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6 janvier 2014

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Vivaldi critiqué par John Hawkins (1776) :
"Un style qui n'avait guère que sa nouveauté pour le recommander"

F. M. La Cave, 1723, Portrait d'un musicien vénitien. D.R.
Longtemps présumé portrait de Vivaldi, cette identification est
désormais jugée douteuse.
La postérité ne fut pas forcément très tendre à l'égard de
Vivaldi. Charles Burney écrivait avec malice dans son Histoire générale de la
Musique (1776) que "Si les notes aigües et rapides sont des maux, Vivaldi
aura à répondre de beaucoup de péchés". La même année, Sir John Hawkins
(1719-1789), avocat de formation et connaissance de Haendel, faisait paraître
son œuvre monumentale en 5 volumes Histoire générale de la Science et de la
Pratique de la Musique. Contrairement à Burney dont l'approche est
rigoureuse et systématique, Hawkins laisse transparaître l'homme du monde et le
rédacteur du Gentleman's magazine par sa prose vive et un peu mondaine,
dotée d'une pointe de morgue ironique. Son jugement très critique sur Vivaldi en
fera sourire plus d'un, notamment l'attaque en règle des "ridicules"
Quatre
Saisons. 
"ANTONIO VIVALDI,
Maestro de' Concerti dei Pio Ospitale della Pieta in
Venetia, et Maestro di Capella dà Camera de Philippe, landgrave de
Hesse-Darmstadt, était un célèbre compositeur pour le violon, ainsi
qu'un grand maître de cet instrument. Il composa des solos, des sonates
et des concertos en grand nombre; mais ses principaux ouvrages sont ses
œuvres troisième et huitième ; ce dernier consiste en deux livres de
concertos intitulés Il Cimento dell' Armonia e dell'lnventione ; mais le nom usuel en est les
Saisons. L'idée de cet ouvrage doit
sembler fort ridicule ; car les quatre premiers concertos sont une
prétendue paraphrase, en notes musicales, d'autant de sonnets sur les
quatre saisons, où l'auteur tente, par la force de l'harmonie, et par
des modifications particulières de l'air et de la mesure, de susciter
des idées correspondant aux sentiments des différents poèmes. Les
compositions suivantes ont une tendance similaire, mais sont moins
retenues ; que cette tentative soit neuve et singulière, ou que ces
compositions se distinguent par leur force et leur énergie
particulières, il est certain que l'œuvre VIII est le plus applaudi des
ouvrages de Vivaldi.
La
caractéristique particulière de la musique de Vivaldi, s'agissant de ces
concertos, car ses solos et ses sonates sont passablement dociles, est qu'elle
est sauvage et irrégulière ; et dans certains cas il semble qu'il ait voulu
qu'elle fût ainsi ; certaines de ses compositions sont expressément intitulées
Extravagances, puisqu'elles passent les bornes de la mélodie et de la
modulation ; de même que son concerto dans lequel le chant du coucou est coupé en
si petites divisions que rares étaient ceux, du temps de l'auteur, en dehors de
lui-même, qui pouvaient les exprimer sur quelque instrument que ce fût. De ce
caractère de ses compositions on déduira nécessairement que leur harmonie,
l'habile contexture des parties, est leur moindre mérite; mais il y a quelques
exceptions à cette conclusion ; le onzième de ses douze premiers concertos est,
dans l'opinion du judicieux auteur des Remarques sur l'Essai sur l'expression
musicale de M. Avison, une composition très solide et magistrale, témoignage
de ce que l'auteur possédait plus d'habileté et de science que ses ouvrages ne
le révèlent en général. Pour ces singularités, on ne peut avancer de meilleure
explication que celle-ci : Corelli, qui vécut quelques années avant lui, avait
introduit un style que tous les compositeurs d'Italie affectaient d'imiter; tel
que Corelli l'avait formé, ce style était chaste, sobre et élégant ; mais avec
ses imitateurs il sombra dans la platitude ; Vivaldi semblait en être conscient,
et, pour les besoins de la variété, s'adonna à un style qui n'avait guère que sa
nouveauté pour le recommander."
John Hawkins, General History of the Science
and Practice of Music, Londres, 1776. (traduction Dennis Collins,
tous droits réservés)

De Brosse charmé par les jeunes filles della Pietà (1739) :
"Je vous jure
qu’il n’y a rien de si plaisant que de voir une jeune et jolie religieuse"
En bonus, on livrera également au lecteur un extrait de la
lettre du 29 août 1739 que le Président Charles de Brosses écrivit à M. de
Blancey lors de son voyage d'Italie, et où il loue fort la musique des "hôpitaux"
(comprenez instituts de charité pour les jeunes filles abandonnées dont le but
était de leur obtenir un mariage bourgeois l'âge venu).
On rappellera que Vivaldi était depuis 1703 maître de violon de l'Ospedale della Pietà,
le plus renommé d'entre eux.
"La musique
transcendante ici est celle des hôpitaux. Il y en a quatre [NdlR : Pietà,
Mendicanti, Ospedaletto, Incurabili], tous composés de
filles bâtardes ou orphelines, et de celles que leurs parents ne sont pas en
état d’élever. Elles sont élevées aux dépens de l’État, et on les exerce
uniquement à exceller dans la musique. Aussi chantent-elles comme des anges, et
jouent du violon, de la flûte, de l’orgue, du hautbois, du violoncelle, du
basson ; bref, il n’y a si gros instrument qui puisse leur faire peur. Elles
sont cloîtrées en façon de religieuses. Ce sont elles seules qui exécutent, et
chaque concert est composé d’une quarantaine de filles. Je vous jure qu’il n’y a
rien de si plaisant que de voir une jeune et jolie religieuse [NdlR : erreur de
De Brosse, il s'agit de laïques], en habit blanc,
avec un bouquet de grenades sur l’oreille [sic], conduire l’orchestre et battre la
mesure avec toute la grâce et la précision imaginables. Leurs voix sont
adorables pour la tournure et la légèreté."

Lire aussi :
Antonio
Vivaldi : Sonnets
accompagnant les Quatre Saisons
Rencontre entre Vivaldi et son
librettiste Goldoni (1734) :
"Vivaldi tenait énormément à
trouver un poète qui arrange, ou dérange, le drame à son goût"
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