Rédigé par 7 h 53 min CDs & DVDs, Critiques

L’appel de la forêt (Il Transilvano, Codex Caioni, Prisma – Ambronay)

Le jeune Ensemble Prisma, constitué d’un quatuor de musiciens des conservatoires de Brême et Hanovre, a conçu son second voyage comme un regard en miroir : puisant parmi les pièces compilées dans le Codex Caioni rassemblé par le moine humaniste Johannes Caioni (connu également sous son nom roumain, Ioan Caianu ou János Kájoni) où l’on trouve un assortiment de pièces instrumentales italiennes et allemandes (du Monteverdi, Marini, Schütz), mais aussi des danses et chants populaires.

Il Transilvano
Musiques entre l’Italie et la Hongrie autour des années 1600
Œuvres du Codex Caioni et musique populaire hongroise

Toccata La Diruta – Dávid Budai
Hajnali (Morning song) – Traditional Hungarian song
La Romana – Orazio Tarditi (1602–1677)
Sarabanda Gesneri – Codex Caioni
Sonata sopra La Monica – Biagio Marini (1594–1663)
Hungarian kaval solo – Elisabeth Champollion
Magos kösziklának (From the high cliff’s) – Traditional Hungarian song
Ballo Ongaro – Giovanni Picchi (1571 or 1572–1643)
Padoana ditta La Ongara – Giovanni Picchi
Gagliarda ditta La Ongara – Dávid Budai
Angoli Borbála – Traditional Hungarian ballad
Ferenc Kulcsár : Pontozó – Traditional Hungarian male dance
Elment a két lány virágot szedni (Two girls went to pick flowers) Traditional Hungarian folksong
Intrada – Codex Caioni
Ungarescha Suite – Codex Caioni, Giorgio Mainerio (1535–1582)
Toccata la Francesca – Dávid Budai
Bocsásd meg Úristen (Forgive me, O Lord) – Traditional Hungarian song
Vetettem violát (I have sown violets) – Traditional Hungarian song
Öves – Ördög útja (On the devil’s road) – Traditional Hungarian dances
Legényes – Traditional Hungarian dances from Kalotaszeg and Palatka

Ensemble Prisma : 
Elisabeth Champollion, flûte et kaval hongrois
Francisca Hadju, voix et violon
Dávid Budai, basse de violon et viole populaire
Alon Sariel, archiluth & mandoline
Invité : Gábor Juhász, contrebasse et théorbe

Enregistré en mars 2020, Ambronay éditions, 57’54.

Ah les Carpathes, leurs sombres forêts, leurs villes saxonnes fortifiées et l’ombre du Comte Vlad ! Terre “par-delà les forêts” (trans-silvam) où luttèrent princes transylvains, Habsbourg et Ottomans, le centre de la Roumanie actuelle a été une terre de combats et d’influence croisées. Mais en réalité, le titre de ce disque fait plutôt référence au traité d’orgue de Girolamo Diruta (publié à Venise en 2 parties en 1593 et 1610).

Le jeune Ensemble Prisma, constitué d’un quatuor de musiciens des conservatoires de Brême et Hanovre, a conçu son second voyage comme un regard en miroir : puisant parmi les pièces compilées dans le Codex Caioni rassemblé par le moine humaniste Johannes Caioni (connu également sous son nom roumain, Ioan Caianu ou János Kájoni) où l’on trouve un assortiment de pièces instrumentales italiennes et allemandes (du Monteverdi, Marini, Schütz), mais aussi des danses et chants populaires. Pour la petite histoire, le recueil datant de vers 1650 fut redécouvert dans un mur de monastère franciscain en 1988 par un maçon, après avoir été caché avant l’arrivée des troupes soviétiques à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Jean-Christophe Frisch avait tiré de ce miraculé un magnifique spectacle et l’un de ses enregistrements les plus inspirés (K617). Les quatre jeunes talents de Prisma poursuivent la ballade, avec une énergie et un naturel déconcertants, passant sans rupture de la musique savante à la musique populaire. Les musiciens ont fait le choix d’écarter les pièces religieuses pour conserver une homogénéité de ton à un programme résolument bon vivant, et à la poésie souriante, à l’écoute communicative qui rappelle les incursions méditerranéennes de l’Arpegiatta. Beaucoup de pièces sont autant de bijoux, du chant simple de paysanne “Angoli Borbála” (où l’on aurait tout de même pu se passer des chants d’oiseaux en fond et qui petit à petit passe de la mélancolie à la danse canaille) à l’endiablé Pontozó endiablé (une danse virile pour hommes), en passant par les accords scintillants de luth ou la sensuelle flûte à bec dans la Suite Ungarescha de Mainerio. Prisma a su traduire une variété de tons et d’atmosphères sans jamais se départir d’une musicalité tendre et chaleureuse, d’un mystère évocateur, et d’une constante invitation à la rêverie brouillant les codes entre castel et taverne, hier et aujourd’hui. 

L’Ensemble Prisma © Bertrand Pichène

Ce vibrant hommage à la diversité culturelle, ethnique et religieuse de la Hongrie de l’époque séduira par l’irrésistible rondeur de ses timbres, sa chaleur, et sa spontanéité tout en nous rappellant qu’il faut toujours chercher à abattre les murs.

 

Viet-Linh NGUYEN

Étiquettes : , , , Dernière modification: 20 janvier 2021
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