’Egypte, Scène IV) et présente une large palette de couleurs orchestrales.
C’est le chœur léger que l’on ressort de l’écoute de ce disque, après avoir vécu avec intensité les péripéties du peuple hébraïque. Olivier Schneebeli a une nouvelle fois montré par une lecture sensible et vivante qu’il convenait de revenir au répertoire du XVIIIe siècle français, trop souvent tenu dans l’ombre des opéras de Mozart.
Isaure d’Audeville
Technique : prise de son bien équilibrée qui, par une certaine distance, donne au drame l’espace sonore de se développer.