
Gerard ter Borch le Jeune, Une mère peignant son enfant, dit “la chasse aux poux”, huile sur panneau, Mauritshuis, La Haye – Jacobus Vrel, Intérieur, femme peignant une fillette, un garçon près de la porte, huile sur panneau, The Detroit Institute of Arts / Fondation Custodia – Cliché Muse Baroque, 2023
L’Opéra de Paris et l’Opéra royal de Versailles ont décidé conjointement d’une mesure exemplaire, en vue d’aller au-delà de la parité homme-femmes. Désormais, les opéras en version de concert comme mis en scène ne seront plus montés que si les rôles usuellement soumis à une domination masculine résultant d’une pratique dite “patriarco-traditionnelle” sont intégralement et systématiquement confiés à des interprètes féminins. Tous les répertoires sont concernés, ainsi que les tessitures de basses, barytons, ténors (et leurs équivalents tailles, basses-tailles, haute-contres et même contre-ténor et sopranistes). Ainsi l’Opéra de Paris annonce d’ores et déjà un Don Giovanni attribué à Constance Mozart avec Léa Décendre en Leporello, et Greta Thernburg en Don Giovanni. De même l’Opéra Royal de Versailles, après un Uomo Femina remarqué, prévoit une Donna Feminissima d’après une partition et un livret disparus, recréés méticuleusement par Léonarda García Márquez d’après une inspiration géniale et bénéficiant d’une mise en scène multicolore et sensorielle d’Agnès Jawa. Tous les pupitres seront tenus par des femmes, et l’Orchestre de l’Opérette Royale sera composé uniquement de musiciennes, danseuses et choristes féminines. Le cor naturel a également été licencié pour “une apologie inacceptable de l’univers de la chasse” et sera remplacé par un instrument populaire andalou.

Anas Seguin dans l’Uomo Femina de Galuppi © Mirco Magliocca
Les réactions contrastées n’ont pas tardé à fuser après la publication du communiqué de presse. UNEP-FO-LCR-PCCF dénonce “la mise au chômage forcé de travailleurs qui n’ont pas démérité alors qu’on pourrait simplement faire une rotation et qu’ils peuvent encore devenir transgenre”, tandis que l’association Toujours Elles se félicite d’un “juste retour de gosier, après que pendant des années les rôles de dessus aient été indûment accaparés par des contre-ténors”. Le chef d’orchestre Alexis Chalvin souligne qu’ “il faudra naturellement transposer les tessitures, mais la transcription est mère de tous les compositeurs, et si Bach a pu transposer des concertos pour le clavecin, si Gould jouait sur un piano, pourquoi on ne chanterait pas Sénèque avec une soprane ? Les catégories sont réductrices, et les barres de mesures ne sont pas des barreaux de prison”. Marto Jarvas s’enthousiasme : “d’ailleurs les recherches musicologiques les plus récentes démontrent que les compositrices étaient les plus douées, et qu’on a ensuite effacé leur leg : les œuvres de Mondonville ne sont-elles pas composées par son “nègre” Melle Duval ?” D’ailleurs un musicologue gallois prétend qu’une partie des compositions de Bach sont dues à Anna Magdalena sa seconde épouse (documentaire “Written by Mrs Bach à venir”).
Les Frecob’ Girls se réjouissent : “quand on s’est lancées dans l’intégrale des œuvres apocryphes pour clavier de Frescobaldi transposées en madrigaux et chantées en doudoune dans des églises non chauffées, tout le monde nous a dit : “c’est un effet de mode, cela va passer”. Or on voit à présent qu’on était visionnaires, ténébreuses et visionnaires”. Quelques musiciens réactionnaires sont cependant inquiets, car la parité est rarement observée dans la fosse, et il faut craindre une recomposition des instrumentistes qui sont habitués à se fréquenter depuis des années. Or, “une politique de diversité trop inclusive peut mener à des contre-révolutions trumpiennes tout aussi imprévisibles” confie Christophe Nikou, directeur musical de la Banquette Fleurie, après que son percussionniste l’ait frappé lors de son entretien d’évaluation de mi-année. “Je lui avait dit dans les petits motets de taper plus doucement, plus sensuellement, de ne pas timbaler comme un CRS, mais comme une femmelette de chez Tiepolo ou Chardin, il l’a mal pris” avoue, choqué et incrédule, le chef et claveciniste-flûtiste-théorbiste-haute-contre-professeur au CSMMM d’Angers-Toulon qui confie le muter au traverso pour lui donner un second souffle, une seconde chance.
VLN, 1er avril 2025,
mise à part la thèse audacieuse de Martin Jarvis (véridique), le reste des propos fantaisistes de cet éditorial ne peut être imputé qu’à un penchant pour la vie aquatique de début de printemps
Dernière modification: 4 avril 2025