Rédigé par 21 h 02 min Entretiens, Rencontres

“Je ne suis qu’un passeur d’émotions” : rencontre avec Bruno Le Levreur, contre-ténor & Laurent Carudel, conteur

Bruno Le Levreur : Je chante depuis l’âge de neuf ans et j’ai finalement appris mon métier sans le savoir à la maîtrise de la cathédrale d’Angers. Je n’ai découvert ce timbre de contre-ténor que tardivement, vers 22 ans, et, alors que j’étais en maîtrise de droit, j’ai été pris au centre de musique baroque de Versailles. Aussi, je fais principalement de la musique baroque car j’ai une voix de contre-ténor.

dans le cadre du spectacle Cactus au Festival d’Ambronay 2014

Cactus © Paul Pascal / Festival d’Ambronay 2014

Muse Baroque : Bruno Le Levreur, vous êtes chanteur… on vous entendu souvent avec le Poème Harmonique, ou avec d’autres ensembles spécialisés en musiques anciennes.  Est-ce le répertoire qui vous a conduit à chanter comme contre-ténor, ou bien l’avez-vous choisi à cause (ou grâce) à votre voix ?

Bruno Le Levreur : Je chante depuis l’âge de neuf ans et j’ai finalement appris mon métier sans le savoir à la maîtrise de la cathédrale d’Angers. Je n’ai découvert ce timbre de contre-ténor que tardivement, vers 22 ans, et, alors que j’étais en maîtrise de droit, j’ai été pris au Centre de Musique Baroque de Versailles. Aussi, je fais principalement de la musique baroque car j’ai une voix de contre-ténor.

M.B. : Explorez-vous des répertoires plus tardifs, des créations contemporaines ?

BLL : J’ai la chance de faire du Beethoven, du Mozart, du Mendelssohn avec des ensembles comme Accentus. Laurence Equilbey aime intégrer des voix de contre-ténor à son pupitre d’alto femme. Il m’arrive aussi de faire de la musique contemporaine mais j’ai peu d’atomes crochus avec ce style… peut-être est-ce aussi par ce que je ne suis pas très fort en solfège…

M.B. : Que souhaitez-vous transmettre par votre voix, la musique que vous chantez ? Quel est votre « but » en tant que chanteur, le sens que vous donnez à votre travail ?

BLL : Je suis très attaché à transmettre des émotions. Je ne suis qu’un interprète et j’ai la chance de pouvoir chanter des œuvres composées par des génies comme Bach, Purcell, Haendel…etc. Moi je n’ai rien de génial,  je ne suis qu’un passeur d’émotions ! Mon autre but est de gagner ma vie avec mon métier, avec cette passion. J’ai toujours voulu avoir une famille, j’ai maintenant la chance d’en avoir une et ce, grâce à mon métier de chanteur. Je m’amuse souvent à dire que j’ai les pieds sur terre et la tête dans les nuages.

M.B. : A propos de « Cactus » à présent… comment vous êtes vous rencontrés tous deux ? Aviez-vous déjà conçu des projets ensemble auparavant ?

Laurent Carudel : Il y a quatre ans, lors de mes interventions dans des écoles primaires de la région de Nantes, j’avais décidé de créer un petit spectacle dans lequel je mélangeais de la musique baroque avec une histoire que j’avais moi-même écrite et mise en scène. Le spectacle, malgré ses défauts, a séduit une responsable de la mairie de Nantes. Elle m’a encouragé à retravailler l’histoire quitte à me faire aider par un professionnel de l’écriture.

Laurent Carudel était un de mes élèves en chant et de fil en aiguille nous avons décidé de travailler ensemble pour réécrire le spectacle.

M.B. : Bruno Le Leveur, l’histoire de Léo, c’est un peu la vôtre… comment avez-vous conçu la trame du spectacle ? A partir d’airs qui vous tenaient à cœur ? A partir de souvenir, d’envies… ?

BLL : Lorsque Laurent a proposé de s’inspirer de ma propre histoire pour écrire Cactus, il faut bien avouer que cela m’a un petit peu chamboulé… mais nous ne voulions surtout pas que cela soit une psychothérapie aussi Laurent a réussi à prendre de la distance pour rendre l’histoire plus universelle afin que chacun puisse y trouver son compte. Et bien évidemment j’ai choisi des musiques qui me touchent, comme par exemple l’air entre une mère et son fils extrait de l’opéra Jules César de Haendel “Son nato a Lagrimar”. Il y a certains airs que je voulais mettre avant même l’écriture de l’histoire et d’autres qui se sont rajoutés lors de la création.

