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mise à jour 6 janvier 2014
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L'opéra à Paris : recherche salle désespérément
"Balet comique de la Royne", dansé dans la salle du Petit-Bourbon en octobre 1581 © Bibliothèque nationale de France
Chanteurs et orchestre, excellentes références, attaques précises, opulence naturelle, protecteurs puissants recherchent désespérément salle de capacité moyenne, avec stucs et dorures, de préférence plan italien, pour monter spectacles et plus si affinités. Contacter Lully JB, Rue des Petits-Champs, Paris 1er. "Il y a à cette heure une incommodité épouvantable à la Comédie" (Tallemant des Réaux, 1671) A voir la meringue oxydée du Palais Garnier, qui laisse déborder sa respectable bedaine au bout d'une tranchée haussmannienne, la plupart des touristes s'imaginent que cet emplacement fut l'immuable siège de l'opéra dans la capitale. Or, aussi surprenant que cela puisse paraître, jusqu’en 1669, aucune salle n’est spécifiquement consacrée à l’opéra à Paris ! C’est seulement à cette date que l'infortuné Pierre Perrin obtient de Louis XIV le privilège d’établir en France une Académie de Musique. Les opéras n’en sont pas moins joués, tels La Finta Pazza en 1645 dans la salle du Petit-Bourbon, l’Ercole Amante de Cavalli dans la salle des Machines dressée en 1660 par Le Vau et Vigarani aux Tuileries.
La Salle du Petit-Bourbon L'hôtel de Bourbon fut construit par Louis de Clermont vers 1310 et reconstruit au XIVème siècle entre le Louvre et l'église St-Germain-l'Auxerrois, on aperçoit ainsi ses pittoresques toitures sur le tableau de Zeeman ci-dessus, mais l'édifice avait perdu de son lustre à compter de la confiscation des biens du connétable en 1527 et commençait à tomber en ruine. Une rue fut percée à travers ses dépendances, et il ne restait à l'époque qui nous préoccupe que la Chapelle, et la Grande Salle voûtée qui servit tant à la réunion des Etats Généraux de 1614 qu'à la danse ou au théâtre. De vastes proportions, on y représenta en 1653 le Ballet de la Nuit de Lully, puis l'année suivante Les Noces de Pelée & Thétis, tous deux sur des décors de Torelli. Le Mercure François la décrit en 1614 comme suit :
Le Louvre et les Tuileries (Le Petit-Bourbon est visible en haut à droite, en dessous de Saint-Germain l'Auxerrois). (Détail du Plan de Mérian "LE PLAN DE LA VILLE, CITE, VNIVERSITE ET FAVX-BOVRGS DE PARIS AVEC LA DESCRIPTION DE SON ANTIQVITE ET SINGVLIARITES", daté 1615) - D.R.
La salle des Machines du Palais des Tuileries Cette dernière, inaugurée en
1662, devait à l'origine abriter les festivités du mariage de Louis XIV...
célébré en 1660 alors que l'architecte Vigarani n'était parvenu à Paris
qu'en juin 1659. Le plafond était de Coypel à partir de cartons de Le Brun,
la décoration fastueuse de marbre et or. La scène atteignait un profondeur
insondable de quelques 46 mètres pour une scène étroite de 10 mètres de
large, et on rapporte que l'acoustique y était des plus déplorables. Les
machines dont la salle tire son nom se logeaient dans une fosse de 5 mètres
de profondeur, la capacité d'accueil oscillant selon les témoignages entre 6
à 8000 personnes. Après l'Ercole Amante de Cavalli, on y joua le ballet
l'Impatience sur une musique de Lully (1662), ou encore Psyché de Molière et
Lully en 1671. La salle, réaménagée, abrita ensuite la Comédie-Française
puis brièvement le Concert Spirituel. Ces salles détruites ou fermées, ce sont les Galeries et les Jeux de Paume qui servent alors de salle d'opéra. C’est ainsi au Jeu de la Bouteille que Perrin en 1671 crée Pomone, premier opéra français, Jeu de Paume que convoite – et obtient !- Lully, qui en rachète le privilège. Après avoir évincé Perrin, ruiné, et après s’être fait octroyé à la suite de la mort de Molière la jouissance de la salle du Palais Royal par Louis XIV, Lully devient donc le maître de l’opéra hexagonal.
