Alessandro STRADELLA (1643-1682)
Amare e fingere (feindre en aimant)
opéra en 3 actes sur un livret de Filippo Apolloni
Artabano, Fileno : Mauro Borgioni (baritone)
Despina, Clori : Paola Valentina Molinari (soprano)
Oronta, Celia : José Maria Lo Monaco (mezzo)
Coraspe, Rosalbo : Luca Cervoni (tenor)
Silvano : Chiara Brunello (alto)
Erinda : Silvia Frigato (soprano)
Ensemble Mare Nostrum
Direction Andrea De Carlo
2 CDs avec livret italien/anglais, Arcana, 119’56.
[Addendum : Livret français disponible stradella-amare-e-fingere-a493-20211116104617-booklet (1) (un grand merci au maestro De Carlo qui nous l’a transmis et a autorisé sa diffusion]
Puisque nous avons commencé, filons la métaphore : ce vaisseau est une embarcation agile, plaisante. On y fait des voyages d’agréments mais elle est également plus robuste, bien charpentée, capable de transporter des émotions comme une intrigue passablement alambiquée. Une gondole ? Certes non. Une sandale de régate (dite puparin) : trop profilée, trop acerbe, des lignes trop incisives. Alors ce sera une caorlina vénitienne, un seul rameur, ou plusieurs, un ou deux mâts, emportant des charges légères comme des rameurs. Va pour la caorlina. Et bien cela lui va comme un gant même si l’on est loin de la Sérénissime : opéra de Stradella, composé donc à Rome, mais représenté plus tard à Sienne en 1676 sous le patronage et la commande des Chigi, cette 7ème parution du courageux Stradella Project explorant les manuscrits de la collection du chantre papal Vulpio ressuscite une œuvre plus que rare : Amare e fingere, donné en l’honneur de Maria Virginia Chigi, Princesse Farnèse, rien de moins.
Malheureusement, le livret n’est traduit qu’en italien et traduction anglaise. Mille fois hélas, car en cette période de transition entre l’ère des Monteverdi Cavalli, et la naissance du seria stabilisé façon Alessandro Scarlatti le livret demeure essentiel, et les intrigues d’une complexité byzantine. Ici cet Amare e fingere, dont le livret d’Apolloni s’inspire d’une comédie espagnole, est un salmigondis mi-figue, mi-raisin, où les princes marivaudent. On ne s’escrimera pas à synthétiser les péripéties feuilletonesques de ce semiseria aux travestissements multiples et où les princes de Perse et d’Egypte se retrouvent affublés en bergers courant derrière des reines déguisées en bergères… L’enregistrement, une captation live de très bonne qualité, présente l’œuvre avec quelques coupures. Habitués à récriminer sur les coupes, on observera simplement que l’acte I a bien été amputé, et qu’on aurait pu à l’inverse procéder à quelques insertions instrumentales, notamment une sinfonia d’ouverture, pour agrémenter un peu cette succession un peu abrupte de récitatifs bien soutenus par une basse continue sensible, et d’airs à la fois charmeurs mais incroyablement brefs (souvent moins de deux minutes) insérés librement dans le flot de l’intrigue. Ce flux continu, homogène, est porté avec naturel plus que truculence par des interprètes tous italiens, d’où se détache le stable, noble et souple Mauro Borgioni, à l’inverse on regrettera le Silvano étriqué de Chiara Brunello de même que la Despina pincée de Paola Valentina Molinari). L’orchestre Mare Nostrum sonne un peu maigre, notamment les deux violons, mais on admire le très riche continuo riche (violoncelle, viole, théorbe, archiluth, harpe triple, clavecin et positif). Bénéficiant de la liberté de ton d’une captation lors d’une représentation, on ne se lasse pas d’admirer la direction vive, attentive et souple d’Andrea De Carlo, soucieux de laisser respirer les dialogues comme la musique. Il n’en reste pas moins qu’avec ce livret non traduit, l’auditeur est assez frustré dans ses tentatives à suivre une action déjà très embrouillée, malgré l’inventivité souple d’une partition originale et inédite.
Viet-Linh NGUYEN
Technique : captation claire et équilibrée, voix très en avant. Pas de bruits parasites dus au « live ».
Étiquettes : Arcana, De Carlo Andrea, Ensemble Mare Nostrum, Muse : argent, opéra, Outhere, Stradella Dernière modification: 25 mars 2024