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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Festival
Carnet de La Folle Journée de Nantes 2010
“Entrons, entrons dans la fournaise” Mercredi 27 janvier 2010
Dans la peau du Comité de Rédaction : "La Folle Journée d'un Mexicain baroque chez les Romantiques" nous avait proposé en guise de sous-titre notre ami et rédacteur Pedro-Octavio. C'était trop long hélas pour le maquettage, et "entrons, entrons dans la fournaise" jugé suffisamment évocateur. Mais la 2nde question, cruciale cette fois-ci, fut de publier ou non l'intégralité de ce carnet, non en raison d'une quelconque inquiétude sur les qualités d'écoute et d'analyse dudit Mexicain, mais à cause de la censure temporelle : trop de Chopin et de XIXème transparaissent après les baroqueuseries classicisantes d'Hugo Reyne. Finalement, pour paraphraser une publicité fameuse à défaut de brillante : "Bah, si ils aiment ça..." M.B.
Anne Queffélec - D.R. Mercredi à 17h30, la Muse baroque est entré dans l’univers de Chopin, matérialisé pour cinq jours par la Cité des Congrès, à Nantes. Étrange voyage, dirait-on, que celui que fait l’amante des instruments anciens dans un monde d’où elle semble proscrite, quoiqu’elle prenne parfois le risque d’y faire concourir ses protégés — Philippe Herreweghe, John Eliot Gardiner, Jos van Immerseel, et même parfois William Christie (Zampa d’Hérold) et René Jacobs (Tancredi de Rossini). On est prié de se souvenir qu’au rang des compositeurs chéris du petit Chopin se trouvent, plus que le Beethoven vénéré des romantiques, le grand Bach, on le sait bien, mais aussi Händel - il dira de l’Ode à Sainte Cécile qu’elle est ce "qui se rapproche le plus de l’idéal [qu’il s’est] fait de la grande musique[1]" - et bien sûr Mozart. C’est par Mozart que nous avons été accueilli dans cette Folle Journée, et par son Concerto pour piano n° 24 en ut mineur. L’orchestre, Sinfonia Varsovia, s’y est montré absolument convenu, ennuyeux, peut-être même ennuyé, même si l’on ne saurait oublier quelques beaux moments d’ensemble, en particulier du côté des vents que les cordes étouffaient souvent. Anne Queffélec au piano apportait un peu de poésie dans cet univers de platitude, malgré une lecture peu originale et dont on tire peu de conviction ; pleine de douceur, mais manquant de couleurs. Remarquons cependant deux belles cadences superbement interprétées, et une mouvement plein de retenue tendre. Arrive ensuite Chopin, dans le même concert, avec la Fantaisie sur des airs polonais en la majeur, op. 13 ; Abdel Rahman El Bacha remplace Anne Queffélec au piano, et soudain, tout change : on a même l’impression de ne plus entendre le même orchestre — il est vrai que son équilibre convient mieux au romantisme qu’au classicisme. Les vents, souvent magnifiques, sont mis en valeur dans cette pièce de virtuosité, mais aussi de délicatesse. Ce qui stupéfait immédiatement chez El Bacha, c’est un toucher perlé et une immense maîtrise du clavier, qui fait qu’on a l’impression que tout cela est facile et galant : c’est le style brillant, qui n’est pas sans rappeler certaines pages de C. M. von Weber.
Philippe Pierlot © Lou Herion Plus tard dans la soirée, nous sommes conquis par un programme d’airs d’opéra de Haendel que notre confrère entendra également samedi. La soprano Maria Keohane est soutenue, complétée, accompagnée par le Ricercar Consort que dirige Philippe Pierlot. Tout commence par un bel air assez peu connu, "Combattuta da due venti" de Faramondo ; d’emblée, on remarque la précision de l’orchestre, incisif, ciselé, et celle aussi des coloratures dont l’air est émaillé, et dont la soprano se sort avec les honneurs - une qualité qu’on lui retrouvera dans "Da tempeste" de Giulio Cesare, un peu plus tard. Mais elle sait aussi se faire dramaturge, secondée par le Ricercar Consort, dès "Ah, mio cor" d’Alcina, puis dans un superbe "Pensieri, voi mi tormentate" d’Agrippina. Maria Keohane sait évoquer les pleurs, les gémissements, les imprécations, la douleur, et l’orchestre semble parfois la combattre, et souvent conforter ses émotions en prenant pleine part au drame qui se joue dans nos oreilles. La sobriété ne leur va pas mal non plus, avec "With darkness deep" de Theodora et "Lascia ch’io pianga", airs fort connus desquels on parvient néanmoins, tant la lecture est convaincante, touchante d’évidence, à être ému. L’ornementation est sobre mais efficace, souvent émouvante. Au final, c’est un concert qu’il ne fallait pas rater !
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[1] Lettre à ses parents, 27 septembre 1828. Cité par Marie-Paule Rambeau, Chopin : l'enchanteur autoritaire, L’Harmattan, 2005, p. 113. [2] Robert Schumann, Sur les musiciens, traduction Henry de Curzon, Stock Musique, 1979, pp. 224-229. Cet texte avait originellement été publiée dans la Neue Zeitschrift für Musik en 1841.
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