21 novembre 2009, Opéra Royal du Château de Versailles, dans le cadre des Grandes Journées Grétry du CMBV.

Un couple charmant

Le Centre de Musique Baroque de Versailles, continue à explorer les pans oubliés de la musique (post-)baroque française et cette année consacre sa saison à un des musiciens favoris de Marie-Antoinette.

Après la tragédie Lyrique (Andromaque) et l’opéra comique (L’Amant Jaloux), voici donc Céphale & Procris, ballet héroïque, créé en 1773 dans les lieux même où ce soir, après quelques siècles d’oublis il nous est proposé, l’Opéra Royal du Château de Versailles. Ecrin merveilleux, pour une œuvre qui vit le jour à l’occasion du mariage du Comte d’Artois (frère du futur Louis XVI) en 1773. Dans ce lieu exceptionnel qui vient d’être restauré, à l’acoustique généreuse, la musique retrouve enfin la place qui lui est due.

Le livret de Marmontel, tire son argument des Métamorphoses d’Ovide. En trois actes, l’œuvre - certes jolie mais guère inoubliable - fait la part belle à l’orchestre et à des chanteurs dont on remarque l’homogénéité de la distribution avec toutefois des faiblesses au niveau de la diction de certains interprètes.

Céphale & Procris s'avère plus proche de la tragédie lyrique que du ballet à proprement parler, et l’absence de mise en scène en accuse parfois quelques longueurs. Guy van Waas, chef d’une grande élégance, parvient à rendre à la fois les couleurs (comme ce basson qui accompagne avec tant d’élégance les airs de Céphale), et les nuances de la musique de Grétry. Ici l’orchestre, les Agrémens, est vaillant, mais reste à l’écoute des chanteurs, venant apporter une personnalité à chacun des rôles. Précis dans ses attaques, souple et attentif à chaque détail, Guy van Waas est de tous les chefs entendus durant cette saison Grétry le plus fin musicien. Il offre au compositeur liégois cette délicatesse que l’on imaginait pour la musique de Marie-Antoinette, ainsi qu’une énergie rendant le texte plus intelligible.

On ne peut malheureusement pas toujours en dire autant de toutes les voix féminines. On retiendra dès lors la prestation enchanteresse de Katia Vellétaz dans le rôle de Procris, au phrasé quasi parfait, au timbre fruité et à la tendre et fragile présence. Dans le rôle de l’Amour Caroline Weynants nous éblouit par des vocalises brillantes, aériennes et d’une grande agilité. Sortie du chœur, elle est pourtant celle qui nous a le mieux permis d’entendre les caractères italianisants qui peuvent parfois surgir dans l’œuvre de Grétry. Enfin, dans la Jalousie, Isabelle Cals est la seule qui osera chanter sans partition. Elle s’y montre véhémente, insistant plus sur le côté tragique du rôle, renonçant à la virtuosité des vocalises pour lui donner peut-être plus de présence scénique à cette version de concert. Côté masculin, dans le rôle de Céphale, le baryton Pierre-Yves Pruvot affiche un timbre séduisant et une déclamation maîtrisée qui lui permet de nous offrir de son personnage toutes ses facettes qui font de lui non un guerrier, mais un homme soumis au pouvoir de l’amour.

De manière assez surprenante, le Chœur de chambre de Namur, qui pourtant possède des moments superbes dans Céphale & Procris, paraît bien effacé. Peut-être est-ce parce qu'il se voit repoussé en fond de scène et en très petit effectif ? Seul dans le chœur final peut-il libérer enfin un peu de la pyrotechnie vocale que l’on attendait.

Au final, Céphale & Procris constitue ainsi une œuvre charmante, où les couleurs orchestrales nous ont révélé un Grétry encore baroque.

Grandes Journées Grétry du Centre de Musique Baroque de Versailles (4 octobre - 21 novembre 2009)

Le site officiel du CMBV : www.cmbv.fr (avec le programme de la saison)

Site officiel du Château de Versailles : www.chateauversailles.fr