A la folie (Folias americanas, Ensemble Vedado, Ronald Martin Alonso – Paraty)

1 CD digipack, Paraty, 2023, 65’49

C’est une petite folie. Qui nous vient non d’Espagne mais d’au-delà des mers. Nous suivons depuis plus d’une dizaine d’années les projets du gambiste Ronald Martin Alonso, notamment chez Marais ou chez Sainte Colombe (Paraty). Avec son nouvel Ensemble Vedado, le musicien a choisi de nous livrer une friandise, avec cette mise en regard qui constitue une variation sur des variations, des Folies d’Espagne aux caractères de la danse des mers de la Nouvelle-Espagne. Cette œuvre contemporaine, que l’on doit à Calixto Álvarez se trouve encadrée par deux suites canoniques du IVè Livre de Marais, à trois violes : on est frappé par les textures rugueuses, les archets haletants et courts, dans une lutte à fleurets mouchetés : Ronald Martin Alonso, Calia Álvarez et Lixsania Fernández s’en donnent à cœur joie. On goûte la spontaneité brute des sonorités, les graves fermes et rebondis, l’espièglerie joueuse, l’ironie mordante. On redécouvre un autre Marais, jumeau audacieux, sensuel, puissamment coloré, ondulant et improvisé, cousin éloigné de l’ange versaillais. C’est un enregistrement immédiat, familier, un Marin Marais qui traîne dans les ruelles et les tavernes, et qui renouvelle sa relation avec l’auditeur, décontenancé par cette absence de décorum. Les pièces sont abordées avec une complicité sans fard, et avec un fort équilibre entre les parties, loin de mettre en avant la voix soliste. Il en ressort des Suites surprenantes, dégingandées, moins élégantes, moins mélodiques, peu introspectives, pas trop rêveuses. Mais elles dénotent une énergie vitale qui ne refuse aucune prise de risque et se vautre sans arrière-pensée dans le plaisir d’un jouer-ensemble populaire, décomplexé et lumineux. Il y a aussi une grande modernité dans le propos, celle d’un Marais interprété comme un compositeur vivant, et populaire. Un Marais de la guinguette, sans connotation péjorative aucune. 

Des Folies cubaines, on parlera peu car elles sortent de notre champ de couverture : mais l’idée de proposer des variations contemporaines sur les Folies, qui seraient chacune composées dans le style de danses sud-américaines, est tout à fait savoureuse. On admire l’extraordinaire inventivité du compositeur cubain Calixto Álvarez, tout en regrettant que les pièces soient si brèves, quasi des vignettes, extrêmement rythmées et scandées de percussions endiablées. Peut-être le concert du 3 mars prochain leur laissera t-il le temps de s’épanouir davantage, voire d’improviser de nouvelles variations décoiffantes ?