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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Festival
Falvetti, Nabucco Choeur de chambre de Namur, Cappella Mediterranea dir. Leonardo García Alarcón Festival d'Ambronay 2012
© Bertrand Pichène / CCR d'Ambronay, 2012 Michelangelo Falvetti (1642–1692)
Nabucco, dialogo a sei voci (1683) livret de Vincenzo Giattini
Caroline Weynants, Magda lena Padilla Osvaldes, Mariana Flores sopranos Fernando Guimarães, Thibaut Lenaerts ténors Fabián Schofrin contre-ténor Sergio Ladu baryton-basse Matteo Bellotto basse Keyvan Chemirani percussions Kasif Demiröz ney
Cappella Mediterranea Choeur de chambre de namur Leonardo García Alarcón direction
Vendredi 14 septembre, 20h30, Abbatiale d'Ambronay (création en résidence)
Ce concert fera l’objet d’un disque à paraître chez Ambronay Éditions en 2013.
L’histoire du roi Nabuchodonosor II et de sa monumentale statue est narrée dans la Bible, aux deuxième et troisième chapitres du livre de Daniel. Nabuchodonosor, abrégé dans l’œuvre de Falvetti et Giattini comme plus tard dans celle de Verdi en Nabucco, a l’intention de se faire adorer par le truchement d’un colosse d’or. Mais trois enfants juifs se moquent de sa présomption. Le roi de Babylone les condamne à être jetés tout vifs dans une fournaise ardente, mais sur intervention de l’esprit saint, ils en ressortent intacts. La principale qualité du livret de Giattini est de ménager des situations musicales variées : d’abord un bref prologue qui s’ouvre par une évocation musicale de l’Euphrate — près de deux siècles avant Wagner et son Rhin) — aux bords duquel s’installent l’Orgueil (Superbia) et l’Idolâtrie ; puis il y a le songe de Nabucco bercé par Arioco, songe qui en trois vers se trouve prémonitoire : il y voit un géant, un colosse, mais ajoute immédiatement "Je délire, je divague" ("Delirio, vaneggio"). Un peu plus loin, le roi se lamente : "Pour vivre à l’abri du malheur, / Ah, être roi ne suffit pas !" Interviennent ensuite une première fois le prophète Daniel et les trois enfants, Ananias, Arazias et Misaël : leur message est clair, seul le vrai Dieu est digne d’être adoré, et les gloires des mortels ne sont que poussière et fumée. C’est l’occasion pour Falvetti de composer de très beaux trios et quatuors vocaux. Immédiatement après, on apprend qu’un colosse d’or à l’image de Nabucco a été érigé, et le roi vient exhorter ses sujets à l’adorer — ce qui donne l’occasion, cette fois, à des chœurs et même à une "Sinfonia per l’adorazione della statua". L’étau dramatique se resserre : les enfants rient de sa folle vanité, Nabucco les invite à se repentir et à vénérer la statue ou à mourir, ils choisissent la mort. Nouveaux trios, dont le très beau "Risolvo morire", puis le temps s’arrête pendant que les enfants, dans les flammes, ne brûlent pas : chacun chante un air, puis la morale, brève et sans appel, tombe : "Là où combat l’innocence d’un enfant, / Elle abat les idoles et renverse les orgueilleux." Ce n’est plus le chœur de triomphe ou de vénération, c’est cette fois l’énonciation d’un précepte, magistral et ferme.
