On ne peut s'y tromper, il se trame quelque chose à Vezelay. La petite cité, perché sur sa colline, au pied de laquelle serpente encore les cailloux pointus d'une voie romaine, verrait-elle de nouveau un Urbain II ou un Bernard de Clairvaux prêchant la croisade ? Mais cette foule bigarrée et estivale à la nonchalance vacancière qui l'a envahie paraît bien inoffensive, déambulant sur la longue rue Saint-Pierre qui conduit à l'abbatiale romano-gothique aux cent chapiteaux, traînant autour des dégustations offertes par Pascal Brûlé (excellent blanc 2009 soi-dit-en-passant) Place Borot rebaptisée "Places des Rencontres"  - avec sa scène un peu déjantée où les concerts sans prétention de l'après-midi font découvrir gratuitement des chansons humoristiques, un peu de piano, une soprano en quête de frissons - écumant les brocantes, librairies, cafés et restaurants... Comme pour donner la réponse à cette énigme qui n'en est pas une, les étendards bleu et rose claquent au vent, arborant fièrement les armes des "Rencontres Musicales", dont il s'agit cette année de la 13e édition.

Sculpture d'une maison médiévale, rue Saint Etienne  © Muse Baroque, 2012

Eloignons-nous un instant de la majestueuse Basilique - nous profitons de l'occasion pour saluer la restauration menée entre 1840 et 1861 par Viollet-le-Duc, dont la pensée systémique certes parfois excessive a montré une connaissance intime de l'art médiéval rarement atteinte, d'ailleurs, la sculpture du portail central de la façade occidentale du narthex sur le thème du Jugement dernier constitue un pastiche bien plus réussi respectueux que la grille Monnoyeur de la Cour Royale de Versailles - éloignons nous donc un instant pour redescendre la grande rue jusqu'au champ de foire, afin de revenir sur la naissance du Festival autour d'une belle assiette et en compagnie de Pierre Cao, directeur artistique, et Bruno Rastier, délégué général d'Arsys Bourgogne. Comme le rappelle ce dernier, "les Rencontres ne sont pas un festival". Derrière l'aphorisme digne de Magritte, il y a une genèse : celle de pouvoirs publics proactifs notamment le Conseil régional de Bourgogne,  le Conseil général de Yonne et la DRAC Bourgogne, soucieux de créer une formation vocale dans la région. C'est ainsi que naît Arsys, en 1999, chœur à géométrie variable allant jusqu'à une trentaine de chanteurs. Pierre Cao prit sa direction dès les débuts, la petite histoire racontant qu'il refusa en fin de semaine pour accepté le lundi suivant ! On implanta le siège du chœur à Vezelay, et l'un des temps fort de la saison d'Arsys se donna naturellement là-haut, sur la colline, en cette abbatiale consacrée en 1104, avec sa superbe nef à voûtes en berceau, aux claveaux blancs et ocre. Vezelay, la Romane, mais aussi Vezelay la Gothique, avec la première grande église gothique de Bourgogne, lorsque Girard d'Arcy fit rebâtir vers 1185 le chœur et l'abside dans le nouveau style, après l'incendie de la crypte. Vezelay la Musicale enfin, des hymnes de sœurs de Jerusalem qui occupent désormais la Basilique aux Rencontres à la programmation éclectique de la Renaissance au XXe siècle, bien que nous en donnons une image faussée du fait de notre prisme baroque.

Mais voici qu'il est déjà temps de partir au pied de la colline, dans le petit village d'Asquins, point de départ du Chemin de Saint-Jacques...