De tic et de toc : Saint-Germain-en-Laye, le bassin de la discorde

© Muse Baroque, 2023

Nous avions longuement relaté le débat quant à la restitution, ou évocation, du Grand Bassin des jardins à la française du Château Vieux de Saint-Germain-en-Laye. Notre analyse rendait compte avant tout de la pertinence et de l’opportunité d’un tel projet, dispendieux, et de l’existence controversée de ce bassin sous le règne de Louis XIV, avant que l’incurie ne le fasse disparaître, à moins qu’il n’ait jamais été construit, ou mis en eau. Nous vous y renvoyons pour le débat historique. En revanche, nous étions assez convaincus par l’opportunité d’une telle évocation / restitution / reconstitution, qui vient combler un vide préjudiciable, remet de la lisibilité dans la perspective, même s’il manque encore à la symétrie l’un des petits bassins ronds remplacé anciennement par une statue mais qui nécessiterait une remise en cause du dernier état historique connu.

Hélas, ce bassin inauguré en juin 2023 et que nous avons vu cet automne, par un beau jour d’octobre, s’avère décevant dans sa réalisation, et ce pour plusieurs raisons : 

• d’abord, même si cela est peu visible sur les photos, le bassin est posé sur une surélévation. Celle-ci a sans doute été imposée par les contraintes techniques d’un circuit clos et de la faible épaisseur de terrain disponible, du fait de la gare RER. Mais la perspective, de même que le cheminement du promeneur en sont faussés ;

un bassin sur une pente en hauteur © Muse Baroque, 2023

• ensuite, le bassin lui-même : bien qu’en pierre de Saint-Leu, le profil et la réalisation très lisse, froide et probablement mécanique, sentent la recréation contemporaine à plein nez. Nous avons recherché dans des traités des profils similaires, ou comparé cette margelle avec celles de bassins versaillais, des Tuileries, de Sceaux ou de Saint-Cloud, sans jamais rien approcher de la sorte. Ajoutons que ladite margelle est de plus comme posée sur la pelouse mais non ancrée, avec une sorte de retrait en-dessous, comme pour passer le balai, qui est très intriguant ;

un drôle de profil © Muse Baroque, 2023

• étrange mais pratique enfin, ce bassin… à débordement ! Doté d’un système digne d’une piscine, qui garantit le circuit d’eau en vase clos. Mais là-encore l’historicité du bassin en prend un coup car bien évidemment Le Nôtre n’a jamais connu un tel procédé, qui modifie drastiquement l’esthétique du bassin à la fois dans ses sonorités, ses rides d’eau et son visuel. 

le bassin à débordement © Muse Baroque, 2023

Reste enfin que par une belle journée, si l’on y regarde pas de trop près, l’on pourra se dire que ces 4,6 millions d’euros (tout de même) n’auront pas été dépensés en vain, et que 50 mètres de diamètre de bassin et un joli jet central de 22 (non présent le jour de notre passage) gardent un peu d’allure. Quoique. Comme le disait Gian Maria Volontè à propos d’un tout autre sujet  “ces choses-là, on les fait bien, ou on le les fait pas”.

Viet-Linh Nguyen