© Bertrand Pichène / CCR d'Ambronay, 2012 La Cappella Mediterranea, ses solistes et le chœur de chambre de Namur, menés par l’enthousiaste Leonardo García Alarcón, traversent ces pages avec une aisance confondante, renouvelant perpétuellement ses sonorités amènes. Alarcón a choisi d’aller plus loin ici que dans le Diluvio où il faisait déjà appel à des percussions orientales : il leur adjoint ici le ney et le duduk. Si ce choix est discutable et peut ne pas faire l’unanimité, voire agacer, une chose est certaine : ces "effets" sont employés avec parcimonie et même avec sagesse. D’abord, le sujet, dont le lieu est la Mésopotamie, justifie ces interventions orientalisantes. Par ailleurs, elles ne prennent à aucun moment le pas sur la qualité et la précision de la musique écrite, ce sont des "bonus". Certes, tel ou tel prélude de ney ou de duduk surprend, voire choque, mais à bien des moments les deux instruments s’intègrent dans l’orchestre, tout comme les percussions de Keyvan Chemirani, jamais envahissantes. On ne peut qu’admirer le passage insensible, dans le "Risolvo morire", des sonorités orientales à la polyphonie recherchée de Falvetti et à son aspect on ne peut plus occidental. Ce qui frappe, en tout cas, c’est l’équilibre permanent de la Cappella Mediterranea. Leonardo García Alarcón maîtrise son ensemble et sait en tirer des sonorités à la fois surprenantes et évidentes — l’évocation de l’Euphrate avec d’abord les cordes pincées seules, puis les cordes frottées avec les sourdine, laisse stupéfait. Et quand les voix de Mariana Flores (l’Idolâtrie) et Capucine Keller (l’Orgueil) entrent, là encore, quelle évidence ! Chaque moment semble pesé soigneusement en regard de ce qui suit et ce qui précède, autant que dans chaque moment chaque ingrédient musical et sonore est idéalement disposé. Dans cet écrin, les solistes s’épanouissent avec bonheur. Certes, la voix de Fabián Schofrin, élément le plus faible de la distribution, manque de puissance dans tout le médium, et peine par moments à se faire entendre, mais à côté de lui, le Nabucco de Fernando Guimarães n’en semble que plus royal, plus éclatant, plus impérieux. La voix est belle et homogène, le timbre clair et riche, le discours clair et merveilleusement phrasé — le tout dans un rôle de méchant assez ingrat, qui ne réserve au fond pas beaucoup de véritables airs (mais tout de même le très touchant "Per non vivere felice"). Des qualités semblables se retrouvent dans son rival indirect, le sage prophète Daniel auquel Alejandro Meerapfel prête sa voix de basse ample, rassurante, admirable de nuances et de couleurs — une voix qui colle idéalement à son personnage. Sommets de la partition, les trios et les airs des enfants font entendre des voix qui s’unissent jusqu’à la fusion, mais qui, quand elles se dissocient, séduisent encore autant. À Caroline Weynants (Ananias) revenait le premier des trois airs, "Tra le vampe d’ardenti fornaci", dans lequel sa voix claire et émouvante dialoguait avec cordes pincées et basse de viole avec ductilité. Lui succédait immédiatement, dans l’air "La mia fede dal fuoco nasce", Marianna Flores, dont la voix chaleureuse a animé maints moments de la soirée d’un sens de la ligne et du phrasé enchanteur. La troisième intervention, celle de Magdalena Padilla Flores, nous a paru légèrement en retrait, sans doute pour une question de tessiture : la voix s’épanouissait pleinement dans le haut médium, mais il était peu sollicité, tandis que la partie grave de la tessiture, moins puissante chez Magdalena Padilla Flores, l’était davantage ; le rôle de Misaël aurait, peut-être, gagné à s’incarner dans un mezzo-soprano plutôt qu’un soprano. Rien de déshonorant toutefois ! Il serait fastidieux de citer encore un par un tous les autres solistes ; disons-le : ils étaient tout de même exemplaires. L’excellent Chœur de chambre de Namur se joignait à eux avec ses caractéristiques habituelles : un son à la fois plein et fin, clair et riche, une articulation souple et une maîtrise souveraine, y compris quand seuls quelques-uns de ces membres prenaient la parole, pardon : le chant. On a le sentiment profond d’avoir eu face à soi une équipe invitée par son chef à la générosité musicale et à l’enthousiasme pour la pièce interprétée. C’est une œuvre, une lecture et une soirée dont on ressort un peu ébloui et en tout cas souriant. Il paraît qu’une autre partition a été retrouvée récemment…
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