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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Festival Le lieu & le concert
Eglise d'Arques-la-Bataille © Muse Baroque, 2011
The English Cornett and Sackbut Ensemble - DR
William Byrd
Cependant, il y a parfois du tort à séparer une musique de son lieu de création et d’épanouissement quasi naturel. Le premier concert du festival, consacré au Great Service de William Byrd, nous a invité à y réfléchir. Ces pièces, destinées à l’office anglican, font se répondre deux chœurs à cinq voix, et ces deux points précisément sont ceux qui posent problème, à notre sens, dans leur mise en concert. The Great Service était donné par l’ensemble vocal Musica Contexta, accompagné de The English Cornett and Sackbut Ensemble, dirigés par Simon Ravens, dans l’église d’Arques-la-Bataille. Or, cette église ne permettait pas un éloignement suffisant des deux chœurs pour que les effets de réponses qui auraient dû s’opérer puissent frapper les oreilles des auditeurs. Et puis, se pose la question : peut-on vraiment détacher ces pièces de la messe et en donner une heure et demie comme s’il s’agissait de concertos, de symphonies ou de quatuors ? Cette musique est faite pour le recueillement. Elle est assez simple, et doit être jouée avec sobriété. À cet égard, l’interprétation de Musica Contexta était d’ailleurs exemplaire, et d’une propreté technique très séduisante. On a beau y mettre des dynamiques et des nuances, il faut en respecter le style — à peine pourrait-on se permettre, pour offrir plus de diversité, des variations de tempos plus importantes que celles proposées par Simon Ravens. Il en résulte un concert, quoique, faut-il le répéter, irréprochable du point de vue de l’exécution et très amène pour l’oreille tant les sons en sont beaux, un peu monotone. Eût-il fallu mettre d’autres pièces, plus éloignées, et rendre ainsi le programme incohérent ? Nous ne le pensons pas. Nul n’est à blâmer pour cela que le principe même du concert : des pièces de musique, reliées entre elles, se suivent… et dans ce cas précis, se ressemblent trop.
Joel Frederiksen © Eric Larrayadieu
Mercredi 22 août, 20h00 Le lendemain, le programme The Elfin Knight proposé par l’ensemble Phoenix dirigé par Joel Frederiksen, souffrait aussi du concert et de son lieu, mais pour d’autres raisons. Il s’agit de ballades anglaises, écossaises et américains, interprétées comme de la musique de la Renaissance — interprétation d’ailleurs extrêmement séduisante et soignée, avec deux luths, une viole (basse ou dessus, selon les pièces), une flûte à bec (là aussi, de différentes flûtes sont utilisées selon les pièces), des percussions et deux voix tantôt alternant et se répondant, tantôt ne se retrouvant que pour les refrains… La musique, au demeurant, en est, pardon si le mot revient, séduisante, mais, là encore, assez semblable à elle-même. Les voix, que ce soit la basse de Joel Frederiksen ou le ténor de Timothy Leigh Evans, sont dotées de beaux timbres, assez complémentaires, et l’un et l’autre chanteur articulent de manière idéale, préservant aussi bien la mélodie que le texte. Mais, las ! voilà le problème : le texte ! Tout était chanté en anglais, et une grande part du public, sans doute, n’était pas en mesure de comprendre les paroles — tel était le cas de l’auteur de ces lignes ; or, le livret programme ne venait pas nous aider, de telle sorte qu’au bout d’un moment, toute cette gentille musique, qui d’ailleurs serait davantage à sa place en extérieur ou dans un cadre plus convivial que dans l’espace sacré d’une église, finissait par lasser. Bien sûr, certains éléments de compréhension parvenaient au public — la grivoiserie de certaines chansons, habilement suggérée par l’interprétation de Timothy Leigh Evans, était sensible, mais pas aussi explicite que si nous avions eu le texte sous le nez. Il est dommage d’être ainsi freiné dans son appréciation d’un moment d’exception — car tel est ce qu’aurait pu être ce concert. Les pièces instrumentales et préludes apportaient d’ailleurs une respiration délicieuse entre les ballades — d’autant plus délicieuse que n’ayant point de paroles à comprendre, nous étions plus à l’aise ; la qualité exceptionnelle de l’ensemble instrumental, en particulier l’équilibre entre les instruments dont les violes de Domen Marincic étaient peut-être le plus bel ornement (les variations sur Go from my window de Dowland étaient particulièrement réussies), nous ont comblé.
Benjamin Alard - DR Ensemble Vocal Bergamasque, direction Marine Fribourg
Mercredi 22 août et Jeudi 23
août, 11h00, Eglise d’Arques-la-Bataille
Inversement, d’autres évènements ont pleinement leur place à l’église. C’est le cas du cycle Vater unser im Himmelreich, création de l’Académie Bach autour des chorals de Bach. Un organiste, et non des moindres puisque c’est Benjamin Alard, un ensemble vocal, nommé Bergamasque et dirigé avec élégance par Marine Fribourg, et un public sollicité pour accompagner le chœur dans certains choral : nous voici dans l’Allemagne luthérienne. Ces quatre programmes, donnés en matinée, forment un cycle cohérent et varié, alternant pièces d’orgues, principalement de Bach, mais aussi de Georg Böhm, inspirées de chorals, et chœurs — harmonisations de Bach ou élaborations de Johann Michael Bach à Arvo Pärt (dont le Magnificat, très équilibré, a été interprété avec brio par Bergamasque) — s’épanouissaient pleinement dans l’église d’Arques, dont le bel orgue était mis à une contribution brillante par Benjamin Alard, dans des tempos raisonnables, sans effets de manche, avec pondération et… hé bien, avec un sentiment presque religieux justement. Une belle réussite !
Maude Gratton - DR
Banchetto musicale
Mardi 21 août, 22h30 L’orgue était également mis à contribution par Maude Gratton qui a ouvert et clos son Banchetto musicale par deux grandes pièces : un Præludium de Buxtehude et la grande Passacaille et fugue en ut mineur de Bach. Entre fantaisie et raison, avec agilité et fermeté, elle a livré de ces deux pièces une interprétation parcourue d’un souffle merveilleux. Entre les deux, un programme de pièces pour consort, en l’occurrence brocken consort, de Schein, Scheidt, Biber, Rosenmüller et Weckmann. L’ensemble Contre-Éclisse — constitué, en plus du clavecin, de deux violons (Sophie Gent et Stéphanie Paulet) et un ténor de violoncelle (Claire Gratton), et de deux violes (Jérôme Hantaï et Julien Léonard) — a réussi son pari : équilibrer la famille des violes et celle des violons. Les sonorités sont diverses et en même temps proches ; chaque partie est audible et semble répondre à ces voisines. À chaque nouvelle formation (deux dessus et la basse seulement, ou bien avec une autre partie intermédiaire, ou deux), l’équilibre idéal est renouvelé — c’est-à-dire qu’il semble nouveau, et qu’en même temps, il est toujours là. L’ensemble est vivant, vivace, parfois même virevoltant, et si calme et rond à d’autres moments ! Voilà une belle manière de défendre ce répertoire riche et varié : montrer que ces pièces si pièces si proches dans le temps et dans l’espace ont quelque chose en commun, mais aussi beaucoup de personnalité, beaucoup de différence entre elles. Brillante idée que celle de mettre ensemble tous ces compositeurs plutôt que de proposer un programme centré uniquement sur un ou deux. Cette manière de faire, de jouer et de chanter semble dire : cette musique est certes savante — la science du contrepoint est mise en valeur par l’équilibre des parties —, mais aussi organique. Souhaitons donc une longue vie à l’ensemble Contre-Éclisse !
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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