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“Ahi caso acerbo” : disparition du baryton Alejandro Meerapfel lors du festival d’Ambronay

 

Alejandro Meerapfel © François de Maleissye – Cappella Mediterranea, retravaillée en sépia

« Rien n’est précaire comme vivre,
Rien comme être n’est passager,
C’est un peu fondre pour le givre,
Et pour le vent, être léger… »

Au tragique s’ajoute la soudaineté de la disparition du baryton Alejandro Meerapfel, terrassé par un infarctus vendredi soir lors de la 44ème édition du Festival d’Ambronay, en pleine représentation de l’oratorio Il Dono della Vita eterna (1686) d’Antonio Draghi où il incarnait Dieu le Père, sous la direction de Leonardo Garcia Alarcon avec La Capella Mediterranea. Une œuvre au titre d’une amère ironie pour l’artiste, collaborateur régulier de Leonardo Garcia Alarcon avec qui il partageait, outre l’amour de la musique, une commune origine argentine.

Une collaboration, pour ne pas dire une complicité entre les deux artistes, sur scène comme sur disque, Alejandro Meerapfel intégrant la distribution de nombre d’enregistrements du chef argentin, du Didon et Enée de Purcell en 2008 (pour Ambronay Editions) au plus récent et superbe Orfeo de Monteverdi (Alpha-Classic, 2021) dans lequel in tenait le rôle de Pluton en passant notamment par le Judas Macchabée (1747) de Haendel (Ambronay Editions, 2009) dans lequel son timbre de baryton basse chaleureux et expressif se prêtait à merveille aux invocations religieuses et aux appel à la révolte de Simon.

Une voix, une incarnation, mais aussi une présence scénique indéniable et captivante qui faisait de Alejandro Meerapfel un artiste apprécié, comme nous avions encore nous en rendre compte récemment, lors de l’édition 2022 du festival de Saint-Denis où toujours dirigé par Leonardo Garcia Alarcon, il emplissait de sa voix et de sa présence les voutes de la Basilique Royale de Saint-Denis lors d’une représentation de cantates de Bach pour grands effectifs.

Mais résumer sa carrière à ses fructueuses collaboration avec la Capella Mediterranea serait réducteur et nous avons pu récemment noter en ces pages une incursion chez les Traversées Baroques pour un enregistrement consacré aux madrigaux de Domenico Mazzochi (Prima le Parole, Accent, 2022), qui lui non plus ne doit pas cacher une carrière internationale, européenne avec de nombreux rôles des théâtres de Sicile à ceux des Pays-Bas en passant par l’Autriche et l’Allemagne, mais aussi latino-américaine, notamment à Buenos-Aires où Alejandro Meerapfel s’illustra dans des rôle d’opéras classiques tels que La Bohème ou Madame Butterfly de Puccini, Don Carlo de Verdi, La Clémence de Titus de Mozart, voire carrément contemporains à l’exemple du Dialogue des Carmélites de Francis Poulenc. Les exégètes pourront aussi partir à la recherche de quelques enregistrements consacrés à des œuvres sud-américaines, qui ne semblent pas avoir traversés l’Atlantique.

Alejandro Meerapfel était depuis plusieurs années installé à Dijon, où il résidait entre deux tournées et où il se produisait régulièrement, notamment à l’opéra de la ville.

Qu’il nous soit donc permis par ce court hommage de nous associer à la douleur et à la tristesse de sa famille, de ses proches et de tous les musiciens et mélomanes ayant pu le croiser et l’apprécier sur les scènes des très nombreux pays où il eu l’occasion de se produire, en serviteur à la curiosité boulimique des rôles les plus variés, dans lesquels sa voix chaude et sa personnalité charismatique enchantaient.

« …un jour tu passes la frontière,
D’où viens tu, mais où vas-tu donc,
Demain qu’importe et qu’importe hier,
Le cœur change avec le chardon,
Tout est sans rime ni pardon. »

Louis Aragon, J’arrive où je suis étranger

 

                                                                                   PH

Étiquettes : , , , , Dernière modification: 2 novembre 2023
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