Rédigé par 8 h 51 min Littérature & Beaux-arts, Regards

Le Sapin de la Muse : notre sélection de livres pour Noël

Noël et la Saint-Sylvestre se profilant et avec eux nous l’espérons un délicieux cortège de retrouvailles familiales et amicales propices à l’échange de quelques présents, nous souhaitions poursuivre en cette occasion le remplissage du Sapin de la Muse et remettre en lumières quelques ouvrages parus ces dernières années et pouvant avantageusement agrémenter tant la hotte du Père Noël que quelques jours de congés pris à cette occasion. Retour donc, en quelques petites madeleines, sur quelques savoureux ouvrages à lire au coin du feu.

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Noël et la Saint-Sylvestre se profilant et avec eux nous l’espérons un délicieux cortège de retrouvailles familiales et amicales propices à l’échange de quelques présents, nous souhaitions poursuivre en cette occasion le remplissage du Sapin de la Muse et remettre en lumières quelques ouvrages parus ces dernières années et pouvant avantageusement agrémenter tant la hotte du Père Noël que quelques jours de congés pris à cette occasion. Retour donc, en quelques petites madeleines, sur quelques savoureux ouvrages à lire au coin du feu en écoutant notre sélection d’enregistrements.

J. C. Volkamer
The Book of Citrus Fruits, texte d’Iris Lauterbach, édition limitée à 5 000 exemplaires numérotés, 384 p., 125 €, éditions Taschen, 2020.

Orange mécanique. Etonnante maison d’édition que Taschen, dont le modèle économique alterne les parutions entre beaux livres d’art à prix réduits, tirage de luxe, grands classiques (Vermeer, Rembrandt, Michel-Ange), archives inédites (on pense au Napoléon de Kubrick), photographie branchée (The Butt book), livres de voyages, ou rééditions pointues de fac-similés (Chroniques d’outre-mer, l’Ornement polychrome). Il fallait donc oser exhumer, en édition limitée de grand format luxueuse l’ode aux agrumes célestes de Volkamer, marchand de Nuremberg et horticulteur amateur (1644–1720) qui commanda une série de gravures de 256 plaques sur cuivre grand format représentant des cédrats, des citrons et des oranges amères. Voilà donc une édition surprenante et poétique, car les deux volumes de l’ouvrage, intitulé Les Hespérides de Nuremberg, ou : La description détaillée de ces nobles fruits, citrons, limons et oranges amères ; comment ceux-ci peuvent être correctement plantés, soignés et répandus dans cette même région et dans la région avoisinante (1708)  met en scène des fruits énormes, comme en apesanteur, flottant comme des corps célestes au-dessus de villas, de jardins ou de paysages plus petits. On se demande ce que cette obsession agrumière cachait, mais on contemplera avec émerveillement des agrumes venus du monde entier : Volkamer, dévoré par sa passion compulsive, fit venir des plants d’Italie, mais aussi d’Afrique du Nord et même du Cap de Bonne-Espérance. 170 espèces en deux volumes, mis en couleur à la main (reproduits d’après deux volumes des archives municipales de Fürth, et 56 illustrations supplémentaires, jamais publiées qui auraient dû paraître dans un troisième volume. [S.H.] 

Dominique Fernandez,
L’Italie Buissonnière,
Grasset, 459 pages, janvier 2020.

“L’Italie est comme un artichaut qu’il faut manger feuille à feuille.” (Metternich) Connaissez-vous l’aigle ornant la façade de l’église de la Madonna della Grazia à Gravina di Puglia (1602) ? Où pouvez-vous admirer Le Martyre de Saint Ursule du Caravage (1610) ? Et le Noli me tangere de Giovanni Battista Caracciolo ? Si au moins l’une de ces questions vous laisse d’un marbre de Carrare, il est temps de vous plonger dans le très érudit L’Italie Buissonnière de Dominique Fernandez, paru au tout début de l’année 2020. Cité au détour d’un article sur son Porporino de 1974, nous renouvelons ici notre exhortation à lire cet ouvrage, composé de pas moins de soixante courts chapitres mettant chacun en lumières une œuvre oubliée, ou difficilement visible, de l’immense patrimoine artistique italien. Nous mentirions en affirmant que tous sont consacrés à des chefs d’œuvres de l’art baroque, et l’amateur éclairé de l’art antique trouvera à la lecture du livre aussi quelques motifs d’émerveillement. Dominique Fernandez nous offre avec cet exposé le fruit de soixante-dix ans de voyages, de vagabondages, d’explorations et de portes entrouvertes hors des musées consacrés et bien souvent au-delà des villes touristiques. Des pérégrinations savantes  où l’auteur prendra un plaisir aussi certain que juvénile à nous conter la création d’œuvres au sens parfois caché,  à la destinée souvent contrariée. Avec elles s’offre un paysage artistique italien aussi diversifié que secret, comme autant d’alcôves sur les multiples facettes artistiques et historiques de la péninsule. De quoi vous donner une furieuse envie de fureter le livre à la main, quelque part entre Palerme et Trieste !!! [P.H.]

