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Une rare basse de violon de la Musique du Roi aux enchères !

Basse de violon par Jacques BOQUAY (vers 1700-1710) © Aguttes

Le 6 décembre dernier devait passer chez Aguttes (lot 180) une superbe basse de violon en érable du début du XVIIIème siècle, utilisée vraisemblablement par la Musique du Roi. Accordée un ton plus bas que le violoncelle, supplantée petit à petit par ce dernier plus maniable, cet instrument serait l’unique survivant parmi ses congénères des institutions musicales versaillaises, à savoir La Grande Bande, la Petite Bande ou la Chapelle Royale (puisque la Grande Ecurie regroupait bois et vents). Hélas, cette basse de violon fut altérée en violoncelle et n’a donc pas conservé ses dimensions originelles (l’on voit bien que la table et le fond ont été recoupés dans la largeur, les ouïes modifiées, la rosace comblée, les manche, touche et tête rapportés). Qu’on se rassure, divers indices permettront de les déduire à partir de la courbure des pièces ou du décor. Celui-ci comprend notamment les grandes armes de France – hélas (recoupées – sur le fond de l’instrument, et l’inscription “Sit nomen Domini benedictum” sur l’éclisse. Des fleurs de lys sont peintes dans les coins de la table d’harmonie.

Basse de violon par Jacques Boquay (vers 1700-1710) © Aguttes

Elle aurait été réalisée par Jacques Boquay vers 1700-1710 comme l’attestent une étiquette manuscrite plus tardive figurant à l’intérieur : «d’Harcourt / table de Boquay / le dedans est pendu au magasin» et un numéro d’inventaire (n°270), le vernis rouge similaire à d’autres instruments du même luthier et des détails de facture. Le musicologue Norbert Dufourcq demeurait plus prudent sur l’attribution notant une “caisse de violoncelle du début du XVIIIe siècle, vraisemblablement réalisée par Boquay”. Ce maître luthier renommé, né à Lyon dans les années 1680, exerça à Paris de 1700 à 1730 à Paris où il décéda le 19 mai. On lui connaît plusieurs violons d’après le modèle Amati ou Guarneri : le Musée de la Musique en possède d’ailleurs deux, datés respectivement de 1718 et 1727, et un violoncelle de 1714 dont il aurait réalisé la tête. Selon l’expert de la maison de ventes, l’instrument aurait été fait « probablement pour Prosper Charlot (1640-1710), Jean-Baptiste la Fontaine (1667-1729) ou Joseph Marchand (mort en 1737), tous trois basses de violons de la Musique du Roi » mais rien ne permet de s’en assurer mis  à part la concordance des dates. 

asse de violon par Jacques BOQUAY (vers 1700-1710) © Aguttes

Estimée entre 500.000 et 600.000 euros, cet instrument convoité, qui permettra de mieux étudier la facture des instruments de la Musique du Roi à Versailles, a finalement été retiré de la vente. Il sera reproposé plus tard, afin de faire monter les enchères. Claude Aguttes, commissaire-priseur de la vente confie que “cet objet-là sort vraiment de l’ordinaire. Il s’avère compliqué ; il n’y a pas vraiment d’exemple, et donc aucune cote. L’exercice est plus délicat : il faut vraiment défendre cet instrument de musique unique, et je ne peux pas le vendre à n’importe quel prix”. L’estimation de 500 000 à 600 000 euros constituait déjà une rondelette somme, et il faut espérer qu’une institution française, tels le CMBV ou la Cité de la Musique, pourra s’en porter acquéreur, afin que de belles copies de l’état d’origine de l’instrument soient réalisées, et que les mélomanes profitent du si particulier “son à la française” des cordes de Lully à Campra. L’on s’étonnera qu’un si rare spécimen ne soit pas classé Trésor national, ce qui entraînerait temporairement une impossibilité de sortie du territoire national. [M.B.]

 

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Étiquettes : , , Dernière modification: 9 décembre 2021
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