Rédigé par 21 h 49 min CDs & DVDs, Critiques

Florence et Vincent

Mars 2008. Avertissement au lecteur : Non, nous ne comptons pas parmi nos rédacteurs la femme de Vincent Dumestre. Non, l’éditeur Alpha ne nous a pas (encore) construit une magnifique piscine en marbre dans notre villa de Toscane. Mais alors, pourquoi passons-nous notre temps à encenser les enregistrements du Poème Harmonique de manière presque suspecte ?

“Firenze 1616”

Sospiri d’amanti

[TG name=”Liste des airs”]
Io moro (Claudio Saracini)

Tutto ‘l di piango (Giulio Caccini)
Non ha’l ciel (Giulio Caccini)

Il Rapimento di Cefalo di Giulio Caccini
Sinfonia quarta (Cristofano Malvezzi)
Innefabile ardor
Muove si dolce
Caduca fiamma

L’Orfeo Dolente di Domenico Belli 35’36

[/TG]

Aurore Bucher (soprano, 3ème Grâce), Catherine Padaut (soprano, 1ère Grâce), Camille Poul (soprano, 2nde Grâce), Isabelle Druet (mezzo, Calliope), Jan van Elsacker (ténor, Berger), Arnaud Marzorati (baryton, Orfeo), Philippe Roche (basse, Pluton) 

Le Poème Harmonique
Théorbe et direction Vincent Dumestre

Alpha, 5847, enr. 2007.

Extrait : Belli, Orfeo Dolente : Sinfonia – Orfeo : Numi d’Abisso

[clear]Mars 2008. Avertissement au lecteur : Non, nous ne comptons pas parmi nos rédacteurs la femme de Vincent Dumestre. Non, l’éditeur Alpha ne nous a pas (encore) construit une magnifique piscine en marbre dans notre villa de Toscane. Mais alors, pourquoi passons-nous notre temps à encenser les enregistrements du Poème Harmonique de manière presque suspecte ? L’équipe de la Muse Baroque tient à nier toute accusation calomnieuse de partialité voire de corruption. Aussi, à l’instar de cette publicité qui vous est trop familière “Un jour, je l’aurai !”, nous avons décidé de vous ouvrir les portes de notre humble local, un mardi nuageux de février. Quatre silhouettes guettent  anxieusement l’arrivée du nouveau disque. L’enveloppe bulle déchirée avec les dents, la galette est soigneusement insérée dans le lecteur. On la repasse dans un silence religieux une, deux, trois fois. La concentration est intense, la tension palpable.

– “C’est encore excellent !” finit par avouer Sébastien d’un air blasé en écrasant nerveusement sa cigarette.

– “Dumestre, c’est un peu comme Al Capone, on n’arrivera jamais à le coincer. Il est rudement fort, celui-là.”  confirme Marion.

– “Là ! Il y a un cornet qui joue faux !!! Cette fois, on le tient !” exulte soudain Armance. Le groupe se regarde, incrédule. Mais l’espoir est de courte durée. “Ah, non, c’est un camion qui klaxonnait dans la rue.”

– “Muse d’Or ou Muse du Mois ?” conclut finalement le rédacteur en chef, avant de dicter mécaniquement :

“Après Nova Metamorfosi et Il Nuovo Stile consacré à Domenico Belli, Vincent Dumestre nous convie à un nouveau voyage musical dans l’Italie du XVIIème siècle balbutiant autour de Saracini, Caccini, Malvezzi et… encore Domenico Belli dont L’Orfeo Dolente constitue la raison d’être de cette parution.

Destinée aux festivités du carnaval de Florence en 1615, ville alors en déclin politique, cette œuvre se présente sous la forme de cinq courts intermèdes, et le livret du poète Chiabrera délaisse sciemment le personnage d’Eurydice pour s’attarder sur sa mère Calliope. Le riche langage de Belli rappelle celui de ses contemporains Monteverdi ou Da Gagliano dans sa maîtrise du parlar cantando. Toutefois, son écriture, plus âpre et torturée, s’attarde avec une délectation presque malsaine sur la douleur des âmes, dissèque la mélancolie amoureuse de frisson en sanglot. On observera en particulier l’usage de chromatismes et dissonances audacieux traduisant  le trouble d’Orphée. Pour rendre justice à cette partition, le Poème Harmonique a revêtu ses habits de lumière avec ses cornets moelleux et ductiles, son continuo attentionné et inventif, ses timbres colorés. Vincent Dumestre soigne les articulations, et fait la part belle au théâtre et au discours lyrique. Il bénéficie pour cela d’une équipe de soliste d’une grande cohésion, et aux timbres bien caractérisés. Arnaud Marzorati campe un demi-dieu effondré, ruminant la perte de son Eurydice tout en conservant presque incidemment les lambeaux de sa glorieuse dignité. Son timbre grainé et d’une frêle humanité contraste d’ailleurs totalement avec celui de Philippe Roche, puissant maître des Enfers d’une grandeur hiératique. Enfin, Isabelle Druet prête son mezzo charnu à Calliope, touchante mère dont les intercessions répétées seront vaines auprès du maître des Enfers.

En définitive, et bien que l’Orfeo Dolente par sa trame resserrée et violente soit un hymne à l’impuissance de l’homme face à la mort, on peut écrire sans rougir que Firenze 1616, comme Marignan 1515, sont tous deux de belles victoires.”

Viet-Linh Nguyen

Technique : Prise de son très transparente, basses rondes. Très légère réverbération

Étiquettes : , , , , , , , Dernière modification: 25 novembre 2020
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