Rédigé par 21 h 49 min CDs & DVDs, Critiques

« Entends-tu déjà le son des plectres et des cithares qui chantent les louanges du vainqueur »

D’accord, le livret consiste en une propagande indigeste dédiée à Charles VI, saint empereur romain totalement oublié. D’accord, l’Ensemble baroque de Nice est plus célèbre pour sa maniaque fidélité à la partition et son application attentive que pour sa fougue dramatique.

Tomaso ALBINONI (1671-1751)

Climène 

Isabelle Poulenard (Climene), John Elwes (Florigello), Dominique Visse (Cidippe)
Ensemble baroque de Nice, dir. Gilbert Bezzina

60’41, Accord, enr. 1988.

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D’accord, le livret consiste en une propagande indigeste dédiée à Charles VI, saint empereur romain totalement oublié. D’accord, l’Ensemble baroque de Nice est plus célèbre pour sa maniaque fidélité à la partition et son application attentive que pour sa fougue dramatique. D’accord il faut aimer le timbre si particulier de Dominique Visse qui l’a si souvent cantonné dans les rôles de méchants ou de sorcières.

A présent que ces objections ont été justement soulevées, passons aux bons côtés de cet enregistrement. Et ils sont nombreux. D’abord, les enregistrements d’œuvres vocales d’Albinoni ne sont guère légions. Célèbre pour un Adagio dont il n’a qu’esquissé que la basse chiffrée et qu’un musicologue a recomposé dans un style tout sauf baroque, Tommaso (qu’il pardonne une telle familiarité, mais puisque ses notes ont rythmé mes nuits…), Tommaso donc attendait patiemment que le public redécouvre son style ciselé, ses mélodies délicates un peu surannées, cette fausse simplicité. Albinoni, c’est l’ingénue, la soubrette, la fausse suivante. C’est un vague zeste de Cavalli, un Alessandro Scarlatti plus candide, un Steffani plus rieur. Si j’étais audacieuse, je me risquerais même à affirmer qu’Albinoni serait un peu la Carla Bruni du baroque. Mais je ne le suis pas. Et Carla Bruni – même avec son Louis Bertignac – ne ferait pas le poids face à ce brave Albinoni et ses airs magnifiques tels ce « Già Pletri e Cetre » avec mandoline obligée.

Les interprètes ont décidé de frapper fort pour cette petite sérénade protocolaire en trois actes : trompettes tonitruantes, brefs chœurs survitaminés qui pulvérisent les lieto fine haendéliens, implication totale des solistes qui parviennent même à habiter leurs récitatifs d’une platitude affligeante : Isabelle Poulenard enchante avec son timbre d’une charmante fraîcheur ; John Elwes prête la noblesse blasée de son chant à des coloratures qu’on croiraient presque d’une déconcertante facilité ; Dominique Visse brandit sans relâche sa pancarte « Charles VI président ! ».

L’ensemble baroque de Nice aurait pu faire preuve de plus d’ampleur et de liant, et Gilbert Bezzina joue plus sur les timbres que sur les contrastes. Sans le génie albinonien, son approche très décorative friserait la monotonie, rappelant un peu celle des premiers enregistrements d’opéras haendéliens d’Alan Curtis. Toutefois, l’on sent que le chef entoure avec tendresse sa petite troupe pendant cette heure de bergerie flagorneuse qui semble passer trop vite…

Armance d’Esparre

Technique : Prise de son très équilibrée, en dépit d’un clavecin un peu « ferraillant » et des solistes en retrait.

Étiquettes : , , Dernière modification: 25 novembre 2020
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