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« Ainsi relégué au rang des petits maîtres, il écrit cependant de façon splendide (…) » (Christophe Rousset)

Avouons-le, on joue trop peu Duphly. Trop peu en dépit de quelques pièces ressuscitées par Gustav Leonhardt dès 73 les intégrales élégantes de Jean-Patrice Brosse (EMI et Pierre Verany), l’incursion moirée de Catherine Latzarus (Ligia) ou encore le récital inégal d’Elisabeth Joyé (Alpha) sans même citer Mitzi Meyerson ou Mario Raskin que nous n’avons pas écoutés.

Jacques DUPHLY (1715-1789)

Pièces de Clavecin

[TG name= »Liste des morceaux »]

Troisième livre: La Forqueray
Troisième livre: Chaconne en fa
Troisième livre: Médée
Premier livre: Allemande en do mineur
Premier livre: Courante la Boucon
Premier livre: Rondeau en do
Premier livre: La Millettina
Quatrième livre: Rondeau la Pothouin
Quatrième livre: La Victoire
Premier livre: Rondeau en ré mineur
Deuxième livre: La Damanzy
Premier livre: La Cazamajor
Deuxième livre: La Felix
Deuxième livre: La de Vatre
Premier livre: Allemande en ré mineur
Premier livre: Courante en ré mineur
Troisième livre: Les Graces
Premier livre: La Vanlo
Premier livre: Rondeau
Premier livre: La Tribolet
Quatrième livre: La du Buq
Deuxième livre: La D’Héricourt
Troisième livre: La de Guyon
Quatrième livre: La de Drummond
Deuxième livre: La Lanza
Deuxième livre: Les Colombes
Troisième livre: La de Chamlay

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Christophe Rousset, clavecin Kroll 1776.

63’40 + 63’56, Aparté, 2012.

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Avouons-le, on joue trop peu Duphly. Trop peu en dépit de quelques pièces ressuscitées par Gustav Leonhardt dès 73 les intégrales élégantes de Jean-Patrice Brosse (EMI et Pierre Verany), l’incursion moirée de Catherine Latzarus (Ligia) ou encore le récital inégal d’Elisabeth Joyé (Alpha) sans même citer Mitzi Meyerson ou Mario Raskin que nous n’avons pas écoutés. Trop peu tout de même, car le compositeur a mauvaise presse, et le malheur de venir après Couperin, d’être étalonné à l’aune de Forqueray. Nous-mêmes, nous avouons avoir tenu Monsieur Duphly pour un honnête artisan, comme un Giulio Romano demeure à jamais dans l’ombre de Raphaël. Christophe Rousset nous a fait changer d’avis au long de ce récital brillant et fier, qui compte parmi ses plus belles réalisations clavecinistiques. « On l’aura compris, Duphly n’est pas un innovateur, il ne révolutionne ni l’écriture, ni la technique, ni ne tente d’imposer une personnalité. Ainsi relégué au rang des petits maîtres, il écrit cependant de façon splendide (…) ». On ne saurait mieux écrire que le musicien qui s’attache cependant à rendre justice à un compositeur dont au final on retient l’élégance teintée de nostalgie, et le langage somme toute extrêmement couperinien, jusqu’à la citation quasi textuelle : le Rondeau en do du Premier Livre n’est-il pas un hommage aux fameuses Barricades mystérieuses tant l’écriture et le thème en sont proches ? De même, et bien que la publication des quatre Livres s’échelonne entre 1744 et 1768, le Duphly qu’exhume Rousset a des parfums souvent réminiscents du Siècle de Louis XIV, sans doute en raison de l’influence qu’exerça sur lui son maître D’Agincourt, et tourne résolument le dos au procès en « petits riens » et en mignardise décorative dont il est si souvent accusé.

Christophe Rousset, sur un majestueux Kroll, confortablement installé dans le décor rocaille de la Galerie Dorée de la Banque de France, livre une vision à la fois tendre et virile de ces œuvres qui se lisent comme autant de portraits ou de saynètes, jouant sur les textures grâce à l’accouplement des 2 claviers, introduisant ça et là ce qu’il faut de retards et de silences pour compenser son jeu d’une aisance naturellement altière. On soulignera que les captations se sont déroulées sur une unique journée, sous les micros attentifs de Nicolas Bartholomée, et qu’il règne sur ce récital un vent d’audace et de fantaisie, de prise de risque aussi, tout à fait louable.

Christophe Rousset. DR

La très belle Forqueray donne le ton, ample gavotte d’une profondeur sensible, avec laquelle la Chaconne en fa très lulliste – quoique plus animée – tranche par sa grandeur multicolore, Rousset faisait sonner son instrument solitaire comme un monde. Certaines pièces, plus modernes voire « sauvages », à l’instar d’une féroce Médée que n’auraient pas renié un Scarlatti ou un Pancrace Royer, fusent soudain, dans un déferlement ravageur, tonnerre zébrant des cieux d’ordinaire plus mesurés. C’est également la cas pour la fantaisiste Victoire, très libre, ou encore les aigus inhabituels de La Tribolet. S’il faut distinguer nos favorites, nous avouerons préférer parfois certaines pièces plus discrètes, comme cette Felix ou l’Allemande, à la fois fluides et lumineuses, toutes deux issues du Premier Livre, ou encore par la bourgeonnante timidité des Grâces, d’une hésitante sensualité, sans pour autant résister à la virtuose et vaste Lanza extravertie et colorée, avec ses pointes méditerranéennes.

Après le très attendu retour chez Couperin de Blandine Verlet, le jeune label Aparté confirme sa réputation d’excellence, et l’on attend avec impatience la suite de ce voyage au pays des Lys naissants tandis que l’on ne saurait trop espérer une intégrale Duphly sous des doigts si inspirés.

Viet-Linh Nguyen

Technique : prise de son fidèle et colorée

Étiquettes : , , , , , , , Dernière modification: 11 juillet 2014
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