Lumineuses (Victoires de la Musique Classique 2025)

Lucile Boulanger, capture d’écran de la cérémonie des Victoires de la Musique classique 2025 © France 3

Le palmarès des Victoires de la Musique a cette année fait la part belle aux “baroqueux”, qui constituait presque deux tiers des nominations  (y compris des luttes fratricides entre Lucile Boulanger et Justin Taylor, ou encore un don d’ubiquité de Lucile Boulanger figurant à la fois comme les catégories soliste et enregistrement), et deux des huit vainqueurs (sans compter la versatile Nathalie Dessay à qui fut octroyée la Victoire d’honneur). Certes, nous n’avons pas attendu cette reconnaissance de leurs pairs pour souligner en ces pages la pertinence de leurs choix, l’éclat de leur carrière et leur contribution respective à la mise en lumière du répertoire baroque. Mais à l’heure où les deux Lucile, Richardot et Boulanger sont toutes deux couronnées d’une Victoire de la Musique Classique (dans la catégorie Artiste Lyrique pour Lucile Richardot et dans celle de Soliste Instrumentale pour Lucile Boulanger), ne boudons notre plaisir de voir ces deux artistes exposées à un plus large public. Une reconnaisse dans une carrière en pleine maturité, à la fois riche des choix du passé et des futurs projets, que l’on soupçonne nombreux tant les deux artistes se plaisent à explorer un large spectre du répertoire, s’offrant même la liberté de quelques savoureux pas de côté.

Lucille Richardot © Franck Ferville

De Lucile Richardot, dont nous avons à de si nombreuses reprises soulignées à la fois les qualités d’interprétation scénique et la souplesse vocale, nous nous remémorons des papiers un peu anciens (son modeste rôle de seconde sorcière dans le Didon & Enée de Purcell donné à Versailles en 2014 sous la direction de Vincent Dumestre avec le Poème Harmonique) ou au disque un superbe Meslanges pour la chapelle d’un prince, d’Etienne Moulinié avec l’Ensemble Correspondance de Sébastien Daucé (Harmonia Mundi, 2014), tout comme des audaces plus récentes, telle cette hilarante Médée & Jason, parodie vue à Namur en 2024 avec Les Surprises de Louis-Noël Bestion de Camboulas dans laquelle elle jouait une Médée déjantée et grand-guignolesque absolument irrésistible. Et pour ceux qui douteraient encore de la capacité de la mezzo-soprano à s’approprier avec talent les répertoires les plus divers, qu’ils aillent écouter le vibrant hommage que Lucile Richardot et la pianiste Anne de Fornel rendaient en reprenant son titre Les Tuileries à… la chanteuse Colette Magny ! 

Lucile Boulanger © Richard Dumas, 2021

Lucile Boulanger et sa viole de gambe, c’est un croisement, il y a déjà quinze ans, au cours d’un spectacle, étrange et audacieux autour d’une rencontre fictive entre Jean de la Fontaine et Madame de Sévigné (La Veuve & le Grillon de Daniel Soulier, avec les Folies Françoises), puis une carrière qui ces dernières années s’intensifient pour des prestations régulières, par exemple aux côtés de François Lazarevich (comme encore l’année dernière au Festival d’Hardelot) ou sur le premier disque en solo de la violoniste Sophie de Bardonnèche. Et si Lucile Boulanger s’est déjà fait remarquer avec un beau premier album de récital consacré à Bach et Abel (Alpha, 2022), avouons que nous en sommes en retard pour publier le compte-rendu de son dernier album, La Messagère, XVIIème-XXIème siècles, un portrait de la viole de gambe publié chez Alpha, qui était d’ailleurs en lice dans la catégorie Enregistrement.. Mais promis, c’est pour bientôt !

Julie Roset © Thomas Brunot. 2023.

Et nous ne serions pas complet si nous ne mentionnons aussi la belle Victoire de la Révélation pour Julie Roset, tant aimée dans la Resurezione de Haendel sous la direction de Julien Chauvin lors du dernier Festival de Saint-Denis (où elle côtoyait Lucile Richardot) ou un peu plus anciennement dans la très belle version de l’Orfeo gravée par Leonardo Garcia Alarcon avec la Cappella Mediterranea (Alpha, 2021) où sa voix irradiait déjà en jeune nymphe.

Un palmarès mettant en exergue des artistes en plein épanouissement dont les nominations faisaient déjà rejaillir toute la vitalité de la scène musicale baroque actuelle.

                                                                       Pierre-Damien HOUVILLE