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Version redux (Gretry, L’Amant Jaloux, Notturna, Palametta – ATMA)

Ce qui frappe d’emblée, c’est le changement de climat et de caractère que la transcription confère à l’œuvre. D’une part, la réduction en effectifs s’accompagne d’une réduction en longueur, puisque les scènes parlées sont escamotées, et que les airs sont plus ramassés, afin d’éviter les redites entre orchestre et voix.

André-Ernest-Modeste GRETRY (1741-1813)
L’Amant Jaloux, arrangement d’époque pour flûte, hautbois, violon, alto et basse
Entracte de La Caravane du Caire (arrangement C. Palameta)

François André Danican PHILIDOR (1726-1795)
Quatuor n°2 en fa majeur

Ensemble Notturna,
Hautbois et direction Christopher Palameta

Atma Classique, 2020

On ne reviendra pas sur le contexte historique de l’excellentissime et divertissime Amant Jaloux de Gretry, que nous avions chroniqué lors des représentations versaillaises et parisiennes voici déjà plus de 10 ans, sous la baguette de Jérémie Rohrer. Christopher Palameta en propose la réduction pour quatuor conservée à la Biblioteca Estense de Modène, qui date probablement de la création de 1778. Ce procédé de transcription “pour harmonie”, pour clavecin,  pour petits ensembles, courant à l’époque, permettait aux amateurs de pouvoir rejouer leurs airs favoris à la maison, ou dans le cadre de concerts privés. Ici il s’agit d’une version pour quintette (traverso, hautbois, violon, alto et basse confiée au violoncelle et clavecin) qui regroupe l’ouverture et tous les airs.

Ce qui frappe d’emblée, c’est le changement de climat et de caractère que la transcription confère à l’œuvre. D’une part, la réduction en effectifs s’accompagne d’une réduction en longueur, puisque les scènes parlées sont escamotées, et que les airs sont plus ramassés afin d’éviter les redites entre orchestre et voix. D’autre part, le quintette et la prééminence du traverso et du hautbois modifient considérablement les textures et insufflent une atmosphère plus douce et pastorale que l’original survolté. En outre, la direction de Christopher Palameta, par volonté ou inclination naturelle, semble plus à l’aise dans la poésie ciselée et la mise en avant de la grâce mélodique de Gretry (“Tandis que tout sommeille”, “ô douce nuit”) que dans les passages énergiques, où les attaques paraissent singulièrement émoussées (Ouverture, “Je rompt la chaîne qui m’engage”). On aurait parfois aimé davantage de contraste et de force pour doper la pilule dorée de ce divertissement élégant et précieux, à la vivacité malicieuse communicative. Autre surprise, la transcription (même sans adjonction bienvenue de l’envahissant pianoforte) tire l’œuvre vers la modernité, et une ligne dégraissée préclassique que l’Ensemble Notturna souligne avec brio. On goûte ainsi la souplesse douce des articulations, les ornements glissés avec aisance, la bonhomie truculente (“la gloire vous appelle”), l’équilibre aérien porté par le traverso de Mika Putterman et le grain du hautbois de Christopher Palameta, hélas au détriment de la basse continue ductile de Susie Napper (violoncelle) et Brice Sailly (clavecin) peu présents dans la captation. 

Les mêmes qualités se retrouvent dans le Quatuor n°2 de Philidor (celui-là même qui fut un grand maître d’échecs), résolument classique, où les violons de Laura Andreani et Olivier Brault argumentent avec une rotondité virtuose et où l’adjonction d’un second violon rééquilibre la texture orchestrale en lui apportant une densité bienvenue. Enfin, l’entr’acte instrumental tiré de la Caravane du Caire, sautillant et  un peu saccadé, conclut un programme léger à l’enjouement aimable.

 

Sébastien Holzbauer

 

Étiquettes : , , , Dernière modification: 4 mars 2021
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