François COUPERIN dit Le Grand (1668-1733)
Pièces de clavecin des Livres I & II
Frédérick Haas, clavecin Jean-Henry Hemsch, 1751.
2 CD, 2h35’. Alpha, 2008.
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Frédérick Haas aime le clavecin, et aime Couperin. Comme Gustav Leonhardt aime Bach. Comme il peut se faire des rencontres miraculeuses entre un instrument, un compositeur et un musicien. Car on peut presque parler de miracle en écoutant sans peine ces plus de deux heures de musique pour clavecin, instrument trop souvent jugé aride, sec, inexpressif et d’écoute douloureuse. Si c’est parfois le cas – notamment avec certains clavecinistes issus de l’école d’un grand chef baroque qu’on ne saurait nommer – il paraît impossible ici de ne serait-ce imaginer une chose pareille, tant tout est léger, souple, mesuré, ample, précis et doux. La musique de Couperin tantôt légère, parfois grave, ou encore brillante vole sous les doigts agiles de Frédérick Haas. Les ornements sont justes, dosés, sautillants quand il le faut, mais jamais hystériques ni écrasés, exagérés ni injustifiés par une flagornerie trop ambitieuse. Tout coule aussi légèrement que les danses qui composent la majorité des pièces enregistrées, comme un petit cours d’eau agréable, qui nous sourirait avec malice pour nous signifier que son côté paisible reste une apparence qui peut décevoir.
Après la Gigue milordine sautillant gentiment, avec une espièglerie presque perverse, avec une légèreté toute fraiche, un Menuet, double du précédent vient en faire le pendant plus lent, plus coloré — certes les aigus sont encore là, mais des graves inouïs donnent un nouveau poids à la pièce. viennent ensuite deux Rondeaux, Les Silvains, tout en majesté électrique, et Les Abeilles, un lancinant vrombissement joyeux, eux-mêmes suivis par La Nanète, une danse effrénée d’allure paysanne, se parant d’une grâce et d’une souplesse délirantes… Ces quelques exemples pour illustrer combien Haas arrive à donner de couleurs et de tessitures différentes à son instrument, à tel point qu’on est impressionné à l’idée que tout ait été joué sur son clavecin, un Hemsch de 1751, chef-d’œuvre de la facture cembalique du XVIIIe siècle sur lequel on été fait tous ses enregistrements (comme celui également très réussi des pièces de d’Anglebert), instrument tout aussi magique que l’interprétation qui nous y est livrée.
Charles di Meglio
Technique : impeccable, on se croirait devant l’instrument tant la prise de son est intime et précise