Vide et apesanteur (Rival Queens, Kermès, Genaux, Cappella Ganetta – Sony)
J’embrasse mon rival, mais c’est pour l’étouffer (Racine, Brittanicus). Le canevas dramatique autour de la rivalité – allant jusqu’à en venir aux mains – entres les légendaires Faustina Borodini et Francesca Cuzzoni aurait dû déboucher sur un triomphe. Ce disque est un coup de semonce. Celui d’un rendez-vous partiellement manqué, d’une étreinte trop brève : non un récital d’opera seria n’est pas qu’une succession de coups de glotte et de da capos surdécorés.
« Ce qui me touche » (Couperin, Apothéoses, Gli Incogniti, Beyer – HM)
La violoniste Amandine Beyer et son groupe Gli incogniti fondé en 2006 et tirant son nom de L’Accademia degli Incogniti, société musicale active à Venise en 1630, ont déjà acquis une solide réputation dans l’univers de la musique baroque. Ce disque, couronné par plusieurs revues, se caractérise par une musique de très grande qualité avec un souci des détails et un respect des rythmes qui rendent l’écoute profondément agréable.
Époustouflant violon (Corelli et al., Sonates pour violons, Pramsohler – Audax Records)
Pramsohler, pour interpréter ces œuvres, s’appuie sur une solide technique violonistique, un doigté précis, des coups d’archet nets et francs, une quête incessante des effets. L’écoute de ce CD apporte une richesse stylistique et une mine d’informations, notamment celle de la diversité des mouvements permettant ainsi une identification aisée de ceux-ci.
Der Geist königlich im Glanze sein (Bach, Köthener Trauermusik, Ensemble Pygmalion – Harmonia Mundi)
Dès les premières notes du chœur d’ouverture, empruntées à la Reine de Pologne qui n’y pouvait plus trop voir d’inconvénients, la musique de Bach nous happe, nous caresse, les instrumentistes de l’Ensemble Pygmalion nous saisissent : et peu importe après tout!
Six concerts en joyeuse compagnie (Rameau, Concerts en sextuor, Les Dominos – Ricercar)
L’année 2014 marque le 250ème anniversaire de la mort de Jean-Philippe Rameau. Pour cette occasion, six concerts du musicien sont interprétés par Florence Malgoire et son ensemble Les Dominos. Ces six concerts sont un arrangement anonyme de cinq concerts constitués des Pièces de clavecin en concert et d’un sixième concert issu de la Suite en sol majeur des Nouvelles suites de Pièces de Clavecin.
Plaisirs galants (Rameau, Cantates et pièces de clavecin en concert, Amarillis – Naïve)
Honneur aux dames : l’ensemble Amarillis a fait choix de réserver ses instruments baroques à des interprètes féminines. Des esprits chagrins contemporains y verront peut-être une discrimination… Musicalement le résultat ne soufffre aucune contestation, tant les sonorités des instruments (en particulier le clavecin) sont moëlleuses, et la ligne mélodique fluide.
Au plaisir des amateurs… (I Dilettanti, Sabata, Latinitas Nostra – Aparté)
Nous avions apprécié le timbre et l’expressivité de Xavier Sabata dans le récital Bad Guys, donnant vie et relief aux anti-héros, aux méchants des opéras, avec une grande sensibilité humaine. Dans un entretien recueilli en début d’année, le contre-ténor nous avait confié la sortie prochaine d’un enregistrement d’airs écrits par des amateurs, des hommes qui aimaient la musique sans en faire nécessairement leur profession. L’album I Dilettanti nous livre une série de cantates ou d’airs de concert, dont certains pourraient sans peine s’insérer dans un opéra.
Plaisirs, doux vainqueurs… (Rameau, Hippolyte & Aricie, Christie, Kent – Glyndebourne, Opus Arte)
La production 2013 de Glyndebourne emprunte avec bonheur quelques-uns des interprètes de la remarquable production de Garnier en 2012, dirigée par Emmanuelle Haïm. On y retrouve en particulier le couple royal composé de Sarah Connolly et Stéphane Degout, ainsi que François Lis (qui ajoute le rôle de Neptune à ceux de Pluton et Jupiter).
Pont aérien et conquête spatiale (Gabrieli, Les Sacqueboutiers – Flora)
Nous ne saurions décider de la part du génie de Gabrieli ou de la force pédagogique du travail de la troupe de Jean-Pierre Canihac et de Philippe Canguilhem, mais l’auditeur se trouve entrainé de force dans un jeu d’écoute aussi facile que divertissant.
“C’est l’âme qui doit jouer.” (C.P.E. Bach, Trios Sonatas, Les Ambassadeurs, Kossenko – Alpha)
L’année 2014 aurait pu être consacrée à Carl Philipp Emmanuel Bach qui, dans l’ignorance quasi-générale, a soufflé sa trois-centième bougie. Le label Alpha lui rend cependant un bel hommage en publiant plusieurs de ses Sonates en trio pour violon, flûte et clavecin, accompagnées de concertos pour flûte enregistrés antérieurement.
