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mise à jour 6 janvier 2014
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Un précurseur de la tradition républicaine du concours d'entrée à la fonction publique d'Etat ? Le Concours de Sous-Maître de la Chapelle Royale de 1683
Chapelle du Château de Versailles, vue de nuit depuis le Salon d'Hercule (sans retouche) © Muse Baroque, 2010
Nous ne reviendrons pas ici sur l'organisation et les effectifs de la Chapelle Royale, qui a déjà fait l'objet de plusieurs articles sur les institutions musicales versaillaises et le "who is who", mais sur le déroulement du fameux concours de 1683 duquel la plupart des amateurs de musique baroque n'ont retenu que l'infortune du candidat Charpentier, malade, et qui ne put en franchir toutes les épreuves. Quelles furent donc les fourches caudines de ce mode de recrutement supervisé personnellement par le Grand Roi? Comment de telles modalités, éminemment démocratiques avant l'heure, aboutirent-elles à un résultat si inéquitable, et à la nomination d'un si médiocre compositeur que ce Nicolas Goupillet à qui Henry Desmarest servit de compositeur clandestin ?
Un précurseur de la tradition du concours d'entrée à la fonction publique d'Etat ?
En 1683, à peine un an après son installation définitive à Versailles le Roi décide de réformer sa Chapelle-Musique et procède au doublement des titulaires responsables de la musique à la Chapelle Royale, passant de deux Sous-Maîtres par semestre, à quatre "par quartier" (cf. liste des états de la Musique de la Chambre du Roi sous le règne de Louis XIV). Louis XIV, dont on connaît la sensibilité musicale, organisa un concours qu'il présida en personne et auquel le Mercure Galant donna une grande publicité, et dont les caractéristiques laissent apparaître une volonté d'équité et de méritocratie louables à nos yeux modernes.
En effet, le concours devait se dérouler en 2 épreuves. D'abord, 35 maîtres du Royaume se présentèrent pour faire jouer par les prestigieux musiciens de la cour un motet de leur composition. Certains vinrent de loin comme Lorenzo Lorenzani venu de Rome pour servir le Roi et son épouse, ou Daniel Danielis venu du Mecklembourg. A l'issue de ces "éliminatoires", les quinze heureux "finalistes" furent retenus pour une "mise en loge" où ils durent composer séparément chacun un motet, enfermés avec le matériel nécessaire : papier réglé, crayon et gomme, et ce afin d'éviter tout soupçon de fraude sur leur talent. De plus, en vue d'une meilleure comparabilité de ce "duel des chefs", ledit motet devait être composé sur les versets du Psaume 31 "Beati quorum remissae sunt".
Des quinze espoirs, seule quatre heureux gagnèrent une charge. Comme le dit abruptement Philippe Beaussant dans les Plaisirs de Versailles (Fayard, p. 102) : "C'est ainsi que furent nommés un nul (Goupillet), un assez bon (Minoret), un bon (Colasse) et un génie (Lalande)".
Ce choix s'explique par le jeu des alliances et des intrigues de cour, puisque le médiocre Goupillet était le protégé de l'abbé Pierre Robert, sous-maître depuis 20 ans, l'archevêque de Reims soutenait Minoret, Lully abritait Colasse. Lalande fut le choix personnel du Roi, selon Tannerot qui relate dans son Discours sur la Vie et les ouvrages de M. de La Lande : "Tous ses différents Protecteurs exaltaient beaucoup le mérite des trois nouveaux Maîtres, et voulant en proposer un quatrième, le Roi leur dit : "J'ai reçu, Messieurs, ceux que vous m'avez présentés ; il est juste que je choisisse un sujet de mon goût , et c'est La Lande que je prends".
Toutefois, la déception est moins grande qu'il n'y paraît, et Jean Duron a un jugement moins dur sur l'échec de ce concours égalitariste qui aboutit simplement à confirmer le jeu des recommandations et le goût - certes exquis - du Grand Roi. Pour ce dernier, il fallait bien que le concours produise au minimum "deux hommes d'expérience, venus des maîtrises des grandes cathédrales de France, rompus à la liturgie, capables d'éduquer les enfants (...), de les former, de les préparer pour les nombreux offices auxquels la musique était requise, de leur indiquer le plain-chant à exécuter, de préparer les matériels nécessaires, de les habiller, de les nourrir...". Avant de sélectionner des compositeurs de génie, il fallait aussi des organisateurs et des gestionnaires, et le résultat peut alors sembler injuste sur le plan purement musical, mais rationnel.
On suppose que tous les manuscrits ont probablement été brûlés le concours terminé, à l'exception de ceux des quatre gagnants. Seul le motet de Lalande a survécu (et a été enregistré avec inspiration par Olivier Schneebeli chez Virgin). Il se présente en 15 mouvements très fluides, avec de courts passages solistes et des mouvements à deux voix ou pour petit chœur, ainsi que 6 grands chœurs.
Un mot enfin de Charpentier, grand absent car malade et n'ayant pas pu aller jusqu'au bout des épreuves. Maître de Chapelle du Dauphin, le musicien s'est-il abstenu car ne bénéficiant pas d'appuis suffisants, tout comme un Desmarest ? Musicien de la famille de Guise, lié au Jésuites, collaborant avec Molière après la brouille de ce dernier avec le tout-puissant Lully, Charpentier n'aurait sans doute pas triomphé de toute manière...
Le successeur du concours de La Chapelle Royale ? © Muse Baroque, 2007
Epilogue : le scandale Desmarest
10 ans après le concours éclate un retentissant scandale. Le sous-maître Nicolas Goupillet faisait composer en sous-main par son sous-marin Henry Desmarest ses grands motets. Ce travail clandestin fut révélé au grand jour par le "nègre" qui n'aurait pas été rémunéré, et put aisément prouver la supercherie. Goupillet fut congédié, mais Lalande récupéra le quartier de Goupillet, au grand dam de Desmarest...
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