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6 janvier 2014

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Lully & Parodies :

l'exemple de Cadmus & Hermione

 

Alors que l'Automne musical 2006 du Centre de Musique Baroque de Versailles a permis d'entendre à la fois Proserpine de Lully - malheureusement amputée de son Prologue et de plusieurs danses - et une parodie pour marionnettes, comédiens et chanteurs (Les Noces de Pluton et de Proserpine, 1727), il paraît intéressant de se replonger dans la ces détournements satyriques de respectables tragédies lyriques...   

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L’un des aspects essentiels du XVIIème siècle français, quoi qu’on die, est sa tendance précieuse au mot d’esprit par lequel on brille en société. Or sur quoi exercer son talent dans l’aristocratie ? Comment briller sans trop d’effort, et sur des sujets que tout le monde connaît ? Il existe un moyen très simple : la raillerie. En effet, si l’on se moque d’autres, d’absents le plus souvent, on ne vexe pas les présents qui se feront un plaisir de rebondir, et puis on sait de quoi, ou pour mieux dire : de qui l’on parle. Cela peut prendre la forme d’épigrammes, avec leur pointe finale (ainsi Boileau, et plus tard Voltaire, pourfendront leurs ennemis). Mais l’épigramme n’a que peu de rapport à la musique – car il faut bien y arriver ! En revanche, la parodie, en peut avoir, surtout quand on parodie un livret d’opéra.

Avant d’en arriver là, on peut aussi tout simplement écrire des vers sur les musiciens. Lully y aura droit – il y aurait ici beaucoup d’ennemis à citer – et le fera même très bien lui-même ! Ainsi, son penchant pour les relations homosexuelles – par exemple avec Brunet, page de la Chambre du Roy – n’était pas inconnus, mais il cultivait aussi des rapports avec certaines femmes, comme par exemple la Certain , qui était une prostituée et maquerelle notoire, et vendait à Lully sa fille de 15 ans ; on disait même que Lully partageait la mère et la fille ! Lully écrivit plusieurs couplets sur elle(s), dont voici l’un des plus truculents (orthographe d’époque) :

« La mere Certain se fasche

Que Brunet soit mon mignon

Elle est une vieille vache

Il est un joly bardache

Elle a le C* large et profond

Il est beau comme Cupidon. »

Je crois que cela se passe de commentaire. On trouve cela dans le Manuscrit 673[1], et Tallemant des Réaux ajoute même en marge : « il a fait un air exquis pour ce couplet là. » !

On peut aussi écrire des paroles sur de la musique non-vocale. Cela se faisait particulièrement sur des airs de menuet. Un petit exemple :

« Couplet sur l’air d’un menuet de l’opéra d’Isis fondé sur le peu d’approbation du Roy.

« Puissant Roy qui donnez chaque jour

De nouveaux plaisirs a votre cour

Sy le ciel qui tousjours vous assiste

Vous fait regler les choses comme il faut

En songeant a conserver Baptiste

Prenez le soin de nous oster Quinaud. »[2]

Isis avait été mal reçu par le Roi et surtout par Mme de Montespan qui se voyait dans le personnage désagréable de Junon. L’histoire fut prise en effet comme une allusion aux amours de Louis XIV pour Mme de Ludres, que la Montespan réussit à faire écarter. Le couplet provient certainement de l’entourage de Mme de Montespan et surtout de Mme de Thianges qui cherchaient depuis quelques temps à écarter Quinault et à le remplacer par La Fontaine (ce qui sera un échec, voir sur ce site l’anecdote concernant Daphné).

Je l’ai déjà évoqué, on peut aussi parodier le texte :

« Jupiter vient sur la terre

Pour la combler de bienfaits

Il est armé du tonnerre

Mais c’est pour donner la paix » (Isis)

se retrouve changé en :

« Champmeslé[3] vint sur la terre

Pour manger soir et matin[4]

Il est cocu de Tonnerre

Mais c’est pour mourir de faim[5]. »

Un autre pour le plaisir : une petite parodie de ces vers de Proserpine[6] (l’opéra que Mme de Sévigné mettait au-dessus de tous les autres) :

« Aimez qui vous aime

Rien n’est sy charmant

Pluton n’est point un Dieu sujet au changement

Il vous offre son coeur avec son diademe »

qui deviennent :

« Aimez qui vous aime

Belle de Ruyant

Terrigny[7] est un amant

Encore tout innocent

Il vous offre son cœur avec son livre a thème. »

Mais le chic du chic, c’est bien sûr de parodier une scène entière ! Prenons donc l'exemple de la scène des adieux de Cadmius et Hermione

 

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[1] F° 244r.

[2] in Manuscrit 673, F° 189r.

[3] Il s’agit ici de l’époux de la célèbre tragédienne racinienne.

[4] On parlait beaucoup du rôle de Champmeslé par rapport à sa femme et des profits qu’il tirait habituellement des fréquentations de celle-ci.

[5] Tallemant indique dans la marge que « Le petit Tonnerre [François-Joseph de Clermont, comte de Tonnerre] est un des plus dépourvus d’argent de toute la cour. »

[6] Manuscrit 673, F° 201r.

[7] « C’est le fils de Monsieur de Luxembourg qui encore écolier est devenu amoureux de la belle sœur du premier médecin, Daquin. » (Note de Tallemant)

 

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