Alexandre Maral, Sophie Mouquin, Matthieu Lett, Mathieu da Vinha, Vivien Richard,
Versailles disparu de Louis XIV,
coédition château de Versailles et éditions Honoré Clair, 208 pages, mars 2020.

Chez Apollon. C’est un riche ouvrage au titre trompeur et dont on trouvera une récession indépendante plus complète. Extrêmement riche, car prolongement d’un non moins excellent documentaire d’Arte Versailles. Le palais retrouvé du Roi Soleil (réalisation : Marc Jampolsky, Marie Thiry. Gédéon Programmes, 2019), l’ouvrage, grâce à un propos très argumenté, parfois technique, ne ménageant pas le fond des bâtiments du roi comme des archives nationales, agrémenté de superbes reconstitutions 3D dont certaines sont quasiment photographiques visuellement, se révèle bluffant : on redécouvre certains espaces détruits ou remaniés du Versailles de Louis XIV, notamment la féérique Grotte de Téthys (déconstruite lors de l’édification de l’Aile du Nord), la Petite Galerie décorée par Mignard, l’Appartement des Bains laissé à Mme de Montespan du temps de sa disgrâce, mais aussi la Chambre du Roi d’avant 1701 ou un exemple d’appartement de courtisans avec celui du Duc et de la Duchesse de Chevreuse, dans l’aile du Midi. Quant à la tromperie du titre, ceux qui rechercheraient une description plus exhaustives de certains états antérieurs du Versailles de Louis XIV, celui des volières de la cour de marbre, ou encore de la terrasse de Le Vau, du Labyrinthe ou de l’Escalier des Ambassadeurs, en seront déçus, car il s’agit non pas d’une étude ou d’un panorama synthétique, mais d’un focus sur 5 espaces particuliers, à la manière des articles qui paraissent dans la revue des Amis de Versailles Versalia. Il n’empêche que la qualité du rendu des reconstitutions digitales, les angles de vue, jeux de lumières et de texture, permettent une appréhension fine de chacun des espaces, et qu’il est absolument remarquables de voir le baroque foisonnant et très italien de la Grotte de Téthys, avec sa décoration de coquillages, de nacre, ses jets d’eau contrebalançant le groupe de Girardon et Regnaudin d’Apollon servi par les Muses, digne de rivaliser avec l’antique.  Pour amateurs éclairés, qui connaissent déjà bien leur Pierre Verlet. [S.H.]

Le Grand siècle Déshabillé, Anthologie érotique du XVIIème siècle.
Edition établie, annotée et présentée par Jean-Paul Goujon. Robert Laffont, Collection Bouquins, 1024 pages, 2017.

Déshabillé. Dans le vaste champ composé par la littérature érotique, licencieuse, libertine, pornographique et autres Curiosa des plus divers, nous connaissons surtout le XVIIIème siècle, riche en écrits les plus divers et contribuant d’ailleurs en partie à en mythifier la période. L’indispensable collections Bouquins, tout comme la Bibliothèque de la Pléiade, ont depuis déjà quelques années contribuées à remettre en lumière des œuvres autrefois distribuées sous le manteau. Le XVIIème garde lui une apparence plus austère, comme corsetée dans une société à la pruderie catholique héritée du Concile de Trente.

C’est une brèche dans cette idéologie que vient ouvrir cet intéressant recueil, anthologie des formes les plus diverses que purent prendre la littérature osée du Grand Siècle et dans lequel nous retrouvons quantité d’auteurs anonymes ou inconnus, mais aussi au détour des pages, quelques plumes célèbres aux errements coquins.

Chansons folâtres et autres facéties émaillent déjà le règne de Louis XIII, et derrière les fastes de cour émerge une littérature populaire toute en grivoiseries irrévérencieuses. La poésie sait se faire satyrique, le rire gras et la chanson obscène et quand poindra l’ère des mazarinades le burlesque saura se faire outrageant, comme avec ce Tempérament amphibologique des testicules de Mazarin. Avec sa médecine, faussement signé de Maistre Jan Chapoli, son médecin, mais dont le véritable auteur eu la sage précaution de ne pas se faire connaître. Au flot des écrits les plus divers se joignent quelques rapports épiscopaux sur de sombres mais bien réelles mainmises psychologiques de prêtres et abbés lubriques sur de jeunes et naïves sœurs et quelques premiers écrits scientifiques sur la sexualité, comme cette courte mais limpide étude intitulée Du Clitoris et datant de 1612.

Les premiers écrits ouvertement érotiques se font jours comme L’école des Filles, ou la philosophie des dames (1655, attribué à Michel Millot), ou Le Bordel des Muses, ou les Neuf pucelles putains de Claude Le Petit (1662), dont l’audace irrévérencieuse le conduira directement au bûcher.

