Rédigé par 22 h 50 min CDs & DVDs, Critiques • Un commentaire

L’un des rares disques consacrés au clavicorde

On ne juge pas un livre à la couverture, et un disque non plus. Derrière une pochette dont on serait tenté de dire que nous la trouvons presque hideuse, Mathieu Dupouy, claveciniste et fondateur du label Hérisson nous offre un programme intéressant, interprété avec beaucoup de sensibilité…

Carl Philipp Emanuel BACH (1714-1788)

« Pensées nocturnes »

 

Fantasie I en fa majeur (Wq.59/5)
Fantasie II en do majeuur (Wq.59/6)
Fantasie « C.P.E. Bachs Empfindungen » en fa dièse majjeur (Wq.67)
Sonate en mi mineur (Wq.65/30 et Wq.59/1)
Sonate en sol mineur (Wq.65/27)
« Abschied von meinem Silbermannischen Claviere, in einem Rondo » en mi mineur

Mathieu Dupouy, clavicorde

Hérisson, 2009

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On ne juge pas un livre à la couverture, et un disque non plus. Derrière une pochette dont on serait tenté de dire que nous la trouvons presque hideuse, Mathieu Dupouy, claveciniste et fondateur du label Hérisson nous offre un programme intéressant, interprété avec beaucoup de sensibilité, ainsi qu’un texte de présentation d’une très grande qualité, n’ayant rien à envier à un Beaussant ou un Cantagrel. Récemment, Jocelyne Cuiller avait déjà livré chez Fuga Libera un beau récital dont certaines pièces sont communes au présent disque (l’Abschied, une des Fantaisies et celle intitulée « Bachs Empfindungen ») : en voici une lecture très différente, tout aussi convaincante et où sensibilité, spontanéité, sont à l’ordre de jour.

Si le son est moins hédoniste et flatteur que dans les Rêveries de J. Cuiller, cette petite sécheresse est compensée par un interprète qui semble prendre davantage son temps, parfois peut-être trop. Ces pensées sont celles d’un épanchement calme, plus nocturne – comme le suggère le titre donné au disque – qu’emporté. Pourtant, Mathieu Dupouy sait éviter la monotonie, ou la contemplation immobile, usant avec à propos d’immenses contrastes : il suffit d’écouter la fantaisie en fa majeur qui ouvre le programme pour s’en rendre compte.

Sous le toucher apaisé et assuré du clavicordiste, perce de temps à autre l’impression que le processus de composition se continue. Car Mathieu Dupouy excelle à rendre ces moments où la forme semble se taire, s’interrompre, pour laisser place à l’improvisation et au doute comme dans l’hésitant Allegro de la Sonate en sol mineur Wq.65/27). Les mouvements se suivent, s’enchaînent avec naturel, tant les variations de tempos sont subtiles, amenant à la tautologie traumatique qu’une sonate est bien une sonate, et non pas trois mouvements mis bout à bout — c’est le cas, par exemple, de celle en mi mineur Wq.59/1, d’une gracieuse homogénéité.

Entre la virtuosité effrénée de certains passages des fantaisies à la retenue intense de certains mouvements (les deux premiers de la sonate en sol mineur Wq.65/27, le début de la fantaisie « Bachs Empfindungen »), ces Pensées constituent un moment tout en sensibilité communicative. À écouter la nuit si l’on veut, et tout le reste du temps aussi !

Loïc Chahine

Technique : enregistrement clair et précis.

Carl Philipp Emanuel Bach, Rêveries pour connaisseurs et amateursJocelyne Cuiller (Fuga Libera, enr. 2007)   

Interview : « En fait le clavicorde n’a rien à voir avec le clavecin », entretien avec Jocelyne Cuiller autour du clavicorde et de C.P.E. Bach

 

Étiquettes : , , , , , , , Dernière modification: 11 juillet 2014
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