Rédigé par 15 h 55 min CDs & DVDs, Critiques

Douceur italienne dans les brumes londoniennes

Un choix de six concertos, composés par un Italien installé à Londres dès 1714, interprété par un ensemble britannique, et enregistré… sur des instruments d’époque, voilà qui allume une étincelle gourmande, intéressée et un peu nostalgique dans l’œil du mélomane baroqueux averti !

Francesco GEMINIANI (1687-1762)

Six Concerti grossi, opus 3

 

The Academy of Ancient Music, dir. Christopher Hogwood

Decca, collection l’Oiseau-Lyre, enr. 1977, réed. 2008 

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Un choix de six concertos, composés par un Italien installé à Londres dès 1714, interprété par un ensemble britannique, et enregistré… sur des instruments d’époque, voilà qui allume une étincelle gourmande, intéressée et un peu nostalgique dans l’œil du mélomane baroqueux averti ! Rappelez-vous… C’était le parti-pris du claveciniste Christophe Hogwood, parrainé par le producteur de Decca, qui monta dans les années 1970 le premier orchestre professionnel britannique entièrement constitué d’instruments anciens.

Certes, à première vue, le rendu paraît paradoxalement un peu égal, moins tintinnabulant qu’il l’eût été avec des instruments modernes. Alors même que les détracteurs des interprétations sur instruments d’époque reprochaient les problèmes de justesse et la verdeur desdits instruments, Hogwood démontrait que le baroque HIP (“historical informed performance”) pouvait être synonyme de douceur moelleuse. La virtuosité des interprètes de The Academy of Ancient Music se révèle dans leur facilité à se jouer des défis posés par les cordes en boyau ou les archets plus courts : un timbre moins spectaculairement extraverti, des sonorités plus perlées, un jeu moins bondissant aux nuances plus subtiles, une direction moins autoritaire, d’un raffinement classieux qui témoigne du soin méticuleux de Christopher Hogwood à renouer avec la musique de Francesco Geminiani.

C’est la grâce et la légèreté italiennes qui se dégagent de cette série de concertos, mais d’une Italie contemplée depuis les bords de la Tamise, ce qui donne peut-être à l’ensemble cette nuance so british de flegme souriante et contemplative. Les staccatos ne sont que très modérément trépidants (du reste, en Albion, l’on ne trépide pas), les vivaces restent emprunts de retenue, et les allegros, ma foi… les allegros ne se différencient que peu, à première écoute, du moins, des autres mouvements de chaque concerto.

A noter cependant, le second mouvement (allegro) du Concerto grosso No.1 in D major se distingue par son allant joyeux et vif, caractère que, il faut l’avouer, on ne retrouve plus ensuite. Point non plus de langueurs un peu sensuelles et toute méditerranéennes qui charment chez d’autres compositeurs italiens, tels Vivaldi ou Albinoni : de la retenue, encore de la retenue, semble être le leit-motiv du compositeur qui sut charmer le public londonien, revenu au calme après des années d’échauffements révolutionnaires.

Mais assez joué les froggies moqueurs : apprécions la délicatesse harmonieuse des pièces de Geminiani ; reconnaissons le mérite défricheur de Hogwood d’avoir tenu à rendre à ces œuvres leur caractère originel ; et applaudissons les prouesses techniques des interprètes, sages pionniers en matière de restitution orchestrale sur instruments d’époque.

Hélène Toulhoat

Technique : prise de son nette et précise

Étiquettes : , , , , , , Dernière modification: 25 novembre 2020
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