Rédigé par 17 h 46 min CDs & DVDs, Critiques

Sérénissime (Vivaldi, la Silvia, Invernizzi, Elwes, Orchestre Baroque de Nice, Bezzina – Ligia)

Antonio VIVALDI (1678-1741)
La Silvia,
Dramma pastorale (RV 734) en 3 actes sur un livret anonyme d’après l’œuvre éponyme d’Enrico Bissari, représentée au Regio Ducale de Milan, le 26 août 1721, pour célébrer le trentième anniversaire de l’impératrice Elisabeth-Christine de Brunswick-Wolfenbüttel, épouse Charles VI d’Autriche
1 CD digipack avec livret, reed. 2015 de l’enregistrement paru en 2000, 72’48.

C’est un petit billet en passant. Pour dire la joie de retrouver parfois de vieille galettes dans sa discothèque, et des approches interprétatives datées. Cette Silvia est assurément un exemple charmant de ces enregistrements qu’on se plaît à écouter, sans trop savoir pourquoi. Intérêt de l’œuvre ? Une pastorale gentillette à la partition fragmentaire, et au travail de restitution qui vire au pasticcio… L’Orchestre Baroque de Nice ? Sa douceur amollie, sa sensualité, son flegme, ses doubles croches qui traînent des savates, les tempi très british, mais de la couleur et plus, du rythme dansant, des tournures carrées mais sans nervosité. Gilbert Bezzina prend ses aises, et son temps, comme si la brièveté des ritournelles et introductions orchestrales l’obligeait à en savourer chaque zeste. Et puis il y a le plateau vocal, spontané, guilleret, d’un optimisme de cérémonie de remise de diplômes, on se retrouvent entre amis, pour un concert qui tient de l’entre-soi, avec un brin de narcissisme satisfait “c’est bien joli, hein ?” mais sans prétention. Les vocalises se laissent entendre, l’orchestre émet des micro-respirations constantes, comme pris de court lorsqu’il doit reprendre le devant, comme si les musiciens rêvassaient en écoutant les gracieux solistes. Roberta Invernizzi déclame avec une agilité rieuse. Le magnifique John Elwes, un peu nasal et hululant, se révèle en belle forme et d’une musicalité gracile (“Men penoso a le pupille”). Hélas chez Bezzina, les da capos sont discrètement ornés, et qu’on ne trouvera pas ici de déferlements pyrotechniques. Gloria Banditelli fait toutefois valoir un chant nuancé et impliqué, très intense, Philippe Cantor s’avère assez raide et droit, engoncé dans de l’amidon impérial.

L’on se cale confortablement dans son canapé devant tant de panache et d’allant, car de manière paradoxale, cet hédonisme un peu pédestre dégage également une grande classe, peut-être du fait de la manière de rythmer très distinctement les temps forts. Autour de l’Orchestre Baroque de Nice qui déploie ses flûtes texturés et champêtres et son continuo solidement arrimé, les cordes gagneraient en soyeux et en cohésion, la battue en liant.  Le tout cherche le drame et se perd dans de riants bosquets. Mais c’est une bien joyeuse bande, dont la somme fait plus que les parties, et qu’on écoute sans déplaisir, et même avec une certaine affection malaisément explicable et de subtiles et surprenantes micro-accélérations introduisent ça et là du relief, mais le soufflé retombe souvent prématurément. La réédition omet de manière regrettable le livret et sa traduction. Qu’importe, l’on se rend compte qu’une heure est passée en compagnie de ce dramma sans drame, l’Impératrice peut souffler ses trente bougies. C’est ça le charme.

 

Viet-Linh Nguyen

PS : avec la même esthétique et toujours John Elwes, on conseillera par le même chef et orchestre la Climène d’Albinoni (Accord).

Technique : enregistrement précis mais manquant de relief et de chaleur.

Étiquettes : , , Dernière modification: 4 décembre 2023
Fermer