Rédigé par 8 h 05 min Concerts, Critiques

Le compas et l’équerre (La Lyre maçonnique, la Péniche Opéra, 14 avril 2015)

Même en 2015, en plein XXIème siècle, dès que le mot maçonnique ou Franc-Maçonnerie est prononcé, tout est polémique, mystère et préjugés. Si, effectivement, cette société dite à secret a porté pendant des années une réputation de réseau d’influence, toutes les publications hebdomadaires ou mensuelles qui s’acharnent à dévoiler ses secrets ont oublié le cœur de son activité.

Lyre maçonnique

Jacques Christophe Naudot (1690 – 1762) – Marche des Franc-Maçons – «  Unissons nous mes frères »
Louis Nicolas de Clérambault (1676 – 1749) – Cantate – «  Les Franc-Maçons »
Jean-Philippe Rameau (1683 – 1764) – Extraits de la première version de Zoroastre (1749)
François Giroust ( 1738 – 1799) – Le Déluge, rituel funéraire

Elisabeth Fernandez – soprano
Paul-Alexandre Dubois – basse
Christophe Crapez – Haute-contre
Guillaume Zabé – taille
Laurent Kupferman – Orateur 

Ensemble Almazis
Direction Iakkovos Pappas
Mise-en-scène Alain Patiès

Mardi 14 Avril 2015, La  Péniche Opéra, Par.

Même en 2015, en plein XXIème siècle, dès que le mot «  maçonnique » ou « Franc-Maçonnerie » est prononcé, tout est polémique, mystère et préjugés. Si, effectivement, cette société dite « à secret » a porté pendant des années une réputation de réseau d’influence, toutes les publications hebdomadaires ou mensuelles qui s’acharnent à « dévoiler » ses « secrets » ont oublié le cœur de son activité. C’est le partage qui a fait de ce groupe humain une sorte de colonne névralgique des sociétés pensantes et philosophiques. C’est sur le partage des idées plus particulièrement et, dans les siècles passés la promotion de leur circulation qu’est fondé le combat de la Franc-Maçonnerie.

Les idées au XVIIIème siècle tendaient le plus souvent à circuler à travers les arts et tout particulièrement à travers la musique. Les vecteurs intellectuels ont souvent légitimé les messages les plus universels.

C’est à une soirée très particulière sur les berges du Bassin de La Villette à laquelle nous avons assisté, dans le ventre de La Péniche Opéra. Cette Lyre maçonnique nous promettait des redécouvertes incroyables, tant par le répertoire soigné que par l’exécution d’Almazis, l’orchestre de Iakkovos Pappas, un ensemble qui, avec courage, a poursuivi les recréations rares avec talent et passion. Parmi les pépites que nous devons à cet orchestre nous citerons les opéras comiques d’Egidio Romualdo Duni, l’Isle des Fous et Les deux chasseurs et la laitière et Blaise le savetier de François-André Dannican Philidor (CD Maguelone). Là où beaucoup d’ensembles se regroupent autour de standards, souvent par frilosité et hélas parfois par nonchalance, Almazis explore, réédite, redévoile et défriche.

En découvrant le programme nous avons été ahuris de découvrir la cantate de Louis-Nicolas Clérambault (un des tous premiers initiés à la Franc-Maçonnerie en France) «  Les Francs Maçons », la « Marche des Francs Maçons » de Jacques Christophe Naudot et le splendide « Déluge » de François Giroust. Que de découvertes ! Tout aussi intéressante est la première version du Zoroastre de Rameau, dont des extraits sont présentés.

Malgré l’acoustique quelque peu inégale de la salle de La Péniche Opéra, Almazis a défendu avec ardeur ce répertoire qui lui va comme un gant. Iakkovos Pappas a permis à la musique, malgré un effectif assez réduit, de sonner et de garder le panache de ses couleurs. Animant ce concert et apportant les éléments nécessaires à la compréhension de l’imaginaire maçonnique, Laurent Kupferman sensibilise avec mesure et pédagogie aux symboles présents dans les pièces proposées. Il nous offre tour à tour un émouvant témoignage des siècles et des arts liés aux rituels du compas et de l’équerre.

Cependant, malgré la prestation sensible et précise de la basse Paul-Alexandre Dubois, c’est du côté des voix que ce concert a manqué son envol définitif. Le soprano d’Elisabeth Fernandez est correct, mais ne convainc pas dans Rameau. Le pire s’avère être, malheureusement, Christophe Crapez, tandis que Guillaume Zabé se révèle trop en retrait. La « mise-en-scène » demeure quasiment inexistante, si elle n’est absurde voire grossière quand elle s’exprime. N’ayant ni cohérence avec la musique, ni véritable émotion, la caricaturisation de la Franc-Maçonnerie par Alain Patiès nous semble encore plus grotesque lors des extraits de Zoroastre par une projection vidéo incohérente.

Malgré tous ces derniers éléments, cette Lyre Maçonnique brille de tous ses feux et nous espérons qu’elle continuera à sonner entre les mains de Iakkovos Pappas et Almazis !

Pedro-Octavio Diaz

Étiquettes : , , Dernière modification: 21 juillet 2020
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