AU ROY
SIRE,
De toutes les
Tragédies que j'ay mises en musique voicy celle dont le Public a tesmoigné
être le plus satisfait : C'est un spectacle où l'on court en foule, & jusqu'icy
on n'en a point veu qui ait reçeu plus d'applaudissements ; cependant, c'est
de tous les Ouvrages que j'ay faits celui que j'estime le moins heureux,
puisqu'il n'a pas encore eû l'avantage de paroistre devant VOSTRE MAJESTE'.
Vos ordres, SIRE, m'ont engagé d'y travailler avec soin & avec empressement
: Vn mal dangereux dont j'ai esté surpris n'a pas esté capable d'interrompre
mon travail, & le désir ardent que j'avois de l'achever dans le temps que
VOSTRE MAJESTE' le souhaittoit, m'a fait oublier le péril où j'estois
exposé, et m'a touché plus vivement que les plus violentes douleurs que j'ay
souffertes. Mais que me sert-il, Sire, d'avoir fait tant d'efforts pour me
haster de Vous offrir ces nouveaux Concerts ? VOSTRE MAJESTE' ne s'est pas
trouvée en estat de les entendre, & Elle n'en a voulu prendre d'autre
plaisir que celui de les faire servir au divertissement de ses Peuples. J'avoüeray
que les louanges de tout Paris ne me suffisent pas ; ce n'est qu'à Vous,
SIRE, que je veux consacrer toutes les productions de mon génie ; je ne puis
aspirer à un moindre prix qu'à la gloire de Vous plaire, & sans
l'approbation de Votre Majesté, je compte pour rien celle de tout le reste
du Monde. Permettez, SIRE, que dans l'impatience où je suis de vous offrir
cet Opéra, je vous le présente sur le papier en attendant qu'il me soit
permis de vous le faire voir sur le Théatre, & souffrez que je me serve de
cette occasion pour renouveler la protestation d'estre toute ma vie avec un
zele très ardent & un très profond respect,
SIRE,
DE VOSTRE MAJESTE'
Le très-humble, très-obeïssant &
très-fidelle serviteur et sujet,
LVLLY.