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CBMV inédit : Monsieur de Sainte-Colombe était une femme !

Portrait présumé de Jeanne de Sainte Colombe – Musée de Varsovie (détruit en 1945) – Source : Wikimedia Commons

De source très informée, et avant la publication scientifique correspondante dans le prochain numéro de la Revue Nature, nous partageons avec nos lecteurs un véritable « scoop ». L’on sait désormais, depuis des années, et suite à l’engouement du magnifique film Tous les Matins du Monde, que Monsieur de Sainte-Colombe n’était pas un janséniste bougon reclus. Toutefois de fausses pistes en Cluedo fantaisiste, les musicologues ont parcouru bien des chemins de traverse. L’hypothèse lyonnaise d’Augustin Dautrecourt [ou plutôt Dandricourt] dévoilée avec sensationnalisme dans la presse, a fait long feu, comme Jonathan Dunford le réfuta admirablement. En plus de ses filles, on lui a découvert depuis un fils, étrangement omis par Titon du Tillet : Jean de Sainte-Colombe le Fils, également compositeur mais aux pièces moins inspirées, malgré tout le talent de Jordi Savall (Alia Vox).

« … avant Marin Marais, Sainte Colombe faisait quelque bruit pour la viole ; il donnait même des concerts chez lui, où deux de ses filles jouaient, l’une du dessus de viole, & l’autre de la basse, & formaient avec leur père un concert à trois violes, qu’on entendait avec plaisir, quoiqu’il ne fut composé que de symphonies ordinaires & et d’une harmonie peu fournie d’accords. » (Evrard Titon du Tillet. Le Parnasse François, éd. de 1732)

Cela conduisit certains à en déduire que le père s’appelait Jean également. Supposition osée ! Comme si George Bush le fils conduisait à ce que George Bush le père s’appelât George, alors qu’il est su et connu qu’il s’appelle en réalité Paddy, comme sa fiche Wikipedia le démontre avec sagacité !

Heureusement, une fortuite découverte dans l’un des 2910 cartons dédiés à la Maison du Roi aux Archives nationales due au conservateur et ami Pierre Julié – qui cherchait une paire de ciseaux pour découper une retombe qui l’empêchait de photographier un décor de dauphins de Bérain – lève le voile : dans les fardes O1 26 (Lettres du ministre aux autres secrétaires d’État, aux cours, aux intendants, au haut clergé, au lieutenant général de police, au prévôt des marchands de Paris, etc) où il n’avait rien à y faire, un gribouillis dormait depuis des siècles. Et si les précédentes recherches n’ont pas abouti, c’est parce que M. de Sainte-Colombe était une femme ! De son nom Jeanne de Sainte-Colombe. Un billet non daté prouve irréfutablement que le sieur était une dame. Nous reproduisons ci-dessous la fac-similé de ce billet de petite taille, plié originellement en trois :

Billet non daté, non authentifié, traînant dans un carton où il n’avait rien à faire © Muse Baroque, 2024

Transcription : « Monsieur, 

Je commence à m’ennuyer de vous entendre plaindre si souvent. Pour m’accommoder à la différente portée des personnes qui jouent de la Viole, j’ay jusques icy donné mes pièces plus ou moins chargées d’accords. Je commence à m’ennuyer de vous entendre plaindre si souvent. Un cœur dolent comme le vôtre divertit fort mal un cœur gai comme le mien. [signé :] Jeanne »

Le texte en est indubitablement familier, puisque la 2ème phrase se retrouve quasi mot pour mot dans la préface publiée des pièces du IVème Livre de pièces de violes de… Marin Marais, dont on sait qu’il fut l’élève et le plagiaire (cf. l’épisode de la cabane de mûrier, toujours rapporté dans Le Parnasse françois). Le « mes pièces » ne laisse aucun doute quant au fait que l’épistolière est une compositrice. « La répétition de la première phrase, comme un rondo, laisse d’ailleurs transparaître l’art du musicien. » déclare Thomas Donald Leduck du CBMV. La graphie a été formellement expertisée par le Pr. Alphonse Bertillon lui-même, criminologue-graphologue reconnu qui déposa notamment lors du premier procès du Capitaine Dreyfus, qui la compara aux seuls exemplaires connus de l’écriture de Sainte-Colombe : des mots-croisés du Mercure François. Il conclut « à une concordance divergente de manière à étayer une ambiguïté stratégique constructive ».

Sur cette lancée, les musicologues sont allés plus loin. Avec l’aide du CRNS et d’un modèle probabiliste par fragmentation contrefactuelle fondé sur une méthodologie robuste et scientifique originellement développée pour l’Office National du Furet dit « NeCPa », résumé sur les schémas limpides ci-dessous, avec l’aide additionnelle de Johann Gérard Ogé-Blanchi, facteur d’instrument quelquefois sobre mais brillant sis à Hunavihr, ils ont passé au crible d’autres présupposés fondamentaux de la vie de la compositrice et conclu que l’anecdote selon laquelle Jeanne de Sainte Colombe avait fait ajouter une 7ème corde à la viole n’était qu’un euphémisme :

« C’est aussi à Monsieur de Sainte Colombe que nous sommes obligés de la septième corde qu’il a ajoutée à la viole, & dont il a par ce moyen augmenté l’étendue d’une quarte. C’est lui enfin qui a mis les cordes d’argent en usage en France, & qui travaille continuellement à rechercher tout ce qui est capable d’ajouter une plus grande perfection à cet instrument, s’il est possible. » (Rousseau, Traité de la Viole, 1686)

© Revue Nature

Les calculs le prouvent sans peur et sans reproche, de même que la difficulté à jouer les nombreuses pièces à deux viole esgales à une seule viole, selon la pratique du temps : Jeanne de Sainte Colombe, et son double imaginaire masculin lui permettant de mieux se faire accepter socialement (« cachant hypothétiquement son identité sous une grosse perruque, en une stratégie d’évitement » selon Marguerite Tachère, maîtresse de conférence en gender studies à l’Université Sylvie Vartan de Jersey, professeur émérite de kung-fu à la Sapienzaza de Bangkok) avait ajouté une 8ème corde à la 7ème, et une 7ème à le 6ème. « Une 9ème a sans doute été envisagée et mise sur la touche par le processus de domination patriarcale de l’environnement socio-élitiste de la France d’alors, c’est toujours d’actualité ce genre de pression » renchérit Mme Tachère. Le débat est toutefois encore vif sur ce dernier point encore soumis à controverse. Le chef et musicien Sigiswald Quoique demeure dubitatif après avoir expérimenté le montage en concert : « si Sainte Colombe jouait de la viola da gamba da spalla sur l’épaule comme je le fait, l’ajout d’une 8ème corde alourdirait trop l’ensemble, et elle serait déséquilibrée ! et entre les jambes, c’est d’un surfait ! De plus, entre nous, autant préférer le saxo. ». Attendons la parution du Centre Burlesque de Musique Vivante (CBMV) pour définitivement conclure sur cette épineuse question et réétiqueter tous les disques depuis 1976.

 

 

Viet-Linh Nguyen, 1er avril 2024.

Étiquettes : , , , Dernière modification: 2 avril 2024
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