Harke, harke! Lyra Violls Humors and Delights (Captain Tobias Hume, Les Basses Réunies – Alpha)
On ne sait rien, certes, de Tobias Hume, ou presque, prétendre donc le cerner est vain. Mais la série d’indices qu’il nous glisse dans sa prose tant verbale que musicale, son orthographe intéressante (même pour l’époque), sa bravacherie, sa mélancolie, son humour, sa sauvagerie, son élan, son invention ainsi sa palette d’humeurs changeantes, nous en dit beaucoup plus que tous les biographies que l’on pourrait lui inventer.
Un nouvel horizon ? (Vivaldi, Pieta, Jaroussky, Ensemble Artaserse – Erato)
La voix de contre-ténor suscite bien des questions. Elle peut émouvoir et troubler mais elle peut aussi heurter et surprendre. Voix fascinante par excellence, elle entretient ou fait entretenir dans l’esprit humain le mystère et surtout les fantasmes…
Un chef-d’œuvre en devenir (Hasse, Siroe, Re di Persia, Armonia Atenea, Petrou – Decca)
Après le succès de la tournée Rokoko aboutie par l’enregistrement du même nom, Max Emanuel Cencic se tourne à nouveau vers le maître incontesté de l’opera seria Johann Adolf Hasse (1699-1783), le Cher Saxon. Ce compositeur plus que prolifique, puisqu’il n’écrit pas moins de 56 opéras interprétés par les plus grands chanteurs de l’époque, de Farinelli à Faustina Bordoni, qu’il épousa.
“Rien d’impossible à un homme qui veut travailler” (Brossard, Charpentiers – Les Voyageurs, Alexis Knaus)
Revendiquant son extraction normande, l’ensemble Les Voyageurs a voulu honorer sa terre d’attache en consacrant son premier enregistrement à Sébastien de Brossard, originaire de Dompierre. L’ambition de faire entendre les compositions de cet homme avant tout connu pour son Grand Dictionnaire de Musique est louable, autant que celle de mettre au jour un Miserere peu connu de Marc-Antoine Charpentier.
Wiener Blut ! (Caldara, La Concordia dei’Pianeti, La Cetra, Andrea Marcon – Archiv)
Capté en live à Dortmund, cette Azione Teatrale en un acte de Pietro Pariati, mise en musique par Antonio Caldara, sanctionne l’entrée du grand Vénitien dans l’immortalité. En effet avec cette recréation et première mondiale au disque, Archiv/Deutsche Grammophon prend un risque splendide et fait par la même occasion un joli pied de nez à l’innommable lieu commun de la crise du disque classique.
Flamboyance napolitaine (Franco Fagioli, Alessandro De Marchi, Academia Montis Regalis – Naïve )
Après son inoubliable prestation dans l’Artaserse de Vinci, le contre-ténor Franco Fagioli nous propose une autre incursion dans le répertoire napolitain, à travers des airs de Porpora. A l’exception de la cantate Il ritiro, il s’agit d’extraits d’opéras du compositeur parténopéen, mal connus car rarement enregistrés en intégrale.
Un baroque dépaysant … (Patricia Petibon, “Nouveau Monde” – Deutsche Grammophon)
Après le concert donné en mai dernier à l’Opéra National de Lorraine (NANCY) par l’orchestre baroque de Mexico La Partenope, ce disque se révèle à son écoute tout autant dépaysant, exotique.
Patricia Petibon nous invite à un voyage riche en couleurs mêlant les chants traditionnels aux airs de compositeurs connus tels Rameau, Haendel, Purcell, et de moins connus tels De Nebra ou Le Bailly.
Caprices… de trublions (A due Cembali, Aline Zylberajch & Martin Gester – K617)
Il est de ces artistes qui s’essaient avec complaisance à une originalité exarcerbée dans les projets qu’ils proposent et dans ce domaine, Aline Zylberajch et Martin Gester, clavecinistes et trublions chevronnés de profession n’en sont pas à leur coup d’essai.
Plaisirs enchantés des Gaules (Lully, Amadis, Choeur de Chambre de Namur – Les Talens Lyriques, Aparte)
Après le succès de Phaéton (1683), Amadis marque une nouvelle étape de la fructueuse collaboration entre Lully et Quinault. Mais le contexte politique a fortement évolué en quelques mois, tandis que les deux compères renouvellent le genre de la tragédie lyrique en plusieurs de ses points fondamentaux. En France la Reine est morte en juillet 1683, et si dès octobre le Roi se remarie secrètement avec Madame de Montespan, il est tenu officiellement d’observer une période de deuil…
