Rédigé par 22 h 30 min Actualités, Brèves

Vers la Concorde ?

“L’homme veut la concorde, mais la nature sait mieux que lui ce qui est bon pour son espèce : elle veut la discorde.” (Emmanuel Kant)

Jean-Pierre Fouquet, Modèle d’une pile de pont du Pont Louis XVI (vers 1772) – Musée Carnavalet, Paris

L’actualité de ces derniers temps a remis au centre de l’attention de Palais Bourbon, tandis qu’à l’approche des Jeux, l’on rafistole en toute hâte quelques guérites d’une Place de la Concorde aux beautés décidément fanées. Mais qui prête attention au pont de la Concorde, baptisé ainsi depuis 1830, qui la joint au Quai d’Orsay, et qui fut le Pont Louis XVI (sous l’Ancien Régime et sous la Restauration) avant d’être celui de la Révolution ? I faut dire que ce pont nu, bousculé de circulation, au néoclassicisme aride, n’est guère grandiose ni charmant, et manque par là même de la séduction de la femme fatale comme de la soubrette. Il aurait pu en être autrement… On l’attendit depuis 1722, car le bac était malcommode, mais il fallut attendre que le siècle tirât à la fin de sa course avant que l’architecte Jean-Rodolphe Perronet, co-fondateur des Ponts et chaussées en entreprit la construction de 1787 à 1791. On utilisa même des pierres de taille provenant de la démolition de la Bastille. Vu la dureté des temps, les éléments décoratifs des projets initiaux tombèrent à l’eau. Pourtant ils compensaient la sobriété un peu ennuyeuse du modèle, et le Musée Carnavalet conserve de précieuses maquettes où de très élégantes pyramides de ferronnerie aériennes et colorées, aux armes et monogrammes royaux, scandent la traversée du pont.

Jean-Pierre Fouquet, Modèle du Pont Louis XVI (vers 1772) – Musée Carnavalet, Paris

Une fois la tourmente passée, l’Empire y plaça 8 statues de généraux tombés au champ d’honneur, la Restauration la garnit de 12 hommes célèbres consensuels de marbre blancs commandées sous Louis XVIII dès 1816 et posées avant 1829 : Colbert, Richelieu, Suger, Sully, Bayard, Le Grand Condé, Du Guesclin, Turenne, Duguay-Trouin, Duquesne, Suffren, Tourville. Mais tout ce fatras est trop lourd pour la structure, et on l’enlève sous Louis-Philippe. Enfin, même les proportions sont dénaturées en 1930-32 lorsque l’on double la chaussée et les trottoirs face aux besoins de la circulation (la chaussée initiale de 8,75 mètres de largeur bordée de deux trottoirs de 3 mètres passe à 21 mètres avec 2 trottoirs de 7 mètres). Décidément, à Paris, le chemin de la Concorde est aussi utilitaire que laid.

 

Viet-Linh Nguyen

Étiquettes : , , Dernière modification: 31 août 2023
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