Rédigé par 13 h 35 min CDs & DVDs, Critiques • Un commentaire

Décoratif…

Pour le passionné de musique baroque, ce DVD est la conjonction de deux promesses : le livret de l’Olimpiade de Pietro Metastasio, l’un de ces serpents de mer que la plupart des compositeurs ont mis en musique, et un lieu mythique, tel le Teatro Malibran de Venise, anciennement Teatro San Giovanni Grisostomo, la salle la plus célèbre de la Lagune et d’Europe quand le baroque régnait sur les esprits.

Baldassare GALUPPI (1706-1785)

L’Olimpiade (Venise, 1747)

 

Marck Tucker – Clistene
Ruth Rosique – Aristea
Roberta Invernizzi – Argene
Romina Basso – Megacle
Franziska Gottwald – Licida
Furio Zanasi – Alcandro
Filippo Adami – Aminta

Orchestre Baroque de Venise
dir. Andrea Marcon
Mise en scène : Dominique Poulange
Décors et costumes : Francesco Zito [clear]

Enregistré en Octobre 2006 au Teatro Malibran de Venise.

210′, 2 DVDs Dynamic, 2009.

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Pour le passionné de musique baroque, ce DVD est la conjonction de deux promesses : le livret de l’Olimpiade de Pietro Metastasio, l’un de ces serpents de mer que la plupart des compositeurs ont mis en musique, et un lieu mythique, tel le Teatro Malibran de Venise, anciennement Teatro San Giovanni Grisostomo, la salle la plus célèbre de la Lagune et d’Europe quand le baroque régnait sur les esprits. Ce théâtre, qui vit les plus beaux succès de Porpora, Vinci, Hasse et autres Albinoni, Porta et même le jeune Händel dans sa caustique Agrippina de 1709, produit sur sa scène la version de Baldassare Galuppi de l’Olimpiade en 2006 pour célébrer les 300 ans de la naissance du “Buranello”, éclipsée par “L’Année Mozart”. L’événement poussa Andrea Marcon à recréer cet opera seria avec son fastueux orchestre et une distribution qui ne laissait rien à désirer. Deux ans après, en pleine année olympique, l’enregistrement DVD paraît chez le label Dynamic. Après avoir vu cette captation sommes-nous vraiment satisfaits de la redécouverte ?

Hélas non et la mise en scène de Dominique Poulange y est pour beaucoup. Décorative et inintéressante, elle ne s’investit pas dans le drame. Les décors se voulant délicats et raffinés tombent dans le carton pâte, le mièvre et le vieillot. L’intrigue, déjà lourde et complexe, en devient alors assommante et pompeuse. Autrement, les costumes de Francesco Zito sont un mélange bizarre d’un XVIIIème siècle cinématographique, des années 1920 (Roberta Invernizzi et sa perruque “à la garçonne”) et de la haute couture des années 2000. Les grands risques et paris des enregistrements DVD des opere serie se heurte à l’équilibre fragile entre la fosse et la scène. La mise en scène des œuvres baroques doit à tout prix éviter le chou à la crème, le pastel et la guimauve. Pourquoi alimenter sans cesse le public des pâtisseries scéniques quand on veut montrer le XVIIIème siècle? Tant Francesco Zito que Dominique Poulange pêchent par avant-gardisme trendy, par leur intention de “moderniser” l’Olimpiade tout en conservant ça et là la distance temporelle des décors et costumes échoue. La mise en scène ne parvient ainsi pas à se hisser au niveau d’une lecture originale mais reste figée dans ses préjugés et ses costumes qui s’étalent tels des déguisements. Quitte à choquer ou remanier l’œuvre, on aurait presque préféré une mise en scène iconoclaste, alla Laurent Pelly, sise à Beijing durant les Jeux Olympiques.

Heureusement, le talent des chanteurs n’a pas démérité. Comme dans toute compétition olympique le classement s’avère presque égal dans l’excellence. Le haut du podium est tenu ex-æquo par Ruth Rosique, émouvante en Aristea, formidable dans l’air furieux “Tu non da me dividi” où elle montre des prouesses techniques dans la pyrotechnie et la force théâtrale. Elle forme un duo extrêmement touchant avec Romina Basso dans “Nel giorni tuoi felici” de la fin de l’Acte I. C’est Romina Basso, qui nous étonne chaque fois qu’elle incarne un rôle, avec sa voix charnue et puissante elle incarne un Megacle passionné, enthousiaste et sentimental notamment dans les airs “Superbo di me stesso” (Acte I) et “Si cerca, si dice” (Acte II). Roberta Invernizzi, programmée dans le rôle mineur d’Argene s’y révèle excellente dans son interprétation, claire, subtile et passionnée en amante éconduite. Nous célébrons aussi la présence de Furio Zanasi et de Marc Tucker, dans les rôles de Alcandro et de Clistene, qui incarnent leur rôle avec honnêteté.

Cependant, deux solistes nous ont fortement déçus. On irait presque jusqu’à décrire la Licida de Franciska Gottwald comme bâclée devant un jeu totalement exagéré ou parfois inexistant (“Gemo in un  punto e fremo”), une voix assez correcte dans l’ensemble, d’une platitude terne d’où aucune émotion ne jaillit. On se demande pourquoi Roberta Invernizzi ne s’est pas vue attribué ce rôle. Par ailleurs, Filippo Adami (Aminta), fort d’avoir passablement commis sa prestation dans l’enregistrement du Fernando de Händel avec Alan Curtis (Virgin), n’est guère plus brillant dans l’un des rares rôles de ténor baroque bénéficiant d’airs intéressants. Ses ornements et vocalises véristes, au mieux rossiniennes, détruisent le délicat équilibre de la musique de Galuppi et sont stylistiquement complètement déplacés.

Last but not least, la couronne de lauriers revient à Andrea Marcon au maximum de sa forme. Il nous rend avec son Orchestre Baroque de Venise les 3 heures de cet opéra tout à fait émouvantes, légères, puissantes et colorées. Il comprend à la perfection le génie galuppien. Le continuo est vif, les cordes savent accompagner avec élégance les voix et les vents savent à la fois reproduire la caresse des amants dans le duo “Nel giorni tuoi felici” ou la fureur de la haine dans l’air “Tu non da me dividi”.

En définitive, et malgré plusieurs réserves, cette pointe passionnante de l’iceberg galuppien devrait inviter les producteurs et les chefs à célébrer le joyeux Buranello sur les scènes de nos théâtres.

 

 © Dynamic

Pedro-Octavio Diaz 

Technique : bon enregistrement, captation agréable et équilibrée

Étiquettes : , , , , , , , , , Dernière modification: 11 juillet 2014
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