Si tout n’est pas grande littérature dans ce recueil, la variété des genres force la curiosité et éclaire un paysage littéraire du dix-septième loin d’être pudibond. Et ceux qui hésiteraient encore se délecteront peut-être d’y trouver quelques pages signées Paul Scarron, Jean de La Fontaine, Roger de Bussy-Rabutin ou encore Pierre Corneille. [P.H.]

Frankenstein et autres romans gothiques,
édition établie par Alain Morvan avec la collaboration de Marc Porée, Bibliothèque de la Pleiade, vol. 599. 1410 pages. 2014. Contient : Horace Walpole Le Château d’Otrante (1764), William Beckford Vathek (1782), Matthew Gregory Lewis Le Moine (1796), Ann Radcliffe L’Italien (1797), Mary Shelley Frankenstein (1818).

« Ecrasé et presque enseveli sous un gigantesque heaume, cent fois plus grand qu’aucun casque jamais fait pour un être humain, et couvert d’une quantité proportionnée de plumes noires. » Qui n’a pas pris un jour plaisir à voir ou revoir un vieux film d’horreur de la Hammer avec Christopher Lee, Vincent Price ou Peter Cushing ? Le cinéma d’horreur anglais (et dans une certaine mesure italien) des années 1950 à 1970, souvent qualifié de Baroque doit beaucoup à la littérature gothique, elle-même trop souvent réduite aux frissons d’une littérature fantastique romantique qui commencerait avec Mary Shelley, se poursuivrait avec La Peau de Chagrin de Balzac avant de connaître ses derniers feux avec Le Portrait de Dorian Gray de Oscar Wilde dans les années 1890.

C’est oublier un peu vite ce que ce genre doit à la littérature de la seconde moitié du XVIIIème siècle et à nombre d’œuvres de nos jours tombées dans un oubli relatif, ou bien connues uniquement de nom, sans avoir été lues. Retracer la genèse d’un genre et le replacer dans la continuité du dix-huitième siècle est ce que propose ce volume de la Pléiade, qui se conclut par le Frankenstein de Mary Shelley (1818) mais débute soixante ans auparavant, avec la parution du Château d’Otrante de Horace Walpole. Où l’on constatera que le déchainement de cruauté morale, physique, le flot d’hémoglobine et de violence n’est jamais gratuit mais confronte l’homme à ses instincts les plus primaires, à ses peurs, à ce qui reste en lui d’irrationalité. La science, loin d’être toute triomphante, ne guérit pas le mortel de ses angoisses, quand elle n’est pas l’instrument de sa souffrance. En cela, le succès rencontré par cette littérature gothique dans la seconde moitié du dix-huitième est à mettre en parallèle avec un siècle des Lumières érigeant la Raison et la Science en vertus cardinales. Comme un miroir de notre âme et de ses zones d’ombres. Si le style de certaines œuvres peut apparaître objectivement daté, un peu lourd et aux développements inutilement compliqués, ce volume se lira comme un véritable trait d’union littéraire entre le dix-huitième et le dix-neuvième siècle et ravira le lecteur soucieux de saisir toutes les nuances existantes entre le Grand-Guignol baroque et l’horrifique romantique. [P.H.]

Jean Pierre Babelon & Mic Chamblas-Ploton, Jean-Baptiste Leroux (Photographies),
Jardins à la française,
Imprimerie Nationale, 300 pages, 1999.

A la ligne. Pour boucler la boucle et finir sur une note verte et artistique, nous profitons de ce billet pour vous signaler les promotions spéciales de l’Imprimerie Nationale sur certains de leurs titres de grand format. Aux côtés de monographies de référence sur Ucello, Mantegna ou Véronese, on signalera cet opus magnifiquement illustré et qui parcourt les jardins à la française d’Europe, bien au-delà des seules créations de Le Nôtre avec Caserte, La Granja, Peterhof, Schönbrunn,…. Le propos est très documenté tout en étant facilement lisible, Jean-Pierre Babelon alternant plans, considérations historiques et descriptions. Il a le courage de poursuivre l’analyse au-delà du siècle d’or du jardin à la française jusqu’à l’époque contemporaine et balaie les idées reçues de la nature domestiquée par l’homme, comme la noblesse le fut à Versailles. Plus que la froide domination géométrique et cartésienne de l’homme, ce livre démontre avec brio que la jardin à la française est avant tout le lieu du merveilleux et de l’enchantement baroques, des bosquets et des perspectives, des effets d’optique et des promenades changeantes, des jeux et miroirsd’eau, expression très théâtrale d’une « mise en scène de l’Illusion ». [VLN]

 

Très bonnes fêtes de fin d’année à tous,

Étiquettes : , , Dernière modification: 1 janvier 2021
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