Le château de Lamotte à Bardigues © Muse Baroque, 2022
“Entre France et Italie” : pièces intimes pour Traverso et Théorbe
Antonio Vivaldi (1678-1741)
Sonate RV 51 en sol mineur
Robert de Visée (v. 1655- après 1732)
Suite de pièces de théorbe et de luth mis en partition pour dessus et basse
Domenico Pellegrini (v. 1617-ap. 1682)
Alemanda Seconda
Corrente Decima
Balletto Primo
Corrente detta la grimalda
Antonio Vivaldi
Sonate RV 50 en mi mineur
Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755)
Suite n°5 opus 35 en si mineur pour flûte seule
Michel de la Barre (1675-1745)
Chaconne extraite de la sonate IX “l’Inconnue” en sol majeur
T for Two :
Alice Szymanski, traverso
Albane Imbs, théorbe et guitare baroque
Château de Lamotte, Bardigues (82), concert du dimanche 2 octobre, dans le cadre du festival Passions Baroques.
Le lendemain matin, nous découvrons le Château de Lamotte, très belle bâtisse du XVIIIème siècle toujours habitée par la famille d’Esparbès de Lussan et qui a traversé miraculeusement les siècles et les révolutions indemne, y compris ses archives ou sa décoration intérieure. Cette famille est notamment connue pour l’une des éphémères maîtresses du Bien-Aimé, et pour Joseph Henry Bouchard d’Esparbès de Lussan, marquis d’Aubeterre, maréchal de France et diplomate. Fait remarquable : le Château n’a jamais été vendu ni dépecé : il est détenu depuis le début du XIVème siècle par la même famille qui l’habite encore aujourd’hui.
Assis au milieu d’un salon au tentures cramoisi et or au charme fané, nous avons le privilège d’un concert intime et chaleureux, d’une douce élégance, et où les deux artistes présentent à l’auditoire leurs instruments ou les pièces d’un programme entre France et Italie, dédié ou interprété sur un duo de traverso et de théorbe. Le moment passe comme un friandise, ce qui est à propos car Albane Ims – l’une des Kapsber’Girls – évoque justement que Boismortier était fils d’un confiseur de Thionville. Friandise que cette alliance de la modernité coulante et sensuelle de la flûte traversière d’Alice Szymanski et des accords perlés et souriants du théorbe d’Albane Imbs. Après la jolie mais hésitante sonate en sol mineur de Vivaldi pour flûte et basse continue, en guise de prélude, la suite de De Visée (transcrite par le compositeur lui-même pour dessus et basse) dévoile une noblesse langoureuse, un climat de méridienne un peu alanguie, notamment par le souffle du traverso, évocateur et aquarellé. On admire particulièrement le solo de guitare baroque de la suite de Pellegrini (compositeur bolognais hélas trop peu joué : on conseille le superbe “Alfabeto” avec l’ensemble Kapsberger de Rolf Lislevand chez Astrée / Naïve) avec ses alternances contrastées et énergiques d’arpèges et de battements, entre poésie luthée et déferlement nerveux. Toujours l’Italie avec la RV 50 du Prêtre Roux issue du manuscrit de Stockholm avec un très beau premier mouvement lyrique et nostalgique , aux ornements bien sentis.
© Auxie Boivin
L’on avouera être moins sensible à la Suite n°5 opus 35 en si mineur pour flûte seule de Boismortier, non que la traverso d’Alice Szymanski fasse défaut, au contraire il fait merveille, mais ce Boismortier galant et curial, chantourné et précieux, s’écoute avec délice et s’oublie avec grâce dans sa mondanité aimable. Tout de même, le second mouvement vif et dansant s’évère d’un tempérament solaire, le final admirable dans son opposition entre les notes aigues et graves. Enfin la magnifique Chaconne finale, extraite de la Sonate IX “l’Inconnue” en sol majeur – qui aurait d’ailleurs pu être jouée dans son intégralité, vu que l’imposante chaconne prend la moitié de la suite – hypnotique et répétitive, acrobatique et tendre, d’une noblesse ample, d’une virtuosité prude, conclut ce duo de choc et de charme, si éloquent et fluide que l’on en oublie aisément de boire son thé.
Viet-Linh Nguyen
En savoir plus :
