
Denis Raisin-Dadre – site officiel de Doulce Mémoire
Depuis ce tragique 29 septembre, on a beaucoup écrit sur le décès de Denis Raisin-Dadre. Beaucoup trop. Retenons de ce musicologue, pédagogue et musicien hors-pair la marque de fabrique inimitable de Doulce Mémoire : sa capacité de nous transporter dans les carnavals, les ruelles napolitaines ou les cours raffinées de la Renaissance de France ou d’Italie, voire vers la Sublime Porte. Il y avait chez Doulce Mémoire le souffle poétique de l’Histoire, une histoire terrienne, moirée, rieuse sans les coquetteries jazzy à la mode, une préhension gargantuesque, parfois sensuelle (Les “Chansonnettes frisquettes, joliettes & godinettes” :-), parfois majestueuse, toujours colorée, superbement naturelle et enthousiaste. Il y avait du Savall d’Hesperion XX dans Denis Raisin-Dadre, il y avait l’émerveillement du jeune homme, les yeux ouverts sur un monde à croquer. Est-ce là l’influence de Gabriel Garrido, plutôt que celle d’une douceur tourangelle qu’il savait aussi insuffler avec une suspension gracieuse ? Le dernier disque de l’ensemble était dédié à Ronsard ; nous lui laisserons le dernier mot :
“Je n’ai plus que les os, un squelette je semble,
Décharné, dénervé, démusclé, dépulpé,
Que le trait de la mort sans pardon a frappé ;
Je n’ose voir mes bras que de peur je ne tremble.
Apollon et son fils, deux grands maîtres ensemble,
Ne me sauraient guérir, leur métier m’a trompé.
Adieu, plaisant Soleil, mon œil est étoupé,
Mon corps s’en va descendre où tout se désassemble.
Quel ami me voyant en ce point dépouillé
Ne remporte au logis un œil triste et mouillé,
Me consolant au lit et me baisant la face,
En essuyant mes yeux par la mort endormis ?
Adieu, chers compagnons, adieu, mes chers amis !
Je m’en vais le premier vous préparer la place.”
Viet-Linh NGUYEN
Étiquettes : Doulce Mémoire, nécrologie, Raisin-Dadre Denis, Renaissance Dernière modification: 7 octobre 2025