Enfin, la berceuse brésilienne Tutu Maramba, seul morceau traditionnel et peut-être pas très baroque… est un souvenir personnel d’enfance.

M.B. : Il est frappant dans « Cactus » de voir à quelle point musique et texte se nourrissent et dialoguent ensemble pour enrichir la force narrative. Je crois que c’était bien votre intention, éviter l’écueil de l’accompagnement musical pour aérer un récit… trouver ce juste équilibre a-t-il été difficile ? Avez-vous dû repenser plusieurs fois au programme musical, à l’enchainement des images… ?

BLL : L’histoire s’écrivait en fonction des musiques mais aussi nous trouvions des musiques en fonction de l’histoire. Il faut rappeler que nous avons mis presque deux ans a créer la dernière mouture de Cactus ! Laurent Carudel est lui-même musicien ce qui aide considérablement !

M.B. : La plaquette annonce un « théâtre musical » pour tout public à partir de sept. Les enfants sont-ils vos interlocuteurs privilégiés ? Pourquoi ? Quels retours avez-vous eu de leur part ?

BLL : Initialement j’avais prévu un spectacle pédagogique à destination des enfants. Nous le jouons souvent en version scolaire mais de plus en plus en version tout public. Ce spectacle s’adresse à un public familial car Laurent a eu l’intelligence d’écrire une histoire qui touche des enfants comme des adultes.

Les retours sont en général positifs et très variés. Lorsque nous jouons Cactus en version scolaire, nous voyons en général tous les enfants dans leurs classes le mois précédent le spectacle. Ils paraissent toujours très impressionnés par un garçon qui chante comme une fille, par quelqu’un qui chante avec une voix lyrique. Mais une fois la surprise passée on leur explique que la musique, même ancienne, peut toucher, séduire, émouvoir.

Je leur explique la chose suivante : lorsqu’on la maison je cuisine pour mes enfants un nouveau plat, leur première réaction avant même de goûter et de dire “j’aime pas !”  Alors je leur demande d’au moins prendre une cuillère. Ainsi ils savent si ils aiment ou pas mais au moins ils ont goûté. Cactus est une petite cuillère de conte et de musique baroque ! Et souvent nous entendons des réactions comme « j’aime pas la musique classique mais ça j’ai aimé… » ou alors « nous avions l’impression que les musiques avaient été composées pour l’histoire ! »

M.B. : Cela fait maintenant deux ans que vous donnez ce spectacle. A-t-il un poids particulier, plus qu’un récital par exemple ? comment vous sentez-vous après ?

BLL : Cactus est bien évidemment plus lourd à mettre en place qu’un simple récital traditionnel dans une église. Nous avons besoin d’une scène équipée notamment en éclairage. De plus nous sommes nombreux sur scène et, lorsque nous avons la chance de trouver une date, il faut toujours vérifier que toute l’équipe est disponible. L’une de nos grandes forces est l’incroyable entente qui règne entre toute l’équipe. Cette excellente ambiance se ressent sur scène comme certains spectateurs nous l’ont déjà dit.

M.B. : Quels sont vos projets à l’avenir, aussi bien respectifs qu’en binôme ? Travaillez-vous sur un autre spectacle ?

BLL : Pour l’instant nous continuons au maximum à faire tourner  Cactus. Ce n’est pas évident car le spectacle est trop cher pour une seule école donc nous visons les scènes nationales, les théâtres ou les festivals. D’ici la fin 2015, Cactus aura tourné une vingtaine de fois. L’idée de créer un nouveau spectacle commence à naître, mais chaque chose en son temps…

De mon côté je continue mes concerts traditionnels en France comme à l’étranger, mais j’ai toujours en tête mon propre spectacle que j’essaye de vendre partout où je vais. Par exemple j’en ai parlé l’autre jour à l’institut français de New York. À suivre…

Propos recueillis par Isaure Lavergne.

Étiquettes : , Dernière modification: 17 août 2020
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