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mise à jour 6 janvier 2014
| Chronique Concert Philidor, Sancho Pança gouverneur dans l’île de Barataria, La Simphonie du Marais, dir. Hugo Reyne
Hugo Reyne - D.R. François André Danican PHILIDOR (1726-1795)
Sancho Pança gouverneur dans l’île de Barataria Opéra bouffon, 1762 sur un livret d’Antoine Alexandre Henri Poinsinet (1735-1769)
Sancha Pança : Paul-Alexandre Dubois Thérèse : Isabelle Druet Lope Tocho, le Docteur : Vincent Bouchot Juliette, Une bergère : Camille Poul Don Crispinos, Torillos, Un fermier : Jeffrey Thompson
La Simphonie du Marais Direction Hugo Reyne
20 mars 2010, Opéra-Comique, Paris Ah, pour rire, on a rit ! Au milieu de ce "festival Grétry" — depuis le début de la saison lyrique, Andromaque, Céphale et Procris, Zémire et Azor, L’Amant jaloux et La Fausse Magie : cherchez le(s) manquant(s) — dont deux productions se sont installées quelques temps à l’Opéra-Comique, un autre compositeur a retrouvé une place, pour un soir, dans cette noble maison : Philidor, l’un des piliers de cet Opéra-Comique fusionné avec la Comédie-Italienne en 1762, ce Philidor dont le Tom Jones (1765) et l’Ernelinde (1767) comptèrent parmi les grands succès de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. C’est une toute autre manière ! À la douceur et à la délicatesse souriante de Grétry et d’Hèle (L’Amant jaloux) répondent une franche gaîté, gaillarde, rigolarde du livret de Poinsinet et de la musique de Philidor — ce qui n’empêche pas la subtilité et les belles mélodies, en particulier du côté des hautbois. Sancho Pança gouverneur dans l’île de Barataria fut l’une des premières œuvres créées à la Comédie-Italienne—Opéra-Comique (la troisième, s’il faut être très précis). Sancho Pança, écuyer errant de son état, a toujours rêvé d’être gouverneur. Un noble du coin a décidé de s’en amuser et de l’exaucer, au moins pour un temps. Mais Sancho a une femme, jalouse des (tentatives d’) escapades de son mari, et une fille à marier. Ladite fille, Sancha, qu’on ne voit pas dans la pièce, a trouvé un prétendant qui lui contient assez : Lope Tocho, un aimable métayer. Ah, mais Sancho gouverneur n’entend pas que sa fille soit moins que baronne, et la voit même déjà duchesse ! Après avoir été roué à plusieurs reprises, Sancho décide enfin d’abandonner le gouvernement : "une métairie où l’on mange vaut mieux qu’un palais où l’on regarde." Si l’intrigue est simple et classique (on reconnaît le thème de la prétention à l’ascension sociale ridicule : du Bourgeois Gentilhomme à Jeppe du Mont du danois Holberg), le livret est émaillé d’effets comiques et de plaisanteries, depuis le parler paysan de la quasi totalité des personnages jusqu’au retrait de tous les mets de la table, tous mauvais pour la santé, en passant par le gouverneur forcé de se cacher sous la table pour manger enfin et son contre-jugement partialissime dans l’affaire du fermier ayant dérobé un bouquet à une bergère. On devine d’emblée l’importance du dialogue dans la réussite de cet opéra-comique, même sans mise en scène. On regrettera que l’acoustique ne permette pas la parfaite compréhension de ceux-ci dans tout le théâtre, mais pour qui put entendre, soit qu’il tendît l’oreille, soit qu’il fût bien placé, ce fut un régal. Ah, pour rire, on a rit ! Car tous ces chanteurs ont été aussi comédiens, et comédiens de premier plans, caractérisant leur personnage dans sa façon de parler mais aussi dans son attitude physique. On n’en voudra pas à Jeffrey Thompson pour ces quelques excès gestuels, et encore pour moins pour son léger accent anglais (infiniment oubliable à côté de celui d’un Brad Cooper dans L’Amant jaloux), et on louera tout au contraire sa capacité à passer d’un personnage à l’autre avec une relative efficacité. Dialogues qui font la preuve qu’on a bien affaire à une équipe. Les répliques sont ciselées, cinglantes, et comment résister à une Isabelle Druet — Thérèse plus vraie que nature ? Le théâtre se prolonge avec bonheur dans les parties chantées, où l’on découvre un Sancho (Paul-Alexandre Dubois) gauche et assuré, à qui l’on pardonnera une justesse parfois flottante au profit d’une incarnation originale et parfaitement réussie. Vincent Bouchot (Lope Tocho et le docteur) ne manque pas d’enthousiasme, et la voix est belle et claire sur toute la tessiture, l’aigu franc, l’articulation, comme celle de P.-A. Dubois, impeccable. Les mêmes qualités se retrouvent chez Jeffrey Thompson dans une tessiture plus élevée, et des félicitations doivent être adressées à qui parvient, dans une tessiture aiguë, à ne pas laisser perdre une phrase de son texte. C’est justement le principal problème des deux voix féminines : le texte n’est pas toujours intelligible. Il faut dire aussi qu’on se laisser porter par le charme et la beauté de la voix de Camille Poul, soprano agile plein de fraîcheur. À Isabelle Druet revient le mérite d’être toujours Thérèse ; si parfois la voix semble peiner à se faire entendre, la mezzo-soprano nous enchante à tout moment par son sens de l’exactitude dramatique et stylistique et par la beauté d’un timbre délicat. Tout cela ne serait rien sans La Simphonie du Marais et Hugo Reyne. Certes, ils avaient donné déjà Sancho Pança en 1999, certes, il y a eu aussi Les Femmes vengées du même Philidor en DATE, mais le fonds du répertoire est plutôt baroque. Or, ce classicisme leur réussit à merveille et voilà un ensemble, une équipe qui n’a rien à envier aux formations les plus prestigieuses qui se sont aventurées dans le répertoire classique. Précision, beau son, entrain, clarté, tout y est ; il n’y a pas un phrase, pas un tempo qui laisse place au doute, et tout séduit au convainc dès l’abord, et ce dès l’ouverture. L’orchestre, grand vainqueur de la soirée ? Assurément pas, car c’est bien le théâtre qui l’emporte, théâtre des chanteurs, théâtre des acteurs, théâtre dans l’orchestre. C’est une réussite totale et presque sans nuages ; nous n’attendons plus que de voir la réalisation scénique que nous proposera Hugo Reyne cet été au Festival de la Chabotterie, car assurément ce soir dans la salle planait l’esprit de l’opéra-comique.
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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