La Palais-Royal, Paris © Muse Baroque, 2010 La salle du Palais-Royal Lully s'installe donc au Palais Royal en mai 1673. La salle dans laquelle s'installa l'Académie royale était située près de la cour d'entrée. Construite en 1637 par Lemercier, elle avait été inaugurée par Mirame, tragédie du... cardinal-duc de Richelieu lui-même et était occupée par Molière depuis janvier 1661 (depuis la démolition du Petit-Bourbon). Elle pouvait accueillir environ 1200 spectateurs sur ses 27 gradins. Molière et Lully y reprirent Psyché en 1671, et des aménagements furent entrepris à l'occasion (loges, parterre, fosse d'orchestre, agrandissement de la scène). Lully, après avoir bouté son ancien complice fit procéder à l'élargissement de la fosse trop étroite car conçue pour les effectifs des comédies-ballets, et Vigarani recomposa la salle afin de la transformer en théâtre à l'italienne en amphithéâtre avec en sus 3 rangs de loges superposées sur les côtés de la scène. Plus de 2000 personnes pouvaient alors être applaudir les opéras de Lully, Rameau ou Campra ou prendre part aux bals masqués autorisés par le Régent pour… emplir les caisses du Royaume ! Comme ce fut souvent le cas, c’est le feu qui se déclara mystérieusement au matin du 6 avril 1763 qui met fin au destin de la salle, construite en bois à l’instar de toutes les salles de spectacle de l’époque.
La nouvelle salle de Machines des Tuileries C’est alors aux Tuileries que l’opéra (re)trouve refuge d'abord dans la salle des Suisse, le temps que Soufflot père du Panthéon, et Gabriel, père de l'opéra royal versaillais, conçoivent ensemble la nouvelle salle des Machines, où se crée l’usage des termes "cour" et "jardin", qui se répandront à travers toute l’Europe. En effet, à la gauche des comédiens, se situait la cour du Louvre, à leur droite, le jardin des Tuileries... L’ouverture se fait en 1764 par une reprise de Castor et Pollux, qui sera suivie par des opéras de Dauvergne, Francoeur ou Merton. Cette nouvelle salle a la particularité d'être une exacte réplique de celle du Palais-Royal.
La nouvelle salle du Palais-Royal Pendant ce temps, la nouvelle salle du Palais Royal est construite, aux frais de la ville de Paris. Inaugurée en 1770 avec une reprise du Zoroastre de Rameau, cette nouvelle salle, qui offre un champ de vision largement ouvert par sa forme ovale qu’aucune colonne ne vient rompre, et une excellente acoustique grâce à sa charpente de bois légère, va enfin pouvoir accueillir l’Académie royale de musique, fondée un siècle plus tôt ! Autre innovation : le foyer, qui sacrifie à un nouvel usage social, celui du "cercle", et offre aux spectateurs le plaisir du débat venant s’ajouter à celui de la musique. L’opéra voit la création d’Iphigénie en Aulide, d’Alceste, d’Armide, d’Atys, ou encore d’Echo & Narcisse, avant de prendre feu. Entièrement consumée, la salle s’écroule sur elle-même, et cette nouvelle catastrophe force encore l’Académie royale à déménager, pour s’installer un temps aux Menus-Plaisirs, puis Porte Saint-Martin, et enfin rue de Richelieu, dans le théâtre construit par Victor Louis pour la Montansier.
Hubert Robert, L'incendie de l'Opéra au Palais-Royal (1781) © Musée du Louvre Epilogue : on the road again Les créations s’enchaînent, un temps seulement perturbées par la Révolution et ses fresques patriotiques : Salieri, Gossec, Grétry, Philidor, Gluck y montent leurs œuvres ; mais le destin de l’Académie n’est décidément pas de tout repos, et en 1820, le duc de Berry est assassiné en plein représentation des Noces de Gamaches ! Le théâtre est rasé par ordonnance royale, et l’opéra s’installe salle Favart après en avoir chassé les Italiens, puis au théâtre Louvois, et enfin en un lieu qui devait être temporaire et perdura un demi-siècle : le théâtre de la rue Le Peletier. Ce dernier, construit en partie grâce à des éléments repris au théâtre de la rue de Richelieu, devient la scène sur laquelle va éclore l’école romantique : c’est ainsi qu’à la lumière de l’éclairage au gaz, Verdi et Gounod succèdent à Rossini et Donizetti. Pourtant, le théâtre, engoncé dans une rue étroite, ne semble pas à la hauteur de ce qu’attendent les Parisiens : un grand théâtre, dont la façade et les abords correspondraient par leur faste à la prestigieuse programmation qui s’y déroule. C’est un rebondissement inattendu – l’attentat d’Orsini contre Napoléon III dans cette même rue Le Peletier – qui est à l’origine de la décision de rechercher un nouvel emplacement. Un incendie en 1873, et l’opéra Garnier auquel on alloue des subsides conséquents voit enfin le jour…. Avec la Philharmonie de Paris conçue par Jean Nouvel actuellement en projet, c’est une nouvelle page qui se tourne dans l’histoire mouvementée des salles de concert à Paris, capitale qui décidément aura contraint ses musiciens à de véritables tribulations !
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